Je m’appelle Séverine, j’ai 45 ans et suis l’heureuse maman de deux garçons géniaux, mes « belles figures » (Patrick Fiori). J’ai aussi la chance d’avoir un mari que j’ai rencontré à l’âge de 18 ans à l’IUT. Quand je l’ai vu il y a 27 ans, j’ai tout de suite su qu’il allait m’accompagner longtemps ; c’était une évidence, mon compagnon de vie.
J’ai fait des études en commerce et finance, avec en option les ressources humaines car l’humain et ses méandres m’intéressaient déjà. Puis j’ai eu un parcours riche, passant de responsable d’agence de travail temporaire pendant 10 ans à responsable recouvrement, pour me retrouver ces dernières années responsable ressources humaines pour une entreprise possédant des centaines de magasins en Europe.
Je suis fière de ma carrière, j’ai obtenu au fil des années la confiance de mes supérieurs, celle de mes collègues, et parfois ressenti leur jalousie. Ce qui me caractérise est l’énergie et l’engagement que je mets dans chacune de mes missions et je ne m’autorise pas l’échec.
Il y a bien sûr de l’ego dans tout ça, l’envie de bien faire, d’être aimée, d’être reconnue. Il ne faut pas être psy pour comprendre que ce désir d’attention non reçue dès ma naissance rejaillie ici, exacerbée.
Je suis aussi une fierté pour ma famille, mon mari, mes fils. Je mets du cœur, un peu de moi (voire beaucoup de moi) dans chacun de mes gestes, chacune de mes actions même celles qui me pèsent au fil du temps. J’ai malheureusement en tant que RH plus que contribué à fermer des magasins, couper des heures en boutique pour plus de rentabilité. J’ai appliqué les stratégies et directives de mes supérieurs, en bon petit soldat. Mais je l’ai fait à chaque fois en y mettant ce que je pouvais pour adoucir le message : je donnais du temps, de l’écoute à chaque salarié licencié, je donnais volontiers mon oreille et mon épaule pour consoler des salariés à bout, fatigués d’être pressés par des heures seuls en magasin, des livraisons qui désorganisaient le peu de structure qu’ils avaient réussi à créer. J’alertais, mes supérieurs, mes collègues que la situation ne pouvait pas durer sans donner plus de moyens. J’ai introduit dans mes comités d’entreprise des statistiques avec des chiffres transparents sur le turnover, les mesures mises en place par mon équipe en terme de formation, d’accompagnement. J’essayais de trouver encore du sens dans tout ça.
Je rentrais le soir en pleurant dans la voiture, je pleurais le matin en partant, je dormais mal et me levait la nuit pour travailler, écrire des mails. J’arrivais le matin en voulant vomir, je le faisais parfois, j’ouvrais tout le temps les fenêtres, j’avais l’impression d’étouffer. Mes mâchoires étaient sans cesse serrées, mes dents s’usaient à force de me crisper, mes cheveux tombaient en pagaille, mon cycle hormonal était un vrai chaos, et ma libido en berne. Les bruits et fortes lumières me devenaient insupportables, je voulais fuir mais ne trouvais pas le courage, il n’y avait pas d’issue. Alors je m’accrochais, à mes loisirs, nous chantons en famille dans des concerts, concours etc. et chaque weekend, je me regonflais et emmagasinais mes plus beaux souvenirs pour affronter lundi. Etait-ce la couette qui devenait de plus en plus lourde ou mon corps qui n’arrivait plus à s’extraire du lit comme avant ?
Le plus drôle dans tout ça c’est que je faisais partie des personne ressources, référentes en cas d’épuisement professionnel et de harcèlement. J’ai été formée par une médecin spécialiste de la QVT (qualité de vie au travail) et les risques psychosociaux, donc je savais très bien que tous les voyants étaient au rouge. Mais je suis une battante, je suis forte, c’est ce que tout le monde disait,
Et puis il y a eu cette année 2019 et son tsunami émotionnel. J’ai perdu ma mamie en début d’année, mon papa dix jours après d’un infarctus, mon fils a fait un grave malaise en mai, et j’ai continué malgré tout à travailler comme si de rien n’était.
Certaines de mes collègues et amies ont perdu des êtres chers, arrachés violemment, et je partageais leur bureau et leur peine.
Puis il y a eu cet été, je m’autorise une semaine de vacances, en lisant quand même chaque jours mes mails au cas où. Et le décès de mon grand-père, ultime ascendant qui me restait, me tombe dessus comme un couperet.
La vie ne m’a pas gâtée, il y a 14 ans, mon oncle s’est suicidé, près de Bordeaux, en laissant une famille de 3 enfants et sa compagne. Ma maman (sa sœur) très affaiblie par ce drame a perdu la vie plus d’un mois après dans un accident de voiture.
Et j’enterrais mon papi au même endroit où tout avait commencé 14 ans avant pour mon oncle, son fils. La boucle était bouclée.
Mon grand-père, fin aout, a été le détonateur. Je me suis dit : je reviens au point de départ, là où tout a commencé et ou ma famille s’est étiolée au fil des ans. Etre orpheline est dur, même à 45 ans, et même quand on est soit disant une guerrière.
Alors malgré tout ça je suis revenue de congés début septembre, et mes premières journées ont été harassantes : arrivée à 8 h le matin, une demi-heure de calme pour travailler, puis défilé de personnes qui ont attendu votre retour de vacances pour vous coller des réunions, prévues ou non, nécessaire ou non. Résultat : vous vous rasseyez dans votre bureau le soir à 18H30 et là ,la seconde journée de travail commence, les mails par centaine que vous recevez chaque jour et le travail de fond , le plus intéressant, qui ne se fait pas.. Alors je rentre une fois à 20H30, le lendemain à 20H45, puis 21H. Et là mon mari, me dit, en colère mais inquiet, « d’arrêter mes conneries ». Il me balance que je vais finir dans un accident de voiture, tellement je suis fatiguée et à l’ouest, (comme ma mère à l’époque).
Il me pose un ultimatum : prendre rendez-vous chez le médecin, et me faire arrêter. Le lendemain matin, je prends rdv sur doctolib, c’est tellement facile et irréel, pas besoin de parler, en trois clics c’est fait. J’ai rendez-vous le lendemain.
Je décide de parler à mon manager, que je respecte. Je sais que je vais le décevoir, c’est la période la pire pour m’absenter (y a t-il au final une bonne période ?).
J’arrive à lui parler, assez sereinement, en lâchant une larme mais sans m’effondrer. Je lui explique ma fatigue, ma perte de sens, mes pleurs incessants. Je lui dis que je suis à bout et que je suis désolée. Il semble comprendre, me dit de me reposer et de revenir forte, comme on m’aime.
Le soir, et le lendemain, je range mes affaires, et explique à mes collègues que je vais m’arrêter quelques temps. Personne n’est étonnée, tous se posait secrètement la question du quand : « quand va-t-elle s’effondrer, ou comprendre qu’elle est à bout et qu’elle doit prendre soin d’elle ?». On me reportera plus tard que certains pensent que l’entreprise a été en non-assistance à personne en danger.
Je suis partie l’âme triste, comme si je fermais déjà la porte et que je ne reviendrai jamais. Je ne suis jamais revenue...
Après l'arrêt, la culpabilité, la suractivité prolongée à la maison s'est invitée la fatigue. Puis la tristesse, la colère, contre moi, mon histoire, mon patron, tout y passait. Puis une petite voix s'est faite entendre, légère puis de plus en plus tenace : écoute toi, prends soin de toi, prends le temps.
J'ai redécouvert mon corps, le yoga m'a réconcilié avec lui. J'ai accepté d'écouter mon coeur, il en avait gros comme on dit. Et j'ai décidé que ça allait aller, j'ai nagé, marché, lu, écrit, médité. Et mon calme est devenu force, mon énergie est devenue ma rampe de lancement vers quelque chose de plus profond, doux et puissant à la fois. Je comprenais enfin que la vie m'avait fait un cadeau.
J’ai fait des études en commerce et finance, avec en option les ressources humaines car l’humain et ses méandres m’intéressaient déjà. Puis j’ai eu un parcours riche, passant de responsable d’agence de travail temporaire pendant 10 ans à responsable recouvrement, pour me retrouver ces dernières années responsable ressources humaines pour une entreprise possédant des centaines de magasins en Europe.
Je suis fière de ma carrière, j’ai obtenu au fil des années la confiance de mes supérieurs, celle de mes collègues, et parfois ressenti leur jalousie. Ce qui me caractérise est l’énergie et l’engagement que je mets dans chacune de mes missions et je ne m’autorise pas l’échec.
Il y a bien sûr de l’ego dans tout ça, l’envie de bien faire, d’être aimée, d’être reconnue. Il ne faut pas être psy pour comprendre que ce désir d’attention non reçue dès ma naissance rejaillie ici, exacerbée.
Je suis aussi une fierté pour ma famille, mon mari, mes fils. Je mets du cœur, un peu de moi (voire beaucoup de moi) dans chacun de mes gestes, chacune de mes actions même celles qui me pèsent au fil du temps. J’ai malheureusement en tant que RH plus que contribué à fermer des magasins, couper des heures en boutique pour plus de rentabilité. J’ai appliqué les stratégies et directives de mes supérieurs, en bon petit soldat. Mais je l’ai fait à chaque fois en y mettant ce que je pouvais pour adoucir le message : je donnais du temps, de l’écoute à chaque salarié licencié, je donnais volontiers mon oreille et mon épaule pour consoler des salariés à bout, fatigués d’être pressés par des heures seuls en magasin, des livraisons qui désorganisaient le peu de structure qu’ils avaient réussi à créer. J’alertais, mes supérieurs, mes collègues que la situation ne pouvait pas durer sans donner plus de moyens. J’ai introduit dans mes comités d’entreprise des statistiques avec des chiffres transparents sur le turnover, les mesures mises en place par mon équipe en terme de formation, d’accompagnement. J’essayais de trouver encore du sens dans tout ça.
Je rentrais le soir en pleurant dans la voiture, je pleurais le matin en partant, je dormais mal et me levait la nuit pour travailler, écrire des mails. J’arrivais le matin en voulant vomir, je le faisais parfois, j’ouvrais tout le temps les fenêtres, j’avais l’impression d’étouffer. Mes mâchoires étaient sans cesse serrées, mes dents s’usaient à force de me crisper, mes cheveux tombaient en pagaille, mon cycle hormonal était un vrai chaos, et ma libido en berne. Les bruits et fortes lumières me devenaient insupportables, je voulais fuir mais ne trouvais pas le courage, il n’y avait pas d’issue. Alors je m’accrochais, à mes loisirs, nous chantons en famille dans des concerts, concours etc. et chaque weekend, je me regonflais et emmagasinais mes plus beaux souvenirs pour affronter lundi. Etait-ce la couette qui devenait de plus en plus lourde ou mon corps qui n’arrivait plus à s’extraire du lit comme avant ?
Le plus drôle dans tout ça c’est que je faisais partie des personne ressources, référentes en cas d’épuisement professionnel et de harcèlement. J’ai été formée par une médecin spécialiste de la QVT (qualité de vie au travail) et les risques psychosociaux, donc je savais très bien que tous les voyants étaient au rouge. Mais je suis une battante, je suis forte, c’est ce que tout le monde disait,
Et puis il y a eu cette année 2019 et son tsunami émotionnel. J’ai perdu ma mamie en début d’année, mon papa dix jours après d’un infarctus, mon fils a fait un grave malaise en mai, et j’ai continué malgré tout à travailler comme si de rien n’était.
Certaines de mes collègues et amies ont perdu des êtres chers, arrachés violemment, et je partageais leur bureau et leur peine.
Puis il y a eu cet été, je m’autorise une semaine de vacances, en lisant quand même chaque jours mes mails au cas où. Et le décès de mon grand-père, ultime ascendant qui me restait, me tombe dessus comme un couperet.
La vie ne m’a pas gâtée, il y a 14 ans, mon oncle s’est suicidé, près de Bordeaux, en laissant une famille de 3 enfants et sa compagne. Ma maman (sa sœur) très affaiblie par ce drame a perdu la vie plus d’un mois après dans un accident de voiture.
Et j’enterrais mon papi au même endroit où tout avait commencé 14 ans avant pour mon oncle, son fils. La boucle était bouclée.
Mon grand-père, fin aout, a été le détonateur. Je me suis dit : je reviens au point de départ, là où tout a commencé et ou ma famille s’est étiolée au fil des ans. Etre orpheline est dur, même à 45 ans, et même quand on est soit disant une guerrière.
Alors malgré tout ça je suis revenue de congés début septembre, et mes premières journées ont été harassantes : arrivée à 8 h le matin, une demi-heure de calme pour travailler, puis défilé de personnes qui ont attendu votre retour de vacances pour vous coller des réunions, prévues ou non, nécessaire ou non. Résultat : vous vous rasseyez dans votre bureau le soir à 18H30 et là ,la seconde journée de travail commence, les mails par centaine que vous recevez chaque jour et le travail de fond , le plus intéressant, qui ne se fait pas.. Alors je rentre une fois à 20H30, le lendemain à 20H45, puis 21H. Et là mon mari, me dit, en colère mais inquiet, « d’arrêter mes conneries ». Il me balance que je vais finir dans un accident de voiture, tellement je suis fatiguée et à l’ouest, (comme ma mère à l’époque).
Il me pose un ultimatum : prendre rendez-vous chez le médecin, et me faire arrêter. Le lendemain matin, je prends rdv sur doctolib, c’est tellement facile et irréel, pas besoin de parler, en trois clics c’est fait. J’ai rendez-vous le lendemain.
Je décide de parler à mon manager, que je respecte. Je sais que je vais le décevoir, c’est la période la pire pour m’absenter (y a t-il au final une bonne période ?).
J’arrive à lui parler, assez sereinement, en lâchant une larme mais sans m’effondrer. Je lui explique ma fatigue, ma perte de sens, mes pleurs incessants. Je lui dis que je suis à bout et que je suis désolée. Il semble comprendre, me dit de me reposer et de revenir forte, comme on m’aime.
Le soir, et le lendemain, je range mes affaires, et explique à mes collègues que je vais m’arrêter quelques temps. Personne n’est étonnée, tous se posait secrètement la question du quand : « quand va-t-elle s’effondrer, ou comprendre qu’elle est à bout et qu’elle doit prendre soin d’elle ?». On me reportera plus tard que certains pensent que l’entreprise a été en non-assistance à personne en danger.
Je suis partie l’âme triste, comme si je fermais déjà la porte et que je ne reviendrai jamais. Je ne suis jamais revenue...
Après l'arrêt, la culpabilité, la suractivité prolongée à la maison s'est invitée la fatigue. Puis la tristesse, la colère, contre moi, mon histoire, mon patron, tout y passait. Puis une petite voix s'est faite entendre, légère puis de plus en plus tenace : écoute toi, prends soin de toi, prends le temps.
J'ai redécouvert mon corps, le yoga m'a réconcilié avec lui. J'ai accepté d'écouter mon coeur, il en avait gros comme on dit. Et j'ai décidé que ça allait aller, j'ai nagé, marché, lu, écrit, médité. Et mon calme est devenu force, mon énergie est devenue ma rampe de lancement vers quelque chose de plus profond, doux et puissant à la fois. Je comprenais enfin que la vie m'avait fait un cadeau.