«Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux.» Je me retrouvais dans un endroit totalement inconnu et je ne sais, par quelle magie. Peut-être un coup du sort ? Tout était silencieux! A peine pouvais-je voir cinq cent mètres à l’horizon. Aucun bruit! Pas même le souffle du vent. J’étais apeuré. Mes jambes ne tenaient plus debout. Vu le temps qu’il faisait, il devait sonner environ dix-sept heures. La nuit n’allait pas tarder à tomber, car le jour frisant disparaissait peu à peu. C’est alors que je cherchais à comprendre ce qui m’arrivait, j’ai aperçu une maisonnette qui profilait à deux cents mètres à gauche de ma position. J’ai décidé d’accourir vers elle dans l’espoir de trouver un homme ou quelque chose qui me tirerait de là. L’obscurité s’abattait progressivement. Plus j’approchais, plus grande était ma peur, et moins ma bravoure. Mais il n’était pas question que je laisse passer ma seule chance.
Enfin j’étais plus proche. C’était une maison en terre battue. A travers l’entrouverture de la seule porte qui donnait accès à cette architecture singulière, je pouvais observer des faits inédits : un bazar total. Il m’était donné de voir grâce à la lumière qui émanait fragilement d’une bougie posée sur une table au fond : des chemises sur le sommier en bois, un Jean bleu accroché à un clou pointé dans l’un des murs, un short posé juste à l’entrée, bible et polycopiés ouverts et entassés pêle-mêle les uns sur les autres. Au milieu de tout ce désordre, était assis un jeune bout-d’ homme, à la grosse tête et au corps chétif on dirait un déporté de camp de concentration du XXe siècle. Sa remarquable tête, prise en étau entre ses mains naines, oscillait amplement, tantôt de la droite vers la gauche, tantôt de l’arrière vers l’avant. Je pouvais de ce fait cerner, bien que difficilement, ce qu’il murmurait :
« S’en est de trop! J’en ai ras-le-bol. Bientôt onze ans que je suis conscient, capable de contempler, analyser et aboutir à discerner le bien du mal. Peut-être en fais-je de trop? Non, j’ai raison! C’est tout logique. Je suis attristé! Mon cœur saigne de l’intérieur, mes mains tremblent et la sueur me ruisselle le visage, du front aux commissures labiales ; rien qu’en y pansant! Mais où en sommes-nous? Vers où allons-nous? Un pays où tout va mal. Tout! Au Système éducatif des plus bizarres et rudes au monde. Où on inculque aux apprenants, dans les écoles, que la seule issue est la fonction publique. Or c’est du faux et de l’impossibilité. Ses villages ainsi que les rues de ses villes en témoignent ; par la pullulation des Zémidjans puis des marchands journaliers de quelques dizaines de litres d’essence qui pour la plupart seraient des diplômés titulaires d’une licence en Anglais, Lettre moderne, Histoire, Géographie... Un Pays où, pour s'assurer au moins de quoi nourrir le corps, de peur de se retrouver dans un KO substantiel, la jeunesse diplômée s’enrôle dans l’armée contre de piètres sommes ou se convertie en Enseignant. Oubliant qu’enseigner est une question de vocation primordiale, qui devrait être prise d’un sérieux sans précédent. »
Ce que murmurait ce jeune-homme me semblait familier. Encore plus étrange, c’est qu’il monologuait alors qu’il me paraissait plutôt loin dans ces pensées. Je prêtais ainsi plus oreilles attentives.
Après un petit silence, toujours l’air très inquiet, comme s’il avait un obstacle qui le resserrait la poitrine, il reprit de nouveau. Cette fois-ci la voix plus timbrée, je l’entendais plus aisément gronder:
«J’empeste la colère au point même de crier fortement: ‘’Pingres d’autorités’’, quand j’emprunte la route qui mène vers mon ancien collège qui a fait de moi, cet homme que je suis aujourd’hui. Une route des plus délabrées qu’il existe. Pénible à pratiquer à vélo, à moto comme à voiture. Elle a été une dizaine de fois, colmatée partiellement par des semblants de techniciens. Le pire, c’est qu’un jour, un gigantesque prospectus fut hissé au bord du même tronçon sur lequel on pouvait comprendre aisément qu’il s’agissait d’un projet de réhabilitation totale de ce dernier. Fort malheureusement, contre toute attente, le projet n’a jamais été entamé. Le dernier espoir disparut avec la complète dégradation du prospectus, livré aux intempéries du soleil et des pluies. Oups ! Ce n’était qu’un extrait de la défectibilité du système routier d’une ville qui s’avère être la deuxième du Pays. »
A ces mots, s’en suivi un plus long silence. Plus je l’écoutais, plus j’avais la conviction qu’il s’agissait d’un épisode de ma vie. Trop de coïncidences ! Pendant que je réfléchissais, il se mit dans une terrible colère. Je pouvais l’entendre pour une troisième fois se lamenter :
« Le comble, c’était mon premier cours présentiel à l’université. C’était la grande déception ce jour-là. Un Matin pas comme tous les jours. Le cours devait tenir dans l’amphi KG8. La grande surprise était de voir une foule immense, attroupée jusqu’à environ deux mètres autour d’une salle. Au moignon de l’épaule un sac, dans une main un stylo et dans l’autre un calepin, toute attentive, à ce qui se passait dans la salle. Après avoir joyeusement salué une charmante fille que j’ai croisé, je lui avais demandé de m’indiquer où se situait l’amphi KG8 où je devais suivre le cours d’introduction à la littérature Britannique. Elle m’avait confirmé que c’était bien celle qui brouillait d’individus. J’étais resté stupéfait, bouche bée. Malheureusement je n’avais donc pas pu participer au cours, faute de place. Ma désolation se sentait à travers ma mimique. Il a fallu peu, pour que je perdre des larmes, quand qu’ai entendu une voix venant de derrière dire : "c’est une salle de 800 places." Alors que nous étions deux milles nouveaux étudiants environ inscrits pour ce même cours.»
Le bout-d’ homme avait cessé de monologuer et poussait des sanglots. Pris de compassion, cette peur qui m’animait disparue soudainement. Mon seul objectif n’était que de lui apporter consolation. J’ai eu alors l’impression qu’Il s’était enfin rendu compte qu’il n’était pas seul, et s’était tourné aussitôt vers moi. Je perdais promptement, mon courage. Mon cœur s’était mis à battre irrégulièrement vite. Comme s’il voulait m’éviter une syncope en optimisant la quantité de sang cérébral, lorsque j’apercevais étrangement que le bout-d’ homme était en fait mon sosie.
A l’instant même, j’entendais une voix mielleuse accoutumée, qui me soufflait à l’oreille : « lèves-toi! Il est quatre heures. C’est ta deuxième journée de cours à l’université. Il ne faudrait pas que tu la ratte aussi. »
Enfin j’étais plus proche. C’était une maison en terre battue. A travers l’entrouverture de la seule porte qui donnait accès à cette architecture singulière, je pouvais observer des faits inédits : un bazar total. Il m’était donné de voir grâce à la lumière qui émanait fragilement d’une bougie posée sur une table au fond : des chemises sur le sommier en bois, un Jean bleu accroché à un clou pointé dans l’un des murs, un short posé juste à l’entrée, bible et polycopiés ouverts et entassés pêle-mêle les uns sur les autres. Au milieu de tout ce désordre, était assis un jeune bout-d’ homme, à la grosse tête et au corps chétif on dirait un déporté de camp de concentration du XXe siècle. Sa remarquable tête, prise en étau entre ses mains naines, oscillait amplement, tantôt de la droite vers la gauche, tantôt de l’arrière vers l’avant. Je pouvais de ce fait cerner, bien que difficilement, ce qu’il murmurait :
« S’en est de trop! J’en ai ras-le-bol. Bientôt onze ans que je suis conscient, capable de contempler, analyser et aboutir à discerner le bien du mal. Peut-être en fais-je de trop? Non, j’ai raison! C’est tout logique. Je suis attristé! Mon cœur saigne de l’intérieur, mes mains tremblent et la sueur me ruisselle le visage, du front aux commissures labiales ; rien qu’en y pansant! Mais où en sommes-nous? Vers où allons-nous? Un pays où tout va mal. Tout! Au Système éducatif des plus bizarres et rudes au monde. Où on inculque aux apprenants, dans les écoles, que la seule issue est la fonction publique. Or c’est du faux et de l’impossibilité. Ses villages ainsi que les rues de ses villes en témoignent ; par la pullulation des Zémidjans puis des marchands journaliers de quelques dizaines de litres d’essence qui pour la plupart seraient des diplômés titulaires d’une licence en Anglais, Lettre moderne, Histoire, Géographie... Un Pays où, pour s'assurer au moins de quoi nourrir le corps, de peur de se retrouver dans un KO substantiel, la jeunesse diplômée s’enrôle dans l’armée contre de piètres sommes ou se convertie en Enseignant. Oubliant qu’enseigner est une question de vocation primordiale, qui devrait être prise d’un sérieux sans précédent. »
Ce que murmurait ce jeune-homme me semblait familier. Encore plus étrange, c’est qu’il monologuait alors qu’il me paraissait plutôt loin dans ces pensées. Je prêtais ainsi plus oreilles attentives.
Après un petit silence, toujours l’air très inquiet, comme s’il avait un obstacle qui le resserrait la poitrine, il reprit de nouveau. Cette fois-ci la voix plus timbrée, je l’entendais plus aisément gronder:
«J’empeste la colère au point même de crier fortement: ‘’Pingres d’autorités’’, quand j’emprunte la route qui mène vers mon ancien collège qui a fait de moi, cet homme que je suis aujourd’hui. Une route des plus délabrées qu’il existe. Pénible à pratiquer à vélo, à moto comme à voiture. Elle a été une dizaine de fois, colmatée partiellement par des semblants de techniciens. Le pire, c’est qu’un jour, un gigantesque prospectus fut hissé au bord du même tronçon sur lequel on pouvait comprendre aisément qu’il s’agissait d’un projet de réhabilitation totale de ce dernier. Fort malheureusement, contre toute attente, le projet n’a jamais été entamé. Le dernier espoir disparut avec la complète dégradation du prospectus, livré aux intempéries du soleil et des pluies. Oups ! Ce n’était qu’un extrait de la défectibilité du système routier d’une ville qui s’avère être la deuxième du Pays. »
A ces mots, s’en suivi un plus long silence. Plus je l’écoutais, plus j’avais la conviction qu’il s’agissait d’un épisode de ma vie. Trop de coïncidences ! Pendant que je réfléchissais, il se mit dans une terrible colère. Je pouvais l’entendre pour une troisième fois se lamenter :
« Le comble, c’était mon premier cours présentiel à l’université. C’était la grande déception ce jour-là. Un Matin pas comme tous les jours. Le cours devait tenir dans l’amphi KG8. La grande surprise était de voir une foule immense, attroupée jusqu’à environ deux mètres autour d’une salle. Au moignon de l’épaule un sac, dans une main un stylo et dans l’autre un calepin, toute attentive, à ce qui se passait dans la salle. Après avoir joyeusement salué une charmante fille que j’ai croisé, je lui avais demandé de m’indiquer où se situait l’amphi KG8 où je devais suivre le cours d’introduction à la littérature Britannique. Elle m’avait confirmé que c’était bien celle qui brouillait d’individus. J’étais resté stupéfait, bouche bée. Malheureusement je n’avais donc pas pu participer au cours, faute de place. Ma désolation se sentait à travers ma mimique. Il a fallu peu, pour que je perdre des larmes, quand qu’ai entendu une voix venant de derrière dire : "c’est une salle de 800 places." Alors que nous étions deux milles nouveaux étudiants environ inscrits pour ce même cours.»
Le bout-d’ homme avait cessé de monologuer et poussait des sanglots. Pris de compassion, cette peur qui m’animait disparue soudainement. Mon seul objectif n’était que de lui apporter consolation. J’ai eu alors l’impression qu’Il s’était enfin rendu compte qu’il n’était pas seul, et s’était tourné aussitôt vers moi. Je perdais promptement, mon courage. Mon cœur s’était mis à battre irrégulièrement vite. Comme s’il voulait m’éviter une syncope en optimisant la quantité de sang cérébral, lorsque j’apercevais étrangement que le bout-d’ homme était en fait mon sosie.
A l’instant même, j’entendais une voix mielleuse accoutumée, qui me soufflait à l’oreille : « lèves-toi! Il est quatre heures. C’est ta deuxième journée de cours à l’université. Il ne faudrait pas que tu la ratte aussi. »