Maître ? vous plaisantez ? Vous pouvez me cogner, comme l'ont fait tous les autres, mais je ne vous appellerai pas maître. Vous pouvez vous dire plus grand que moi, plus intelligent et plus riche que moi, à supposer que vous l'êtes vraiment, ça vous regarde. Prenez cinq douches par jour, faites de la manicure, de la pédicure, vivez dans de belles baraques, voyagez par avions, par métro et que sais-je encore ? Prenez soins de vous autant que vous le pouvez ; ayez trois repas par jour, dinez avec du caviar, ça ne m'émeut point. Vous n'êtes point grand à mes si petits yeux. Je ne l'ai jamais dit auparavant, ce n'est pas aujourd'hui que je le ferai croyez-moi. Je ne vous appellerai jamais maître.
Que je vous parle avec du respect ? je ne vous le dois point. Mais pour qui vous prenez vous à la fin ? vous entendez vous parler ? Mais prenez une seconde de votre si précieux temps comme vous le dites si bien, et regardez-vous pour cette brève seconde. Que constatez-vous ? vous êtes un homme, vous n'êtes qu'un homme, vous êtes un homme comme moi. Et je me dois de vous appeler maître ? ne trouvez-vous pas cela d'une absurdité logique ? Alors de vous à moi, d'homme à homme, trouvez-moi une raison, une seule raison véritable qui m'obligerai à vous appeler maître.
Que vous avez la peau blanche ? Oui, et quoi encore ? je l'ai remarqué. Et je remarque également que la mienne est toute noire. Et donc c'est pour cela que vous vous voyez si grand ? Oh mon cher, ne soyez point incrédule. Noir ou blanc, nous sommes tous des êtres humains, nous sommes tous égaux. Ne me demandez donc pas de courber l'échine pour vous plaire dans vos idées de grandeur. Que je baisse d'un ton ? Que vous avez droit de vie et de mort sur ma personne ? Oh très cher. Sachez que le ton avec lequel je vous parle est encore très calme. Et justement, c'est parce que, d'une manière ou d'une autre, je vous dois la vie. Allez ! oui, vous pouvez-vous en réjouir, je le reconnais néanmoins. Au grand rassemblement de Bimbia, vous vous êtes proposé de m'acheter.
Volontiers, et aussi généreux que vos congénères, vous les avez remboursés les quelques pièces qu'ils eurent donné au roi Peuls pour mon acquisition. Plus vexé que vous par mes propos, votre prédécesseur avait déjà décidé de jeter aux oubliettes sa fortune ayant servi à mon achat. Il avait déjà donné l'ordre pour que l'on me jette par-dessus le port ; et vous, avec votre esprit salvateur, vous l'en avez empêché. Est-ce pour cela que je devrais vous appeler maître ? je ne crois pas. Mais rendez-vous bien compte monsieur le dieu. Vous n'avez que retardé l'inévitable. Je sais que vous finirai vous également par prendre la même résolution que votre prédécesseur. Vous ne cautionnerez pour plus longtemps qu'un nègre comme vous vous plaisez à m'appeler, qu'un nègre continu à vous parler de la sorte, qu'il continu de vous dire vos quatre vérités. Alors je sais, sois vous me donnerez à manger aux chiens, soit vous m'affamerez, ou alors vous me bastonnerez à mort. Mais sachez-le très cher, je ne vous en voudrai toujours pas.
Vous-avez vu en moi votre homme à tout faire n'est-ce pas ? et maintenant vous osez dire que je vous dois la vie ? laissez-moi vous le dire, vous me devez de l'argent, énormément. Patientez un instant, je vous dresserai la facture. Vous verrez combien vous me devez pour tous ces services rendus, gratuitement pensez-vous. Alors préparez-vous déjà. Vous- êtes riches n'est-ce pas ? vous êtes tout puissant n'est-ce pas ? vous pouviez tout vous permettre face à des vulgaires nègres répugnants et crasseux n'est-ce pas ? aujourd'hui c'en ai terminé je vous rassure. Que vous-avez des relations ? que vous-avez des amis très haut placés qui vous couvriront ? alors qu'attendez-vous encore ? faites ce que vous avez à faire si vous osez.
Non ! ce n'est pas une menace. Comment puis-je avoir le courage de proférer des menaces à l'encontre de mon seigneur ? ce serai creuser moi-même ma sépulture ne trouvez-vous vous pas ? que j'aille droit au but ? ah je vois comment monsieur le seigneur frémit. De quoi avez-vous peur ? de moi ? d'un nègre ? je n'ai que mon physique d'homme noir c'est vrai. Je ne peux que faire confiance à mes poings c'est encore vrai. Mais croyez-vous que là soient les seuls atouts dont je dispose ? ne vous trompez point monsieur le blanc. Ne croyez non plus que vos intimidations me fassent peur d'une manière ou d'une autre.
Avez-vous déjà gouté à la mort ? à sa saveur frissonnante et glaciale ? Avez-vous déjà été seul ? connaissez-vous la solitude, l'extrême solitude ? Avez-vous déjà passé des semaines d'insomnies, parce que vous devez servir votre propriétaire à chaque seconde ? avez-vous déjà passé des jours affamés en guise de punition ? juste parce que vous avez mal fait quelque chose ? non ! si oui, vous n'oseriez pas me menacer, vous n'oseriez pas exiger de moi malgré tout cela, que j'ouvre ma bouche, et que je réussisse à vous appeler maître. Vous vous contenterez je trouve, de mes services. Allez ! dites-le-moi monsieur. Est-ce que je ne prends pas bien soin de votre maison, de votre Ranch, de vos plantations ... ? avez-vous déjà perdu un vêtement ? une culière ? est-ce que le décompte de vos veaux et juments a déjà manqué ? ne prenons-nous pas bien soin de vos plantations ? alors pourquoi n'êtes-vous toujours pas satisfait ? pourquoi cet acharnent à nous démontrer que nous ne représentons absolument rien aux yeux du monde ? Pour ma part, détrompez-vous très cher, vous pouvez vous fourrer votre « maître » là où je pense.
C'est vrai, je suis un tout petit peu hautain. Et, ce comportement semble vous insupporter. Laissez-moi vous le dire, de tous les trois continents que mes pieds ont foulés, de tous ces pays de super grands où j'ai été acheté, où ma force physique a été vendue ou échangée, sachez-le, vous êtes bien le pire, mais sachez-le encore, je ne vous en veux guère. Ceci a toujours été ma vie. Elle n'a jamais été rose. Je suis un survivant, et je l'ai toujours été depuis ma naissance. Si je décidais de garder rancune, si j'en voulais au monde, alors mon cœur serait peint d'une noirceur étincelante, d'une noirceur aussi claire si bien que vous ne trouverez pas ce courage morbide pour me demander de tels ignominies. Dès ma naissance, ma mère, ma propre mère, a trouvé que je n'étais pas assez digne d'elle, alors elle s'en est allé au ciel. Apparemment seul lui était digne d'elle. Quelques temps après, mon père, la dernière personne qui me restait dans ce monde s'est vu offert contre une bouteille de vin rouge à un allemand, avec moi en bonus. Dès huit ans, je fus déjà esclave, et deux ans après, je fus séparé de mon paternel. De propriétaires en propriétaire je suis passé. J'ai déjà essuyé toutes les bassesses de ce bas monde. Et vous, avec vos propos de colons, vous croyez m'effrayer ? eh bien laissez-moi éclater de rire un instant. En revoyant pour cette énième fois le port de Bimbia, je revivais très lentement ma triste et misérable vie. J'étais prêt à me jeter de moi-même à l'eau. Au moins cela aurait mis fin à mon supplice qui perdure depuis une éternité déjà. Vous m'en avez empêché. Était-ce donc pour ceci ? Ah que c'est décevant ! Je n'en attendais pas moins de vous néanmoins. Vous-êtes tout-à-fait comme vos semblables rassurez-vous.
Alors très cher. Pourquoi êtes-vous ainsi devenu muet ? avez-vous pitié de moi ? avez-vous un cœur ? ah ! que c'est touchant. Vous-vous en voulez ? ne soyez pas aussi triste. Mon seul problème avec vous, vous le connaissez. En outre, si je dois en vouloir à quelqu'un, ce n'est pas vous, bien au contraire. J'en veux à ces autorités-là, à ces chefs religieux, à ces rois, ces sultans, à ces hommes, ces femmes, ceux-là qui ont trahi l'humanité, ceux-là qui ont trahi l'Afrique, ceux-là qui ont eu ce piètre courage de vendre leur propre frère, leur propre sang, de les échanger, pour un rien du tout, pour leur satiété personnelle.
Que je vous parle avec du respect ? je ne vous le dois point. Mais pour qui vous prenez vous à la fin ? vous entendez vous parler ? Mais prenez une seconde de votre si précieux temps comme vous le dites si bien, et regardez-vous pour cette brève seconde. Que constatez-vous ? vous êtes un homme, vous n'êtes qu'un homme, vous êtes un homme comme moi. Et je me dois de vous appeler maître ? ne trouvez-vous pas cela d'une absurdité logique ? Alors de vous à moi, d'homme à homme, trouvez-moi une raison, une seule raison véritable qui m'obligerai à vous appeler maître.
Que vous avez la peau blanche ? Oui, et quoi encore ? je l'ai remarqué. Et je remarque également que la mienne est toute noire. Et donc c'est pour cela que vous vous voyez si grand ? Oh mon cher, ne soyez point incrédule. Noir ou blanc, nous sommes tous des êtres humains, nous sommes tous égaux. Ne me demandez donc pas de courber l'échine pour vous plaire dans vos idées de grandeur. Que je baisse d'un ton ? Que vous avez droit de vie et de mort sur ma personne ? Oh très cher. Sachez que le ton avec lequel je vous parle est encore très calme. Et justement, c'est parce que, d'une manière ou d'une autre, je vous dois la vie. Allez ! oui, vous pouvez-vous en réjouir, je le reconnais néanmoins. Au grand rassemblement de Bimbia, vous vous êtes proposé de m'acheter.
Volontiers, et aussi généreux que vos congénères, vous les avez remboursés les quelques pièces qu'ils eurent donné au roi Peuls pour mon acquisition. Plus vexé que vous par mes propos, votre prédécesseur avait déjà décidé de jeter aux oubliettes sa fortune ayant servi à mon achat. Il avait déjà donné l'ordre pour que l'on me jette par-dessus le port ; et vous, avec votre esprit salvateur, vous l'en avez empêché. Est-ce pour cela que je devrais vous appeler maître ? je ne crois pas. Mais rendez-vous bien compte monsieur le dieu. Vous n'avez que retardé l'inévitable. Je sais que vous finirai vous également par prendre la même résolution que votre prédécesseur. Vous ne cautionnerez pour plus longtemps qu'un nègre comme vous vous plaisez à m'appeler, qu'un nègre continu à vous parler de la sorte, qu'il continu de vous dire vos quatre vérités. Alors je sais, sois vous me donnerez à manger aux chiens, soit vous m'affamerez, ou alors vous me bastonnerez à mort. Mais sachez-le très cher, je ne vous en voudrai toujours pas.
Vous-avez vu en moi votre homme à tout faire n'est-ce pas ? et maintenant vous osez dire que je vous dois la vie ? laissez-moi vous le dire, vous me devez de l'argent, énormément. Patientez un instant, je vous dresserai la facture. Vous verrez combien vous me devez pour tous ces services rendus, gratuitement pensez-vous. Alors préparez-vous déjà. Vous- êtes riches n'est-ce pas ? vous êtes tout puissant n'est-ce pas ? vous pouviez tout vous permettre face à des vulgaires nègres répugnants et crasseux n'est-ce pas ? aujourd'hui c'en ai terminé je vous rassure. Que vous-avez des relations ? que vous-avez des amis très haut placés qui vous couvriront ? alors qu'attendez-vous encore ? faites ce que vous avez à faire si vous osez.
Non ! ce n'est pas une menace. Comment puis-je avoir le courage de proférer des menaces à l'encontre de mon seigneur ? ce serai creuser moi-même ma sépulture ne trouvez-vous vous pas ? que j'aille droit au but ? ah je vois comment monsieur le seigneur frémit. De quoi avez-vous peur ? de moi ? d'un nègre ? je n'ai que mon physique d'homme noir c'est vrai. Je ne peux que faire confiance à mes poings c'est encore vrai. Mais croyez-vous que là soient les seuls atouts dont je dispose ? ne vous trompez point monsieur le blanc. Ne croyez non plus que vos intimidations me fassent peur d'une manière ou d'une autre.
Avez-vous déjà gouté à la mort ? à sa saveur frissonnante et glaciale ? Avez-vous déjà été seul ? connaissez-vous la solitude, l'extrême solitude ? Avez-vous déjà passé des semaines d'insomnies, parce que vous devez servir votre propriétaire à chaque seconde ? avez-vous déjà passé des jours affamés en guise de punition ? juste parce que vous avez mal fait quelque chose ? non ! si oui, vous n'oseriez pas me menacer, vous n'oseriez pas exiger de moi malgré tout cela, que j'ouvre ma bouche, et que je réussisse à vous appeler maître. Vous vous contenterez je trouve, de mes services. Allez ! dites-le-moi monsieur. Est-ce que je ne prends pas bien soin de votre maison, de votre Ranch, de vos plantations ... ? avez-vous déjà perdu un vêtement ? une culière ? est-ce que le décompte de vos veaux et juments a déjà manqué ? ne prenons-nous pas bien soin de vos plantations ? alors pourquoi n'êtes-vous toujours pas satisfait ? pourquoi cet acharnent à nous démontrer que nous ne représentons absolument rien aux yeux du monde ? Pour ma part, détrompez-vous très cher, vous pouvez vous fourrer votre « maître » là où je pense.
C'est vrai, je suis un tout petit peu hautain. Et, ce comportement semble vous insupporter. Laissez-moi vous le dire, de tous les trois continents que mes pieds ont foulés, de tous ces pays de super grands où j'ai été acheté, où ma force physique a été vendue ou échangée, sachez-le, vous êtes bien le pire, mais sachez-le encore, je ne vous en veux guère. Ceci a toujours été ma vie. Elle n'a jamais été rose. Je suis un survivant, et je l'ai toujours été depuis ma naissance. Si je décidais de garder rancune, si j'en voulais au monde, alors mon cœur serait peint d'une noirceur étincelante, d'une noirceur aussi claire si bien que vous ne trouverez pas ce courage morbide pour me demander de tels ignominies. Dès ma naissance, ma mère, ma propre mère, a trouvé que je n'étais pas assez digne d'elle, alors elle s'en est allé au ciel. Apparemment seul lui était digne d'elle. Quelques temps après, mon père, la dernière personne qui me restait dans ce monde s'est vu offert contre une bouteille de vin rouge à un allemand, avec moi en bonus. Dès huit ans, je fus déjà esclave, et deux ans après, je fus séparé de mon paternel. De propriétaires en propriétaire je suis passé. J'ai déjà essuyé toutes les bassesses de ce bas monde. Et vous, avec vos propos de colons, vous croyez m'effrayer ? eh bien laissez-moi éclater de rire un instant. En revoyant pour cette énième fois le port de Bimbia, je revivais très lentement ma triste et misérable vie. J'étais prêt à me jeter de moi-même à l'eau. Au moins cela aurait mis fin à mon supplice qui perdure depuis une éternité déjà. Vous m'en avez empêché. Était-ce donc pour ceci ? Ah que c'est décevant ! Je n'en attendais pas moins de vous néanmoins. Vous-êtes tout-à-fait comme vos semblables rassurez-vous.
Alors très cher. Pourquoi êtes-vous ainsi devenu muet ? avez-vous pitié de moi ? avez-vous un cœur ? ah ! que c'est touchant. Vous-vous en voulez ? ne soyez pas aussi triste. Mon seul problème avec vous, vous le connaissez. En outre, si je dois en vouloir à quelqu'un, ce n'est pas vous, bien au contraire. J'en veux à ces autorités-là, à ces chefs religieux, à ces rois, ces sultans, à ces hommes, ces femmes, ceux-là qui ont trahi l'humanité, ceux-là qui ont trahi l'Afrique, ceux-là qui ont eu ce piètre courage de vendre leur propre frère, leur propre sang, de les échanger, pour un rien du tout, pour leur satiété personnelle.