7 heures.
Le soleil ne brillait pas encore, mais le ciel bleu annonçait encore une belle journée.
Elles s’étaient fixé rendez-vous à une heure où personne ne viendrait les déranger, les surprendre ou les dénoncer.
Eva entra par la porte à code, à l’arrière du bâtiment. Alexandra Lacrabère - Siraba Dembélé 64-17, le code n’avait pas changé depuis des lustres. Elle était arrivée en scooter par le petit sentier en terre battue qui se faufilait à travers le petit bois derrière chez elle et déboulait directement sur le Complexe Sportif Omnisports de Carconsan.
Flo arriva avec le bus de ville. L’arrêt 26 de la ligne B la déposa à une encablure de la salle et elle en profita pour trottiner et s’étirer sur le chemin. Son père travaillait à l’entretien du complexe. Il lui avait donc suffi de lui emprunter sa clé passe-partout dans sa veste en quittant l’appartement et il lui faudrait l’y remettre avant son départ pour le boulot.
Au départ, une rivalité, un défi. Flo et Eva jouaient pour les clubs rivaux de la ville. La saison précédente, en finale de la coupe départementale, le Saint-Pierre Handball Club d’Eva avait battu les Chirocs de Carconsan de Flo d’une courte tête, mais les deux joueuses avaient totalisé chacune 9 buts avec exactement les mêmes statistiques. Le prix de la meilleure joueuse avait été décerné à Eva et Flo ne l’avait pas supporté...
Les règles du duel avaient été négociées par messagerie électronique : chacune apporte son ballon, installation de la bâche cible et échauffement ; à 7 heures 15 – le panneau d’affichage de la salle faisant foi – début du duel ; 100 tirs réussis dans les lucarnes, lancers en alternance depuis la ligne de jet franc, face à la cage. Un but après tir direct, un but après tir avec rebond...la première à terminer sa série serait considérée comme victorieuse.
À 7 heures 14, les deux joueuses s’approchèrent du rond central et se jaugèrent du regard, sans un mot. Eva avait revêtu sa tenue jaune et verte de club, un peu par habitude, un peu par superstition. Flo avait gardé son bas de jogging d’entrainement noir et elle portait un vieux T-shirt d’un camp d’été passé, sur lequel l’évolution de l’homo sapiens se terminait par un tir en suspension d’un handballeur.
Le « clic » que fit la pendule murale lorsqu’elle afficha 7:15 agit sur elles comme un coup de fouet. Elles s’avancèrent vers le but ballon en main et commencèrent. Chaque tentative réussie était annoncée à haute voix, la tireuse partant ramasser son ballon avant la tentative de son adversaire.
Aucune des deux n’arrivait à prendre un avantage conséquent. Eva se détacha à plusieurs reprises, mais Flo parvint à revenir à sa hauteur et passa même devant à 94.
A 99-98 pour elle, elle lâcha sa balle trop rapidement et celle-ci vint heurter la transversale, monter haut et terminer sa trajectoire sur un module de chauffage de la salle, hors d’atteinte. Elle se retourna dépitée vers Eva qui n’ayant pas vu l’incident, lâcha son tir suivant. Le ballon rebondit au sol devant le but puis se dirigea vers la lucarne et...se coinça dans l’angle de la cage, narguant ouvertement les deux handballeuses.
En souriant, les deux adversaires se retrouvèrent au milieu du terrain.
- Match nul ?
- Match nul. On règlera ça en finale.
- La saison prochaine, alors.
- Ben ouais. Put... de confinement !
Elles se quittèrent sans un mot de plus, chacune de son côté.
Deux portes claquèrent au loin et le silence se fit dans la salle, comme depuis des mois.
Le printemps 2020 n’aimait décidément pas le handball...
Le soleil ne brillait pas encore, mais le ciel bleu annonçait encore une belle journée.
Elles s’étaient fixé rendez-vous à une heure où personne ne viendrait les déranger, les surprendre ou les dénoncer.
Eva entra par la porte à code, à l’arrière du bâtiment. Alexandra Lacrabère - Siraba Dembélé 64-17, le code n’avait pas changé depuis des lustres. Elle était arrivée en scooter par le petit sentier en terre battue qui se faufilait à travers le petit bois derrière chez elle et déboulait directement sur le Complexe Sportif Omnisports de Carconsan.
Flo arriva avec le bus de ville. L’arrêt 26 de la ligne B la déposa à une encablure de la salle et elle en profita pour trottiner et s’étirer sur le chemin. Son père travaillait à l’entretien du complexe. Il lui avait donc suffi de lui emprunter sa clé passe-partout dans sa veste en quittant l’appartement et il lui faudrait l’y remettre avant son départ pour le boulot.
Au départ, une rivalité, un défi. Flo et Eva jouaient pour les clubs rivaux de la ville. La saison précédente, en finale de la coupe départementale, le Saint-Pierre Handball Club d’Eva avait battu les Chirocs de Carconsan de Flo d’une courte tête, mais les deux joueuses avaient totalisé chacune 9 buts avec exactement les mêmes statistiques. Le prix de la meilleure joueuse avait été décerné à Eva et Flo ne l’avait pas supporté...
Les règles du duel avaient été négociées par messagerie électronique : chacune apporte son ballon, installation de la bâche cible et échauffement ; à 7 heures 15 – le panneau d’affichage de la salle faisant foi – début du duel ; 100 tirs réussis dans les lucarnes, lancers en alternance depuis la ligne de jet franc, face à la cage. Un but après tir direct, un but après tir avec rebond...la première à terminer sa série serait considérée comme victorieuse.
À 7 heures 14, les deux joueuses s’approchèrent du rond central et se jaugèrent du regard, sans un mot. Eva avait revêtu sa tenue jaune et verte de club, un peu par habitude, un peu par superstition. Flo avait gardé son bas de jogging d’entrainement noir et elle portait un vieux T-shirt d’un camp d’été passé, sur lequel l’évolution de l’homo sapiens se terminait par un tir en suspension d’un handballeur.
Le « clic » que fit la pendule murale lorsqu’elle afficha 7:15 agit sur elles comme un coup de fouet. Elles s’avancèrent vers le but ballon en main et commencèrent. Chaque tentative réussie était annoncée à haute voix, la tireuse partant ramasser son ballon avant la tentative de son adversaire.
Aucune des deux n’arrivait à prendre un avantage conséquent. Eva se détacha à plusieurs reprises, mais Flo parvint à revenir à sa hauteur et passa même devant à 94.
A 99-98 pour elle, elle lâcha sa balle trop rapidement et celle-ci vint heurter la transversale, monter haut et terminer sa trajectoire sur un module de chauffage de la salle, hors d’atteinte. Elle se retourna dépitée vers Eva qui n’ayant pas vu l’incident, lâcha son tir suivant. Le ballon rebondit au sol devant le but puis se dirigea vers la lucarne et...se coinça dans l’angle de la cage, narguant ouvertement les deux handballeuses.
En souriant, les deux adversaires se retrouvèrent au milieu du terrain.
- Match nul ?
- Match nul. On règlera ça en finale.
- La saison prochaine, alors.
- Ben ouais. Put... de confinement !
Elles se quittèrent sans un mot de plus, chacune de son côté.
Deux portes claquèrent au loin et le silence se fit dans la salle, comme depuis des mois.
Le printemps 2020 n’aimait décidément pas le handball...