Pieds et poings liés, je veux vivre ! Corps et âme, je me lance ! Dix ans déjà que cette maladie me dévore. Persuadée de pouvoir atteindre la perfection, j’ai plongé dans l’illusion et œuvré pour ma destruction. Dix ans déjà que je survis. Vivre, ce n’est pas courir après l’inatteignable. C’est oser déployer tous nos pouvoirs pour atteindre l’incroyable.
Tout me brille paraît-il. Défi relevé aux yeux des autres, qu’à moitié aux miens. Cœur rongé de l’intérieur, ne voient-ils rien ? Mon corps se meurt pourtant de l’extérieur. Fière d’être un modèle de réussite, je dissimule mes quelques failles sous un voile orné de médailles. La dernière m’entraîne au sommet, glorifiée par l’exploit. Paradoxalement, elle libère toute l’amertume que j’ai en moi.
Après huit semaines d'entraînements éreintants, le jour J est enfin arrivé. Huit semaines de sacrifices, d’extrêmes efforts, huit semaines où l’on ne pouvait plus m’arrêter. L’objectif était si ambitieux. Heureuse d’en être arrivée là, j’ai été involontairement soulevée par une force qui me dictait dicte d’aller au-delà. Cette volonté de battre mon record, de prétendre à une place auprès des meilleurs... Elle m’a poursuivi tout au long de cette préparation, elle me fera voler au cours de ce marathon.
Toutes rassemblées, nerfs à vif et stressées, on s’observe. Elles me regardent, elles m’écrasent. Proie facile se disent-elles en me scrutant. Visiblement, serai-je faible ? Mon corps le prétend mais au fond, elles ne peuvent pas imaginer la détermination qui m’anime. L’énergie, je la porte en moi. A cet instant, j’aimerais leur crier haut et fort que cette maladie décuple mes forces.
Mais, à contre-courant, je me bats aussi contre elle. Traîtresse ! elle est comme toutes ces filles autour de moi. Je réalise soudain être à la fois ma propre rivale autant que celle des autres. Concurrente à double sens. Etre ma propre adversaire me saisit. Surprise par cette idée à laquelle je n’avais jamais pensé, je me sens totalement démunie. Je pensais pourtant avoir tout envisagé. Et me voilà perturbée avant même la levée de pieds.
A cet instant précis, j’ai peur.
Un vacarme mental qui n’aurait pas eu lieu sans leurs regards. Autour de moi, elles sont toutes là, les yeux grisés par la hargne et la haine. Elles seules comptent pour elle seule. En souriant, je me détends. Je ne peux m’empêcher de leur transmettre mon excitation. Cette course ce n’est pas le bagne, pour moi c’est justement une opportunité pour chacune de partager une passion, de s’exprimer, de se dépasser, de vivre une expérience, de ressentir son corps, de saisir ses capacités et de se révéler. Parce qu’une fois l’objectif atteint, cette ligne d’arrivée franchie, on se sent plus puissante, plus forte et sensiblement enrichie.
A chacune sa vision de la vie ! me dis-je à soixante secondes du coup de feu. Tel un laissez- passer vers la liberté, je lâche prise à cette pensée et m’envole pour cette course effrénée. Je ne pense plus à rien, je suis guidée par mon instinct. Inconsciemment, pour la toute première fois, je me dégage de toutes ces rigueurs de performance. Ma foulée, je m’en fiche, elle s’harmonise naturellement, reliant mon corps à la Terre. Ma montre, je viens de l’éteindre. Affranchie de ces chiffres et mesures, mon esprit se connecte à l’humanité. La foule nous acclame toutes, elle est juste là, je l’entends. Mon coach également. L’énergie que ces gens nous transmettent est d’une valeur incommensurable. Elle nous permet de déplacer des montagnes, elle nous pousse à nous surpasser. Pourtant, je l’entends à peine, tel un murmure. Je sens davantage la puissance qui s’en dégage parce qu’à ce moment-ci, je suis connectée au monde entier.
De temps à autre, mon corps se raidit à l’idée que je ne respecte pas mes engagements. Gagnée par la culpabilité, je me souviens que mon objectif premier est chronométré. La dernière borne franchie à cet instant est la 23ème mais je n’ai aucune idée de mon temps ni de mon classement. J’avance, à l’aveugle, portée par le mouvement de l’univers, avec une confiance totale en la vie. Mais mon mental n’oublie pas de me fustiger. Arrête de rêver, reprend-toi ! Tu as bossé dur pour atteindre ton objectif ! Concentre-toi et respecte tes engagements envers toi comme envers ton coach et tes proches !.
Qu’il est odieux celui-là ! Faudrait-il être rivé sur sa montre, haïr ses adversaires et être marqué par la douleur pour prétendre réussir ? Qui me dit qu’ainsi je perds la bataille ? L’état dans lequel je suis est si grandiose qu’il ne laisse aucune place à toutes ces injonctions. Je poursuis ma course ainsi en équilibre entre excitation, puissance et détermination. Je suis surprise que mon ego ne soit pas influencé par le nombre d’adversaires que je double. Tout ceci m’est aujourd’hui égal. A la différence de toutes les autres, cette course je la vis pour moi. C’est au dernier kilomètre que je réalise avoir porté toute mon intention sur moi-même et répondu à toutes mes aspirations sans avoir été freinée par la flagellation.
Devant moi, à quelques mètres de l’arrivée, le chronomètre affiche 2 : 46 : 15. A peine croyable ! Quinze secondes plus tard, me voilà paralysée par l’émotion. Transcendée par l’immense sourire sur mon visage, honorant le ciel et je ne sais quoi les bras grand ouvert, j’explose de bonheur. J’ai réussi, j’ai atteint l’objectif, pas seule contre toutes et contre moi-même mais avec tout le monde et tout mon Etre.
Ce jour-là, j’ai accompli l’inimaginable. J’ai réussi non pas grâce à une détermination nourrie par la recherche de gloire, mais par une volonté intérieure.
Depuis cette course, je ne suis plus malade, je ne combat plus, je ne gagne plus. J’accueille, je me fais confiance et j’avance simplement. Tout compte fait, à leurs yeux, je brille toujours. Aujourd’hui, dans les miens, je ne suis qu’amour.
Tout me brille paraît-il. Défi relevé aux yeux des autres, qu’à moitié aux miens. Cœur rongé de l’intérieur, ne voient-ils rien ? Mon corps se meurt pourtant de l’extérieur. Fière d’être un modèle de réussite, je dissimule mes quelques failles sous un voile orné de médailles. La dernière m’entraîne au sommet, glorifiée par l’exploit. Paradoxalement, elle libère toute l’amertume que j’ai en moi.
Après huit semaines d'entraînements éreintants, le jour J est enfin arrivé. Huit semaines de sacrifices, d’extrêmes efforts, huit semaines où l’on ne pouvait plus m’arrêter. L’objectif était si ambitieux. Heureuse d’en être arrivée là, j’ai été involontairement soulevée par une force qui me dictait dicte d’aller au-delà. Cette volonté de battre mon record, de prétendre à une place auprès des meilleurs... Elle m’a poursuivi tout au long de cette préparation, elle me fera voler au cours de ce marathon.
Toutes rassemblées, nerfs à vif et stressées, on s’observe. Elles me regardent, elles m’écrasent. Proie facile se disent-elles en me scrutant. Visiblement, serai-je faible ? Mon corps le prétend mais au fond, elles ne peuvent pas imaginer la détermination qui m’anime. L’énergie, je la porte en moi. A cet instant, j’aimerais leur crier haut et fort que cette maladie décuple mes forces.
Mais, à contre-courant, je me bats aussi contre elle. Traîtresse ! elle est comme toutes ces filles autour de moi. Je réalise soudain être à la fois ma propre rivale autant que celle des autres. Concurrente à double sens. Etre ma propre adversaire me saisit. Surprise par cette idée à laquelle je n’avais jamais pensé, je me sens totalement démunie. Je pensais pourtant avoir tout envisagé. Et me voilà perturbée avant même la levée de pieds.
A cet instant précis, j’ai peur.
Un vacarme mental qui n’aurait pas eu lieu sans leurs regards. Autour de moi, elles sont toutes là, les yeux grisés par la hargne et la haine. Elles seules comptent pour elle seule. En souriant, je me détends. Je ne peux m’empêcher de leur transmettre mon excitation. Cette course ce n’est pas le bagne, pour moi c’est justement une opportunité pour chacune de partager une passion, de s’exprimer, de se dépasser, de vivre une expérience, de ressentir son corps, de saisir ses capacités et de se révéler. Parce qu’une fois l’objectif atteint, cette ligne d’arrivée franchie, on se sent plus puissante, plus forte et sensiblement enrichie.
A chacune sa vision de la vie ! me dis-je à soixante secondes du coup de feu. Tel un laissez- passer vers la liberté, je lâche prise à cette pensée et m’envole pour cette course effrénée. Je ne pense plus à rien, je suis guidée par mon instinct. Inconsciemment, pour la toute première fois, je me dégage de toutes ces rigueurs de performance. Ma foulée, je m’en fiche, elle s’harmonise naturellement, reliant mon corps à la Terre. Ma montre, je viens de l’éteindre. Affranchie de ces chiffres et mesures, mon esprit se connecte à l’humanité. La foule nous acclame toutes, elle est juste là, je l’entends. Mon coach également. L’énergie que ces gens nous transmettent est d’une valeur incommensurable. Elle nous permet de déplacer des montagnes, elle nous pousse à nous surpasser. Pourtant, je l’entends à peine, tel un murmure. Je sens davantage la puissance qui s’en dégage parce qu’à ce moment-ci, je suis connectée au monde entier.
De temps à autre, mon corps se raidit à l’idée que je ne respecte pas mes engagements. Gagnée par la culpabilité, je me souviens que mon objectif premier est chronométré. La dernière borne franchie à cet instant est la 23ème mais je n’ai aucune idée de mon temps ni de mon classement. J’avance, à l’aveugle, portée par le mouvement de l’univers, avec une confiance totale en la vie. Mais mon mental n’oublie pas de me fustiger. Arrête de rêver, reprend-toi ! Tu as bossé dur pour atteindre ton objectif ! Concentre-toi et respecte tes engagements envers toi comme envers ton coach et tes proches !.
Qu’il est odieux celui-là ! Faudrait-il être rivé sur sa montre, haïr ses adversaires et être marqué par la douleur pour prétendre réussir ? Qui me dit qu’ainsi je perds la bataille ? L’état dans lequel je suis est si grandiose qu’il ne laisse aucune place à toutes ces injonctions. Je poursuis ma course ainsi en équilibre entre excitation, puissance et détermination. Je suis surprise que mon ego ne soit pas influencé par le nombre d’adversaires que je double. Tout ceci m’est aujourd’hui égal. A la différence de toutes les autres, cette course je la vis pour moi. C’est au dernier kilomètre que je réalise avoir porté toute mon intention sur moi-même et répondu à toutes mes aspirations sans avoir été freinée par la flagellation.
Devant moi, à quelques mètres de l’arrivée, le chronomètre affiche 2 : 46 : 15. A peine croyable ! Quinze secondes plus tard, me voilà paralysée par l’émotion. Transcendée par l’immense sourire sur mon visage, honorant le ciel et je ne sais quoi les bras grand ouvert, j’explose de bonheur. J’ai réussi, j’ai atteint l’objectif, pas seule contre toutes et contre moi-même mais avec tout le monde et tout mon Etre.
Ce jour-là, j’ai accompli l’inimaginable. J’ai réussi non pas grâce à une détermination nourrie par la recherche de gloire, mais par une volonté intérieure.
Depuis cette course, je ne suis plus malade, je ne combat plus, je ne gagne plus. J’accueille, je me fais confiance et j’avance simplement. Tout compte fait, à leurs yeux, je brille toujours. Aujourd’hui, dans les miens, je ne suis qu’amour.