Entre nos mains...la victoire

Sept heures trente. Les yeux encore clos, je m'étire, baille, ouvre les yeux un à un. Les rayons du soleil percent timidement les volets encore fermés. Dehors les oiseaux piaillent, eux aussi profitent de la douceur et du calme. C'est un peu tôt pour un dimanche matin ; la plupart des copains feront la grasse matinée, activité favorite d'une majorité d'adolescents il paraît. Autre philosophie de mon côté, je suis plutôt de ceux à qui l'avenir appartient, ceux qui se lèvent tôt et qui mettent à profit chaque minute pour être meilleur, pour rendre le monde meilleur. Tout est calme dans la maison, à pas de loup je me sers un vers de lait et avale une brioche. J'enfile mes baskets et prends une poche, ou un tote bag comme dirait ma sœur. Sans un bruit je me glisse en dehors de la maison pour mon plogging dominical. Je vous vois écarquiller les yeux, et j'entends mon papi me demander qu'est-ce que c'est que cette invention encore?! Je suis sûre que vous en avez entendu parler, c'est de l'écojogging, une tendance suédoise, qui allie deux bonnes actions, une pour soi et l'autre pour la planète, en courant on ramasse les déchets que l'on trouve sur notre chemin. C'est parti pour une heure d'évasion et de bonne action. Sur la route, sur les pistes, à travers mon village, je collecte les papiers, canettes et autres emballages. Au bout de mon heure de course, le sac est plein. Ça me fait toujours le même effet de voir la quantité ramassée tous les dimanches. N'y a-t-il donc que moi dans ce village qui me soucie de notre impact sur la planète?! Bon, je le vis aussi comme une petite victoire et je me sens fière de la tâche accomplie. Mais ça me révolte, au fond de moi je bous.
Quatorze heures, il est temps de partir pour mon match. La compétition est dure cette année, c'est ma première année en moins de quinze et on joue en poule haute. Autant dire que les contacts sont d'une autre intensité. Notre club ne fait pas partie des grands clubs, et quand on arrive, on passe souvent pour les paysans, les rigolos de la poule, on ne nous prend pas au sérieux... mais ça ne dure jamais bien longtemps, quelques minutes après e coup d'envoie, les adversaires voient qu'on a du jeu. Aujourd'hui c'est un match à domicile. J'aime beaucoup jouer à la maison, les supporteurs sont toujours nombreux, il y a une ambiance de folie. Et je suis fier de mon club parce qu'il a mis en place une commission environnement. Il y a des membres de tous âges, et des référents dans les différentes équipes. Bien entendu je suis inscrit dans cette commission. On se réunit une fois par mois pour faire le point sur les différentes actions de sensibilisation, mais aussi sur ce qu'on peut mettre en place. Ainsi depuis le début de l'année on a instauré plusieurs actions éco-responsables. Déjà, plus de colle autorisée dans la salle, les ballons et le parquet nous disent merci! Dans les vestiaires il y a des minuteurs pour tout, les lumières et l'eau, les têtes en l'air nous disent merci! Les collations offertes aux joueurs sont toutes faites maison, gâteaux, crêpes, chacun s'y colle et les adversaires nous disent merci! rien de tel qu'un gâteau maison après un match! et pour les boissons c'est écocup pour tous! Les gens commencent à prendre de bonnes habitudes. Même les supporteurs s'y mettent en recyclant des vieux bidons en tambours, ambiance garantie! Bien sûr cela n'a pas été évident dès le début, notamment en ce qui concerne la colle, beaucoup de joueurs râlaient. Le club a dû investir dans de nouveaux ballons. Il a fallu aussi revoir l'installation électrique pour les minuteurs, heureusement un des joueurs de l'équipe loisir est électricien. On a encore des idées à développer, mais chaque chose en son temps, et notre budget est assez limité. Dommage que la fédération n'aide pas les clubs qui s'engagent dans une démarche éco-responsable, parce que mine de rien cela demande de l'investissement et pour un petit club comme le nôtre cela n'a pas été facile de convaincre le président tant le montant de la facture était grand. Peut-être qu'un jour la fédération va créer un écolabel, sur le même principe que les médailles attribuées aux clubs en fonction de leur engagement auprès des jeunes équipes et de l'arbitrage. Si une telle distinction était mise en place, je suis sûre qu'on pourrait obtenir la médaille d'or! et puis cela motiverait les autres clubs à s'investir dans des actions pour prendre soin de notre planète. En tout cas, moi je suis fier de faire partie d'un club engagé, et nos actions, même si elles sont de petites envergures, je suis convaincu qu'elles sont importantes. En mettant tous la main à la pâte, on peut changer le monde, à l'instar des battements d'ailes du papillon...
Quinze heures, début de l'échauffement. Je me mets dans ma bulle. Focus sur le match qui nous attend. L'enjeu est important, il nous manque un point pour faire partie des trois premiers... et aujourd'hui on rencontre l'équipe qui est juste devant nous au classement. La défaite n'est pas possible! On est tous silencieux, le poids de l'enjeu est comme une chape de plomb sur le terrain. Je crois que les coachs ne nous ont jamais vu aussi calmes et peu bavards. Mais derrière ce calme apparent se cache notre motivation et notre détermination. Voilà le temps d'échauffement d'avant match que je préfère ; en ligne sur la ligne de but, on se frappe les différentes partie du corps, tous ensemble, cela donne un rythme, une musique, on court sur place et au signal de notre capitaine ou crie et on part en courant vers le centre du terrain, vers l'autre équipe. J'adore ce moment, c'est comme notre haka! et dans notre cri on relâche toute la tension. Maintenant place à l'échauffement du gardien, rester concentré pour lui donner des ballons bien placés. La séance de tirs, les courses, les croisés; bref ça y est on est prêts. Derniers conseils, dernières consignes des coachs, et rappel de la consigne première : S'AMUSER ! 
Seize heure, la table sonne le début du match, l'arbitre siffle le début de la rencontre. Dans les tribunes, les parents sont tous là, les copains de l'équipe 2 aussi, les joueurs des moins de 18 qui jouent après sont là aussi. C'est de la folie! Les tambours, les chants, tout y est, on se croirait en finale de coupe de France! Nous ne sommes pas 7 sur le terrain, nous sommes 300! avec ça impossible de perdre! Attaque, défense, contre-attaque, croisés, tir à 9m, les bras, on est à fond, on ne lâche rien. Temps mort, les coachs nous donnent quelques consignes, nous encouragent, nous félicitent, il n'y a que trois buts d'écart, rien n'est joué. On y retourne, gonflés à bloc! Un joueur adverse prend deux minutes pour une faute sur l'arrière gauche, touché en pleine extension, il se retrouve au sol, peine à reprendre son souffle, se relève sous les applaudissements. On marque le jet de 7 mètres et encore trois buts en suivant. A la mi-temps on est devant... Dans les vestiaires on s'encourage mutuellement, les coachs nous donnent les consignes de jeu. Le buzzer sonne déjà la reprise, on retourne sur le terrain. Le public nous porte, nous soulève, à chaque action c'est les tambours, difficile d'entendre les annonces du demi, mais on est là tous ensemble et on se sent bien. On récite nos différentes phases de jeu, on ne se laisse pas intimider. On redonne coup pour coup, but pour but. L'arbitre siffle, notre ailier prend deux minutes, on va devoir finir avec un joueur en moins sur le terrain, et on est mené de deux buts. C'est dur, les chocs en défense et en attaque font de plus en plus mal. Un dernier tir juste avant le coup de sifflet final, on perd d'un but. La déception est grande, les larmes me montent aux yeux. On a tout donné, on ne peut rien se reprocher, mais les mots des coachs ne suffisent pas. On est tous abattus. C'est notre première année en moins de quinze on a encore beaucoup à apprendre. Tout le monde nous félicite, les adversaires reconnaissent que nous nous sommes bien battus. Vivement le match retour !
 
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