Marcher, marcher : il va d’estaminets en moulins, se reposant parfois sur une trogne de saule têtard. Il s’étend dans l’herbe folle d’un parc bleu de jacinthes sauvages, où les écrivains puisent leur inspiration, très loin des chemins de Compostelle ! Il patine sur les pavés humides, sans trébucher, pour mieux atteindre l’ultime bien-être d’une solitude qui enrichit l’humain des créations silencieuses autour de son existence. Dans cette chasse aux trésors, pas à pas il longe des murs de briques rouges, il contourne des blockhaus sortant de la terre comme de monstrueux fossiles. Il marche, il marche, il pense à Jacques Brel et à Raymond Devos : il sourit, il chante, il marche, il avance... Il se laisse guider par les sheds des filatures désaffectées. Ses jambes, métronome, suivent un chemin de hallage. Les péniches rouge et noir au trois quart immergées dans le canal ne pourront le rattraper. Il marche, il braconne les images qui défilent sur son parcours : des houblonnières en fleurs, des étendues de lin ondulants au vent mouillé et froid. A son approche, Frisonnes et Pie Noir lui font des yeux de braise. Il continue sa marche, vers de blanches falaises à son rythme cadencé, supporté par le grand air, le piaillement des poules faisanes et les « fraack » des hérons cendrés. Il marche, il marche . Ce qui le motive c’est s’entendre les aboiements des mouettes au plus vite. Il sait que dès lors, que son allure s’accélérera encore davantage, et que son but sera presque atteint. Premières dunes, premiers oyats : il compensera l’usure de ses semelles, par l’infini bonheur, à marée basse, de poser à son oreille une conque magique qui racontera l’océan et sa musique. Alors, il marche, il marche jusqu'à trouver ce plaisir inestimable de sentir le sable couler entre ses doigts...