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Histoires Jeunesse - 11-14 Ans (Cycle 4) Je m'appelle Adam et j'ai une histoire à vous raconter. Un matin, en revenant du collège, je me suis arrêté en chemin. Il y avait un très joli pommier dans le verger d'à côté. Un pommier plus beau que tous les pommiers que j'avais vus auparavant. Un pommier dont les pommes brillaient comme les boules d'un sapin de Noël ! Mais nous étions fin octobre et les pommiers ne sont pas des sapins ! Sur ce pommier, il y avait donc plusieurs variétés de pommes. Des pommes Gala qui avaient mis leurs plus belles robes du soir ; des pommes d'Api étoilées qui étincelaient de mille feux au soleil ; des pommes Cloche qui tintaient sous l'effet du vent ; des pommes Diva dont les voix sublimes s'élevaient dans les airs et sur les airs de divers opéras.
Quel spectacle ! Quelle féerie ! Mon cœur n'en pouvait plus de danser ! Mes yeux de rire ! Mes oreilles d'être charmées et ma bouche d'être bée. Il fallait que je touche ! Il fallait que je goûte ! Absolument ! Aussi, piqué par la curiosité et devant tant de beauté, je m'approchai de l'arbre à pas comptés, lentement, tout doucement. Puis, d'une main tremblante, hésitante, presque timide, je cueillis une pomme. Pas n'importe quelle pomme ! Non, une pomme Empire, mais en mieux ! Je croquai dedans et son goût sucré explosa tant et si bien dans mon palais que pour rien au monde je n'aurais cédé mon empire ! C'était là un véritable délice ! Une friandise à nulle autre pareille ! C'est alors qu'à cet instant précis, après deux exquises bouchées, je les vis... Les vers ! Oui, il y avait des vers dans la pomme ! Mais, pas n'importe quels vers ! Non, c'étaient des vers de poésies ! Les plus beaux qu'on puisse écrire ! Les plus raffinés qu'on puisse lire ! Les plus sublimes qu'on puisse dire ! Bref, des vers tendres à entendre... mieux à écouter !
Ainsi, je prêtai l'oreille aux vers de Jacques Prévert :
« Je dis tu à tous ceux que j'aime... »
À pleines dents, dans une pomme Elstar... je goûtai tout le suc des vers de Paul Éluard :
« La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur... »
Dans une pomme Rambour d'Hiver, des vers, des vers encore des vers...
Ainsi donc, je continuai de réciter, sans doute porté par l'« Enthousiasme » de Louise Colet :
« Contre une heure d'amour, de pure volupté, j'échangerai ma vie et mon éternité. »
Je croquai, croquai et croquai encore... Cette fois-ci dans une pomme Drap d'Or, ces autres vers du grand Charles Baudelaire :
« Là, tout n'est qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté... »
Grisé par l'art métrique, derrière la cravate et dans le nez, deux trois p'tits vers de Louise Labé :
« Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie... »
En conséquence de quoi, chaque jour en rentrant du collège, gagné par une envie folle de poésie, j'avais pris l'habitude de m'arrêter dans le verger. Les ronces envahissantes s'en tenaient éloignées. Mieux, lorsqu'elles étaient trop nombreuses, elles se mettaient sur le côté, m'ouvrant comme par magie, un large passage jusqu'au fabuleux pommier ! C'est ainsi que ce mardi, je mordis avec envie et eus soudain comme une sorte de révélation ! Une illumination ! Une fulguration ! Que dis-je ? Un éclair de grâce ! Sous la peau jaune dorée d'une pomme Belchard, dans la chair juteuse, croquante et sucrée, je trouvai ces quelques vers de Pierre de Ronsard. Il n'y avait rien à ajouter. En quelques mots tout était dit :
« Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie... »
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