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Du vent dans les cheveux. Du vent dans mes cheveux et de la sueur sur mon front. C'est mon cœur qui palpite. C'est mon cœur qui bat. C'est mon cœur qui crie. Il bat parce que mes jambes l'essoufflent à force d'appuyer sur le pédalier pour engloutir ces kilomètres qui me séparent de Saint-Mury. Moi, le Louis de Lancey, je transhume vers l'herbe fraîche des Balcons. Alors mon cœur bat. Il bat des baisers que je lui envoie, à elle, ma Marie à moi. Il crie de cet élan qui m'a poussé vers elle au son de « La Java bleue ».
J'avais bien fait ce jour-là d'aller au bal à Saint-Mury. « Les filles y sont belles ! Viens avec nous ! » que me disait l'ami Marcel. « Monte avec nous ! » Leur joie était communicative, je n'avais pas mis longtemps à me décider, le printemps des maraîchers tirait vers sa fin dans la vallée, et j'avais bien mérité mon salaire. Le père ne m'embêterait pas très longtemps. Et puis, au pire, j'étais bon pour une petite raclée en rentrant, rien de bien méchant en somme. J'en avais vu d'autres. Alors j'y étais allé.
Je l'avais vue, une danse, et tout se met à tourner autour de moi. Je tourne. Nous tournons. J'ai le cœur qui palpite, j'ai les lèvres qui s'étirent, le sourire qui naît, qui pointe, qui envahit, qui court vers mes yeux, qui redescend partout, dans tout mon corps. Elle me fait cet effet-là ma petite Marie. Elle me faire rire à pleines dents. Marie, c'est une fille toute simple, toujours riante, toujours souriante, toujours heureuse de tout. Elle a le regard qui brille, qui scintille lorsqu'elle regarde le soleil se refléter dans l'eau des ruisseaux ! Marie. Marie. Marie ! Ma petite étoile.
Oh que oui, mes jambes souffrent ! Oh que oui dix bornes de virages raides, les raccourcis qui grimpent à n'en plus finir, les routes piégeuses, pierreuses et pentues c'est pas simple. Mais ma Marie, elle vaut bien ça. Ma Marie elle vaut bien que je lui donne tous ces efforts. Des efforts qui ne sont que des plaisirs tellement ils font battre mon cœur, tellement je sens ses lèvres sur mon front. Du vent dans mes cheveux comme des baisers sur mon front. Il faut que je passe par la Combe, franchir le ruisseau du Mont, puis passer tout près des Cochards et Saint-Mury-Monteymond, dix kilomètres, très vite surplomber la falaise à l'ombre des charmilles et des frênes, après l'ombre froide des sapins, l'odeur de la terre, souvent acre, l'odeur enivrante de la résine, les champs de jonquilles, les parfums printaniers, les terres grasses des premières hauteurs, les ruisseaux qui courent un peu partout, l'ail sauvage des fossés ombragés, la fraîcheur des combes, puis enfin la dernière ligne droite avant le village et la lumière du lieu.
Comme ce soleil qui me caresse. Comme sa voix sans façon qui me pousse à pédaler toujours plus vite. Je rêve d'elle. Je rêve de sa présence. Un vent chaud dans le cœur, un vent qui me fait tourner Marie. Alors tourne ! Tourne ! Que les roues s'envolent, qu'elles courent sur les pierres, qu'elles glissent dans les pentes, qu'elles grimpent, virevoltent, tressautent, qu'elles vivent ! Tourne, tourne petit moulin, tourne, tourne petite Marie. Je rentre en enfance avec elle. Je fuis la guerre avec elle. Je m'isole du monde et le vent dans mes cheveux me caresse amoureusement. Elle efface tous les tourments de ces derniers mois. Le frère, les cousins appelés là-bas, les copains qui meurent, qui disparaissent dans le maquis. Les tickets de rationnement. Les femmes appelées aux usines. Le train qui n'arrive plus. La sécheresse de l'été 39. L'isolement de l'hiver. Les nouvelles qu'on ne reçoit pas.
Chaque tour de manivelle, chaque perle de sueur me ramène aux joies simples de l'enfance. Mon cœur bat à se rompre. Mon visage doit être rouge pomme. Je dois avoir l'air d'un fou à m'escrimer sur ma selle, suant de plus belle, souriant, béat, heureux, vivant, riant devant les chiens qui veulent goûter de mon mollet au-dessus des Chappes, pédalant de plus belle, j'ai envie de crier ma joie au paysan du coin, j'ai envie qu'ils deviennent tous mes compagnons de fortune, j'ai envie de payer à boire à tous mes amis ! Du vent dans les yeux, des larmes ensoleillées qui courent sur mes joues rasées de près. Oh que oui, ma petite Marie ! Oh que oui, je vais t'aimer Marie ! A m'en abîmer les mains, à m'en épuiser les reins, à m'en brûler les lèvres. Plus que quelques kilomètres Marie, plus que quelques kilomètres.
J'avais bien fait ce jour-là d'aller au bal à Saint-Mury. « Les filles y sont belles ! Viens avec nous ! » que me disait l'ami Marcel. « Monte avec nous ! » Leur joie était communicative, je n'avais pas mis longtemps à me décider, le printemps des maraîchers tirait vers sa fin dans la vallée, et j'avais bien mérité mon salaire. Le père ne m'embêterait pas très longtemps. Et puis, au pire, j'étais bon pour une petite raclée en rentrant, rien de bien méchant en somme. J'en avais vu d'autres. Alors j'y étais allé.
Je l'avais vue, une danse, et tout se met à tourner autour de moi. Je tourne. Nous tournons. J'ai le cœur qui palpite, j'ai les lèvres qui s'étirent, le sourire qui naît, qui pointe, qui envahit, qui court vers mes yeux, qui redescend partout, dans tout mon corps. Elle me fait cet effet-là ma petite Marie. Elle me faire rire à pleines dents. Marie, c'est une fille toute simple, toujours riante, toujours souriante, toujours heureuse de tout. Elle a le regard qui brille, qui scintille lorsqu'elle regarde le soleil se refléter dans l'eau des ruisseaux ! Marie. Marie. Marie ! Ma petite étoile.
Oh que oui, mes jambes souffrent ! Oh que oui dix bornes de virages raides, les raccourcis qui grimpent à n'en plus finir, les routes piégeuses, pierreuses et pentues c'est pas simple. Mais ma Marie, elle vaut bien ça. Ma Marie elle vaut bien que je lui donne tous ces efforts. Des efforts qui ne sont que des plaisirs tellement ils font battre mon cœur, tellement je sens ses lèvres sur mon front. Du vent dans mes cheveux comme des baisers sur mon front. Il faut que je passe par la Combe, franchir le ruisseau du Mont, puis passer tout près des Cochards et Saint-Mury-Monteymond, dix kilomètres, très vite surplomber la falaise à l'ombre des charmilles et des frênes, après l'ombre froide des sapins, l'odeur de la terre, souvent acre, l'odeur enivrante de la résine, les champs de jonquilles, les parfums printaniers, les terres grasses des premières hauteurs, les ruisseaux qui courent un peu partout, l'ail sauvage des fossés ombragés, la fraîcheur des combes, puis enfin la dernière ligne droite avant le village et la lumière du lieu.
Comme ce soleil qui me caresse. Comme sa voix sans façon qui me pousse à pédaler toujours plus vite. Je rêve d'elle. Je rêve de sa présence. Un vent chaud dans le cœur, un vent qui me fait tourner Marie. Alors tourne ! Tourne ! Que les roues s'envolent, qu'elles courent sur les pierres, qu'elles glissent dans les pentes, qu'elles grimpent, virevoltent, tressautent, qu'elles vivent ! Tourne, tourne petit moulin, tourne, tourne petite Marie. Je rentre en enfance avec elle. Je fuis la guerre avec elle. Je m'isole du monde et le vent dans mes cheveux me caresse amoureusement. Elle efface tous les tourments de ces derniers mois. Le frère, les cousins appelés là-bas, les copains qui meurent, qui disparaissent dans le maquis. Les tickets de rationnement. Les femmes appelées aux usines. Le train qui n'arrive plus. La sécheresse de l'été 39. L'isolement de l'hiver. Les nouvelles qu'on ne reçoit pas.
Chaque tour de manivelle, chaque perle de sueur me ramène aux joies simples de l'enfance. Mon cœur bat à se rompre. Mon visage doit être rouge pomme. Je dois avoir l'air d'un fou à m'escrimer sur ma selle, suant de plus belle, souriant, béat, heureux, vivant, riant devant les chiens qui veulent goûter de mon mollet au-dessus des Chappes, pédalant de plus belle, j'ai envie de crier ma joie au paysan du coin, j'ai envie qu'ils deviennent tous mes compagnons de fortune, j'ai envie de payer à boire à tous mes amis ! Du vent dans les yeux, des larmes ensoleillées qui courent sur mes joues rasées de près. Oh que oui, ma petite Marie ! Oh que oui, je vais t'aimer Marie ! A m'en abîmer les mains, à m'en épuiser les reins, à m'en brûler les lèvres. Plus que quelques kilomètres Marie, plus que quelques kilomètres.
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