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J'attends... J'attends.
Depuis toujours.
Mes yeux sont fermés, depuis toujours.
Mes mains flottent devant mon visage, et même si je ne les vois pas, je sais exactement quelle forme elles ont.
Mes jambes flottent, elles aussi, mais sous moi. Elles se baladent dans le coffre.
J'entends des sons, mais ils sont comme étouffés. Des mots, quelques fois. Il arrive que quelque chose donne des petits coups sur le coffre, comme pour me faire réagir, mais je préfère ne pas répondre. Je ne sais pas à qui je m'adresse.
La seule voix que j'entends de façon claire, c'est celle du professeur Runyard. Elle est posée, douce et emplie de sagesse. Il me parle doucement, m'explique des choses.
Par exemple, c'est comme ça que je sais que c'est lui qui m'a créée. Que je ne suis que sa création et pas vraiment une personne.
Et je sais qu'il m'attend avec impatience.
Aujourd'hui, le professeur m'a demandé de faire une chose étrange : ouvrir les yeux. À vrai dire, je me doutais bien qu'il y avait quelque chose à faire avec cette partie de mon visage... mais les ouvrir, ça non, je n'y avais pas pensé. Je me suis exécutée. Et là, ce fut incroyable : de la lumière est entrée dans mes yeux, dans ma tête, et j'ai vu.
Ce n'était pas un coffre. Enfin si, mais les parois étaient transparentes, et il y avait des choses au-delà de mon espace restreint. Je les apercevais tout autour de moi.
En face, je voyais le professeur, qui appuyait sa main contre le coffre. Elle avait l'air aplatie contre une surface transparente et dure. J'avançai ma main pour toucher la sienne et rencontrai le même obstacle que lui. Sur ma droite, encore cette matière étrange qui me contenait. Mais maintenant, je pouvais constater qu'il y avait d'autres coffres, tout aussi transparents que le mien, mais vides. Tout ce que je voyais en dehors était très flou.
Le professeur me rappela vers lui. Je l'écoutais avec attention. Sa voix déformée traversait le liquide dans lequel j'étais née, et où j'avais vécu jusqu'à ce moment étrange où je rencontrais mon créateur.
— Elby, tu m'entends ?
Je hochai la tête. Je sentais que sa voix avait pris une teinte nouvelle, de l'anxiété.
— Elby, nous allons vider le tank et te faire sortir, tu es prête ?
C'est quoi, le tank ? Me faire sortir ? Pour quoi faire ?
J'entendis un bruit étrange provenant de sous mes pieds. En penchant la tête, j'aperçus, malgré le trouble du liquide, un trou noir dans lequel commençait à s'agiter un objet métallique. J'entendis un bruit de turbine, puis le liquide commença à être aspiré vers le trou, moi avec.
Je constatais pour la première fois qu'un tuyau sortait de mon nez et de ma gorge. Il n'avait apparemment pas été conçu pour me suivre dans ma chute alors que le tank – qui était donc mon coffre – se vidait. Je l'arrachais brusquement, ce qui fut assez douloureux. J'entendis le professeur protester :
— Attends, Elby, non !
Je restai donc ainsi, flottant dans ce liquide épais, constatant pour la première fois que j'avais eu besoin de respirer, jusqu'ici, à l'aide de ce tuyau étranger.
Une sensation oppressante se fit ressentir dans ma poitrine. J'avais envie d'avaler, d'aspirer quelque chose qui n'était plus là. Je sentis une bouffée de panique me monter vers le cerveau. J'ouvris la bouche dans un élan désespéré et inhalai le liquide de tous mes poumons.
La douleur fut indescriptible. Mes bras tambourinaient contre l'intérieur du tank, mes jambes battaient le fond vers lequel le liquide disparaissait, m'entraînant avec lui. De mes yeux exorbités, je vis le professeur se retourner brusquement et partir trop loin pour que je puisse le distinguer.
Je commençais à découvrir la peur, quand quelque chose se produisit, et tout à coup, je tombai. Mes genoux heurtèrent un sol dur et froid, et mes bras eurent pour la première fois à me retenir pour que ma tête ne se fracassât pas contre le carrelage. Je vomissais, toussais, pleurais.
Puis je sentis un contact étrange sur mon dos. Je me retournai et vis le professeur, penché sur moi, qui me recouvrait d'une couverture brillante.
— Elby, nom de Dieu, pourquoi tu n'as pas attendu ? J'ai été obligé d'enclencher la vidange d'urgence. Ça va ? Tu n'as rien de cassé ?
Je fis non de la tête.
Rien ne me semblait cassé en moi. Le voir aussi net, l'entendre aussi clairement me bouleversait. Je continuais à pleurer, tout en me blottissant dans ses bras. Nous restâmes ainsi quelques minutes.
Le professeur m'emmena dans une pièce qui était cachée à ma vue, puisqu'elle était derrière le coffre qui avait contenu ma vie pendant tout ce temps. Au milieu trônait un lit de plastique blanc, qui n'avait pas l'air très confortable. Je m'y allongeai tout de même, sur les directives de mon protecteur, pour lequel j'éprouvais une reconnaissance sans limites.
Il m'injecta un décontractant et sortit de la pièce.
Il revint quelques instants plus tard en poussant un fauteuil roulant, dans lequel une jeune fille à l'air malade était assise. Elle me regardait avec un air fatigué. Ses cheveux bruns étaient clairsemés et ses mains ressemblaient à des serres.
Le professeur l'approcha de mon lit, pour qu'elle pût me dévisager à loisir. Cela ne me dérangeait pas. Je me sentais bizarrement très détendue.
Elle posa l'une de ses petites mains sur mon front et demanda doucement :
— C'est mon nouveau corps ?
— Oui, Lou, c'est elle.
L'incompréhension me gagnait, tout comme un brouillard cotonneux se propageait devant mes yeux.
Je levai le bras pour atténuer la luminosité grandissante, et remarquai pour la première fois, à l'arrière de ma main, une marque : « Lou Bis. »
LB.
Elby.
Depuis toujours.
Mes yeux sont fermés, depuis toujours.
Mes mains flottent devant mon visage, et même si je ne les vois pas, je sais exactement quelle forme elles ont.
Mes jambes flottent, elles aussi, mais sous moi. Elles se baladent dans le coffre.
J'entends des sons, mais ils sont comme étouffés. Des mots, quelques fois. Il arrive que quelque chose donne des petits coups sur le coffre, comme pour me faire réagir, mais je préfère ne pas répondre. Je ne sais pas à qui je m'adresse.
La seule voix que j'entends de façon claire, c'est celle du professeur Runyard. Elle est posée, douce et emplie de sagesse. Il me parle doucement, m'explique des choses.
Par exemple, c'est comme ça que je sais que c'est lui qui m'a créée. Que je ne suis que sa création et pas vraiment une personne.
Et je sais qu'il m'attend avec impatience.
Aujourd'hui, le professeur m'a demandé de faire une chose étrange : ouvrir les yeux. À vrai dire, je me doutais bien qu'il y avait quelque chose à faire avec cette partie de mon visage... mais les ouvrir, ça non, je n'y avais pas pensé. Je me suis exécutée. Et là, ce fut incroyable : de la lumière est entrée dans mes yeux, dans ma tête, et j'ai vu.
Ce n'était pas un coffre. Enfin si, mais les parois étaient transparentes, et il y avait des choses au-delà de mon espace restreint. Je les apercevais tout autour de moi.
En face, je voyais le professeur, qui appuyait sa main contre le coffre. Elle avait l'air aplatie contre une surface transparente et dure. J'avançai ma main pour toucher la sienne et rencontrai le même obstacle que lui. Sur ma droite, encore cette matière étrange qui me contenait. Mais maintenant, je pouvais constater qu'il y avait d'autres coffres, tout aussi transparents que le mien, mais vides. Tout ce que je voyais en dehors était très flou.
Le professeur me rappela vers lui. Je l'écoutais avec attention. Sa voix déformée traversait le liquide dans lequel j'étais née, et où j'avais vécu jusqu'à ce moment étrange où je rencontrais mon créateur.
— Elby, tu m'entends ?
Je hochai la tête. Je sentais que sa voix avait pris une teinte nouvelle, de l'anxiété.
— Elby, nous allons vider le tank et te faire sortir, tu es prête ?
C'est quoi, le tank ? Me faire sortir ? Pour quoi faire ?
J'entendis un bruit étrange provenant de sous mes pieds. En penchant la tête, j'aperçus, malgré le trouble du liquide, un trou noir dans lequel commençait à s'agiter un objet métallique. J'entendis un bruit de turbine, puis le liquide commença à être aspiré vers le trou, moi avec.
Je constatais pour la première fois qu'un tuyau sortait de mon nez et de ma gorge. Il n'avait apparemment pas été conçu pour me suivre dans ma chute alors que le tank – qui était donc mon coffre – se vidait. Je l'arrachais brusquement, ce qui fut assez douloureux. J'entendis le professeur protester :
— Attends, Elby, non !
Je restai donc ainsi, flottant dans ce liquide épais, constatant pour la première fois que j'avais eu besoin de respirer, jusqu'ici, à l'aide de ce tuyau étranger.
Une sensation oppressante se fit ressentir dans ma poitrine. J'avais envie d'avaler, d'aspirer quelque chose qui n'était plus là. Je sentis une bouffée de panique me monter vers le cerveau. J'ouvris la bouche dans un élan désespéré et inhalai le liquide de tous mes poumons.
La douleur fut indescriptible. Mes bras tambourinaient contre l'intérieur du tank, mes jambes battaient le fond vers lequel le liquide disparaissait, m'entraînant avec lui. De mes yeux exorbités, je vis le professeur se retourner brusquement et partir trop loin pour que je puisse le distinguer.
Je commençais à découvrir la peur, quand quelque chose se produisit, et tout à coup, je tombai. Mes genoux heurtèrent un sol dur et froid, et mes bras eurent pour la première fois à me retenir pour que ma tête ne se fracassât pas contre le carrelage. Je vomissais, toussais, pleurais.
Puis je sentis un contact étrange sur mon dos. Je me retournai et vis le professeur, penché sur moi, qui me recouvrait d'une couverture brillante.
— Elby, nom de Dieu, pourquoi tu n'as pas attendu ? J'ai été obligé d'enclencher la vidange d'urgence. Ça va ? Tu n'as rien de cassé ?
Je fis non de la tête.
Rien ne me semblait cassé en moi. Le voir aussi net, l'entendre aussi clairement me bouleversait. Je continuais à pleurer, tout en me blottissant dans ses bras. Nous restâmes ainsi quelques minutes.
Le professeur m'emmena dans une pièce qui était cachée à ma vue, puisqu'elle était derrière le coffre qui avait contenu ma vie pendant tout ce temps. Au milieu trônait un lit de plastique blanc, qui n'avait pas l'air très confortable. Je m'y allongeai tout de même, sur les directives de mon protecteur, pour lequel j'éprouvais une reconnaissance sans limites.
Il m'injecta un décontractant et sortit de la pièce.
Il revint quelques instants plus tard en poussant un fauteuil roulant, dans lequel une jeune fille à l'air malade était assise. Elle me regardait avec un air fatigué. Ses cheveux bruns étaient clairsemés et ses mains ressemblaient à des serres.
Le professeur l'approcha de mon lit, pour qu'elle pût me dévisager à loisir. Cela ne me dérangeait pas. Je me sentais bizarrement très détendue.
Elle posa l'une de ses petites mains sur mon front et demanda doucement :
— C'est mon nouveau corps ?
— Oui, Lou, c'est elle.
L'incompréhension me gagnait, tout comme un brouillard cotonneux se propageait devant mes yeux.
Je levai le bras pour atténuer la luminosité grandissante, et remarquai pour la première fois, à l'arrière de ma main, une marque : « Lou Bis. »
LB.
Elby.
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