Toute histoire commence un jour, quelque part, que se soit sur terre ferme ou en mer. Moi, mon histoire est diffusée en épilogue quelque part dans ma tête.
Entre quatre rideaux qui me servent de chambre, partagée avec des personnes qui me sont peu familières. Des lits disposés en rang. On distingue la couleur bleu marine des draps et couvertures à perte de vue. Assis sur l’un des lits situés au centre de ce grand espace divisé en petites pièces. Les circonstances nous ont réuni malgré tout. Comme à l’accoutumée la vie avait suivi son cours et le destin avait tranché contre nos desseins communs. Dans cet espace que j’occupe avec d'autres individus d’origines diverses, chacun de nous avait sa propre histoire et ses blessures mais le désespoir était le sentiment le mieux partagé.
Miroir à la main, je contemple les traits qui se dessinent sur mon visage marqué par la rigueur des épreuves subies si je peux les appeler ainsi. Regardant ce visage défectueux, mon histoire se reconstituait. Absorber par mes pensées, je remontais le temps.
Comme dans tous les pays sous-développés, j’étais issu d’une famille modeste. J’avais atteint l’âge où mes propres besoins constituaient à mes yeux un fardeau pour mes filiales. Ma conscience me poussait à m’atteler à la tâche. L’emploie était pour tous les jeunes de mon âge la chose la plus convoitée. Il me fallait donc trouver du travail pour subvenir à mes besoins et à ceux de ma famille. Aussi entrevoir à épargner quelques sous et daigner à entreprendre. Mais nos postules et dépôts étaient toujours sans suite.
La cause ? je m’en doutais, mais mon esprit ne voulait pas accepter cette théorie avérée. La corruption comme une avalanche anéantissait tout sur son passage. D’où venait cette bête acharnée qui se jouait de nous et de nos principes de vie commune, d’égalité, de transparence dans la gestion communautaire, de nos principes démocratiques ? Cette bête, si douce d’apparence était odieuse et destructrice dans toutes ses facettes. Elle nous faisait souffrir de tous les maux. La corruption par le biais du favoritisme avait eu raison de nous, de nos qualifications, de nos maintes demandes et postules. Moi, je n’étais pas un fils de « ndandanes » et mes proches parents, eux non plus. Ces derniers avaient pourri la vie des modestes gens que nous étions. Ils avaient des relations partout et pouvaient s’octroyer tous les privilèges et services qu’ils voulaient. Les postes et les salaires étaient comme prédestinés à leurs proches, à leurs entourages. Riches, pour eux toutes choses avaient un prix ou une valeur marchande la dignité humaine y compris.
Le manque de revenu accentué par un chômage démesuré, était pour moi un abat. Je ne pouvais me laisser embarqué dans des entreprises délinquantes. Je ne pouvais non plus acquiescer le fait d’être à la fois un nécessiteux et un négligé. Car j’évoluais dans une société où la valeur de la bourse conditionnaient la personnalité et le respect-dû à tout un chacun. La vertu et les valeurs humaines n’y étaient plus monnaie courante. Il fallait palier mes manques. Il fallait aller chercher ailleurs ce que mon territoire me refusait.
Alors j’avais à choisir entre cette vie indécente et un voyage périlleux où l’issue pouvait être le salut. La question ne se posait pas. C’était soit par la mer soit par les frontières. Les soucis du visa étaient inexistants. Car les voies aériennes même plus sures, m’étaient inaccessibles, au-dessus de mes moyens. J’avais alors réussi à amasser des pièces et une liasse de billets. Juste de quoi me payer cette traversée dont l’issue était incertaine.
L’image de ma tendre mère toute en larme me reviennent en flashs. Sa voix toute épouvantée refait des échos dans ma tête. Et fermant les yeux je peux la revoir assise me suppliant de tout son être de renoncer à cette entreprise suicidaire. Ses sanglots m’avaient écœuré mais l’idée de la félicité promise par ce voyage m’avais déjà séduit. Il m’avait servi une vision du futur où la pauvreté serait battue et la précarité révolue. Ces espoirs qui projetaient la quiétude d’une famille dont les besoins étaient satisfaits, avaient rendu les choses moins fatales. Mon cœur s'ébranle. Quand je repense à tout cela, que c’est à son insu que je m’en suis allé. Quand j’imagine l’angoisse qu’elle a dû ressentir. Et le chagrin de se faire à l’idée de ne plus revoir son fils.
Des rafales de mitrailleuses raisonnent encore dans ma tête. Les yeux clos, je vois les visages des personnes avec qui j’avais tissé des liens d'amitiés durant ce voyage et qui y ont laissé la vie. Je revois le corps de Bourahim étendu parterre, le crâne fracassé par une balle lors d’une fusillade entre les passeurs et les brigands de route. Que des atrocités, j’étais dépouillé de tous de mes bagages mais aussi de ma bourse qui me permettait de rester en vie. Dans le désert nos journées, durant lesquelles le soleil s’acharnait sur nous, étaient aussi mouvementées que nos nuits où le froid nous brisait les os. J’en suis sorti indemne, gardant mon intégrité physique. Mais j’y ai laissé une partie de mon être, et ce peu qu'il en reste est morcelé, déchiré. J’ai perdu tout espoir de vie. Car les remords et les regrets ont envahi mon être pour en faire une demeure. Malgré tout, je me demande si je guérirai un jour de ces blessures.
Il se peut que vous vous demandiez qui suis je? Sachez que je me nomme «Niak yaakar» comme tous ces jeunes, désespérés dans leur pays, sont partis ailleurs à la quête d’une vie.
Entre quatre rideaux qui me servent de chambre, partagée avec des personnes qui me sont peu familières. Des lits disposés en rang. On distingue la couleur bleu marine des draps et couvertures à perte de vue. Assis sur l’un des lits situés au centre de ce grand espace divisé en petites pièces. Les circonstances nous ont réuni malgré tout. Comme à l’accoutumée la vie avait suivi son cours et le destin avait tranché contre nos desseins communs. Dans cet espace que j’occupe avec d'autres individus d’origines diverses, chacun de nous avait sa propre histoire et ses blessures mais le désespoir était le sentiment le mieux partagé.
Miroir à la main, je contemple les traits qui se dessinent sur mon visage marqué par la rigueur des épreuves subies si je peux les appeler ainsi. Regardant ce visage défectueux, mon histoire se reconstituait. Absorber par mes pensées, je remontais le temps.
Comme dans tous les pays sous-développés, j’étais issu d’une famille modeste. J’avais atteint l’âge où mes propres besoins constituaient à mes yeux un fardeau pour mes filiales. Ma conscience me poussait à m’atteler à la tâche. L’emploie était pour tous les jeunes de mon âge la chose la plus convoitée. Il me fallait donc trouver du travail pour subvenir à mes besoins et à ceux de ma famille. Aussi entrevoir à épargner quelques sous et daigner à entreprendre. Mais nos postules et dépôts étaient toujours sans suite.
La cause ? je m’en doutais, mais mon esprit ne voulait pas accepter cette théorie avérée. La corruption comme une avalanche anéantissait tout sur son passage. D’où venait cette bête acharnée qui se jouait de nous et de nos principes de vie commune, d’égalité, de transparence dans la gestion communautaire, de nos principes démocratiques ? Cette bête, si douce d’apparence était odieuse et destructrice dans toutes ses facettes. Elle nous faisait souffrir de tous les maux. La corruption par le biais du favoritisme avait eu raison de nous, de nos qualifications, de nos maintes demandes et postules. Moi, je n’étais pas un fils de « ndandanes » et mes proches parents, eux non plus. Ces derniers avaient pourri la vie des modestes gens que nous étions. Ils avaient des relations partout et pouvaient s’octroyer tous les privilèges et services qu’ils voulaient. Les postes et les salaires étaient comme prédestinés à leurs proches, à leurs entourages. Riches, pour eux toutes choses avaient un prix ou une valeur marchande la dignité humaine y compris.
Le manque de revenu accentué par un chômage démesuré, était pour moi un abat. Je ne pouvais me laisser embarqué dans des entreprises délinquantes. Je ne pouvais non plus acquiescer le fait d’être à la fois un nécessiteux et un négligé. Car j’évoluais dans une société où la valeur de la bourse conditionnaient la personnalité et le respect-dû à tout un chacun. La vertu et les valeurs humaines n’y étaient plus monnaie courante. Il fallait palier mes manques. Il fallait aller chercher ailleurs ce que mon territoire me refusait.
Alors j’avais à choisir entre cette vie indécente et un voyage périlleux où l’issue pouvait être le salut. La question ne se posait pas. C’était soit par la mer soit par les frontières. Les soucis du visa étaient inexistants. Car les voies aériennes même plus sures, m’étaient inaccessibles, au-dessus de mes moyens. J’avais alors réussi à amasser des pièces et une liasse de billets. Juste de quoi me payer cette traversée dont l’issue était incertaine.
L’image de ma tendre mère toute en larme me reviennent en flashs. Sa voix toute épouvantée refait des échos dans ma tête. Et fermant les yeux je peux la revoir assise me suppliant de tout son être de renoncer à cette entreprise suicidaire. Ses sanglots m’avaient écœuré mais l’idée de la félicité promise par ce voyage m’avais déjà séduit. Il m’avait servi une vision du futur où la pauvreté serait battue et la précarité révolue. Ces espoirs qui projetaient la quiétude d’une famille dont les besoins étaient satisfaits, avaient rendu les choses moins fatales. Mon cœur s'ébranle. Quand je repense à tout cela, que c’est à son insu que je m’en suis allé. Quand j’imagine l’angoisse qu’elle a dû ressentir. Et le chagrin de se faire à l’idée de ne plus revoir son fils.
Des rafales de mitrailleuses raisonnent encore dans ma tête. Les yeux clos, je vois les visages des personnes avec qui j’avais tissé des liens d'amitiés durant ce voyage et qui y ont laissé la vie. Je revois le corps de Bourahim étendu parterre, le crâne fracassé par une balle lors d’une fusillade entre les passeurs et les brigands de route. Que des atrocités, j’étais dépouillé de tous de mes bagages mais aussi de ma bourse qui me permettait de rester en vie. Dans le désert nos journées, durant lesquelles le soleil s’acharnait sur nous, étaient aussi mouvementées que nos nuits où le froid nous brisait les os. J’en suis sorti indemne, gardant mon intégrité physique. Mais j’y ai laissé une partie de mon être, et ce peu qu'il en reste est morcelé, déchiré. J’ai perdu tout espoir de vie. Car les remords et les regrets ont envahi mon être pour en faire une demeure. Malgré tout, je me demande si je guérirai un jour de ces blessures.
Il se peut que vous vous demandiez qui suis je? Sachez que je me nomme «Niak yaakar» comme tous ces jeunes, désespérés dans leur pays, sont partis ailleurs à la quête d’une vie.