« Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux. » Pourtant il faisait plein jour, quand je perdus connaissance, devant le lycée où j’étudiais, poignardé par un rival de conquête d'idylle. Le soleil était au zénith et le jour avait déjà pondu six heures qu'il couvait depuis les premières lueurs de ce jour-là.
Une foule m'entoura, dans la mêlée, le ciel d'azur, sans nuages, se dérobait petit à petit de mes yeux, ma vision devint flou. Le visage de Mamita qui planait au-dessus du mien se brisa d’un coup, puis se dispersa dans le vide, loin de mes pupilles.
Réflexe, mes yeux cillèrent un bref instant, puis se fermèrent, et puis « thioucousse-couroume », un noir total m'enveloppa.
Les yeux fermées, sous le poids des paupières, je daignais regarder dans l’obscurité, mais je ne voyais rien. Rien de rien, que du noir. Pourtant une voix m'appelait encore et encore.
« Mani, Mani, ouvres les yeux, accroches-toi, restes avec nous, s'il te plaît...», la voix continuait à résonner, ralentir, s'amortir, et devint inaudible enfin.
De l'autre côté de la barrière, dans de visqueuses ténèbres, une autre voix étrange me parvint, douce et gutturale.
« Qui est-tu, et que fais-tu ici ? »
Un sentiment inénarrable gîta dans ma poitrine, je cogitais pour mettre de l’ordre dans mes pensées agitées, les yeux closes, pour ne voir que des âmes pieux.
Esseulé dans cette abîme, les yeux toujours fermées, je marmonnais du fond de la gorge, évoquant au secours l’esprit de mon défunt père.
Je ne sentais plus la présence de mon corps, je me voyais plus léger, tanguant dans la peur et la détresse, tel un fétu qui flotte sur la surface ondulante d'une rivière aux eaux agitées.
Un moment s’était écoulé, les ténèbres étaient maintenant diluées de plus de clarté et lorsque j'ouvris les yeux, rabattus les paupières, je vis devant moi un visage de vieillard aux cheveux blancs, et dans une tenue splendide, sous un ciel dégagé, tout bleuté et plus beau qu'à l'accoutumée.
« Où suis-je ? S'il vous plaît aidez-moi, je pense que je me suis perdu, suppliai-je, la voix tremblante, en me frottant les yeux.
Il se pencha vers moi, et sa douce voix me caressa les tympans.
- Mon fils ! Mon petit bout d'homme ! Oh comme tu me manque !
- Père ! Fis-je, tout étonné.
- Oui, c’est bien moi, mon garçon. Que s'est-il passé la-bas ? questionna-t-il »
Ce matin-là, j'avais finis les cours à midi. Et devant le portail principal du lycée de Ndiaganiao, où j’étais élève, je causais avec Mamita, ma petite amie, quand Alex, son ex, nous interrompit.
« Dis donc, je vois que t'as pas perdu de temps, ah Mamita ! Dit-il d'un ton ironique. Comment diable est-tu tombée si bas que terre ? Qui aurait cru que tu me larguerait pour ce vaurien. Ce serait-il vraiment à cause de ce bouffon que tu as mis un terme à notre relation ? Ajouta-t-il en pouffant de rires ».
Au bout de ces paroles dédaignant d'Alex, Mamita remit ses lunettes de soleil, regarda Alex avec une moue moqueuse, et son bras accroché au mien, nous prîmes congé.
Mamita était une fille simple, mais belle et intelligente. Sa tenue, toute modeste, mettais encore plus en évidence sa beauté toute naturelle ce vendredi-là. Elle était tout simplement magnifique, sans artifice, dans sa robe rose étoilée, et ses yeux en amendes me figeaient le regard cupidonien. Sa démarche, telle une gazelle, montrait la parfaite symétrie de son corps tout entier.
Mais Alex ne se laissa pas humilier de la sorte. Remonté, il nous coupa le pas, et cala la paume de sa main gauche sur ma poitrine, puis, puisa une question dans sa mare de colère.
« Qu'est-ce que tu fous comme ça ?
- Et ben, tu le sais bien, rétorquai-je, de ce pas, je compte aller me restaurer avec ma douce chérie.
Alex, sous le coup de la rage qui l'assaillit, comme ça, laissa échapper deux bouffées de rires qu'il ravala sitôt.
- Tu sais Alex, je ne veux pas de problème, et je déteste me battre. Alors laisses tomber, ne sois pas mauvais perdant, lui murmurai-je à l'oreille.
- Tu es vraiment un idiot. Oui Mani ! Tu es ingrat et hypocrite. Ah ! avec ton air innocent, tu prends les autres pour des imbéciles, dit Alex qui se sentit encore plus vexé ».
De surcroît, il serra fortement, avec ses deux mains, le col du sweat-shirt blanc que je portais, coinça la pomme d’Adam qui me boucha la glotte.
Je me dégageai de la strangulation, le poussai si fort, qu’il a failli se culbutait. Et là, la bagarre démarre.
On s’échangea de coups-de-poing, et Mamita, de son côté, affolée et esseulée, criait au secours.
Mais dans ce corps à corps, Alexe m'avait poignardé à deux à la puissance deux. Ah oui, quatre coups de couteau furent fuités de mon corps mon liquide nourricier.
Je m’écroulai sur le sol, et mon sweat-à-capuche s'imbibait du sang qui coulait de partout de mon corps. Je perdus connaissance, et c'est comme ça que je me suis retrouvé là-bas, dans cet endroit étrange.
Attristé par ce récit épouvantable, le vieillard me pris dans ses bras, déposa deux baisers chaudes sur mes joues, et me serra fortement contre sa poitrine.
J’entendais les battements de son cœur égayé, qui tentait de toutes ses forces à me communiquer son allégresse. La chaleur de son corps me berçait, me dorlotait et me cajolait.
Après cette émouvante scène, le vieillard m'embarrassa derechef, puis se levant, se dirigea vers un coffret qu'il ouvrit en moitié. Il en sortit une enveloppe. Et dans l'enveloppe, une photo.
Il rassit sur le bort du lit, au large de mes épaules, il me tendit la photo avec engouement.
« Elle a été prise lors de ton baptême » : dit-il, avec un sourire radieux. Sur la photo, il y avait trois personnes : mon père, ma mère et moi, bébé.
Mon père, dans un joli smoking, et un bonnet de couleurs mosaïque sur la tête, avait sa main droite, autour des épaules de maman, cette charmante femme qui était vêtue d’un grand boubou brun et amidonné, un magnifique châle enroulé de façon artistique sur la tête. Elle me tenait dans ses bras, moi, fraîchement bébé, emmailloté, devant une couette berceuse, le tout figé par des sourires bonasses.
Devant cette cliché, un film commença à se projeter dans mon esprit, et me voilà enfant, enfant joyeux, dans le boulevard des souvenirs.
De l’au-delà, je revois mon géniteur, fort et habile. De sa main, de son génie, il avait construit une jolie maison pour toute la famille.
Je pensais à mon enfance, et me voilà dans notre belle maison familiale. Je la revois, cette demeure, au milieu de nulle part, près d'une mare, entourée d’arbres. je revois sa cour, propre, son petit jardin entouré d’ives et d'autres plantes décoratives. Je revois encore la véranda, et les meubles de palétuviers qui décoraient le salon, la petite cuisine à côté de l'apatam, où maman nous préparait de succulents plats traditionnels.
Je revois la chambre de mes parents et celle de ma grand-mère, je la revois, ma grand-mère, sous la galerie, entrain de raccommoder une pagne. Je me revois courir ça et là, à travers le jardin, perdu dans mon monde d’enfance, comme un féetaud dans un luxueux palace.
Mon père, je le revois se pavanait dans la cour de la maison, pendant que ma mère préparait un poulet rôti dans sa cuisine, et mon grand-père, bien vivant, sur son divan sous l’apatam, vaquait à ses occupations d'automne.
Je me revois, virevoltais tel un oisillon ; je m’amusais, chantais, et courais, pieds nus, dans la grande cour de la maison, au milieu du petit jardin.
Je devais avoir à peine six ans, et tout ce que je voyais, c’était un monde magique, paisible, peuplé de fleurs et d’oiseaux. Je me voyais libre, heureux, confiant en la vie et à l’avenir.
Mon père a trépassé avant ma venue au monde. Il avait tout fait pour me préserver mon innocence, à son absence. J’ai passé un jour la-bas, avec lui, à l’autre côté de la barrière. Je me suis réveillé le lendemain-matin, sur un lit d’hôpital, ma mère aux aguets.
Une foule m'entoura, dans la mêlée, le ciel d'azur, sans nuages, se dérobait petit à petit de mes yeux, ma vision devint flou. Le visage de Mamita qui planait au-dessus du mien se brisa d’un coup, puis se dispersa dans le vide, loin de mes pupilles.
Réflexe, mes yeux cillèrent un bref instant, puis se fermèrent, et puis « thioucousse-couroume », un noir total m'enveloppa.
Les yeux fermées, sous le poids des paupières, je daignais regarder dans l’obscurité, mais je ne voyais rien. Rien de rien, que du noir. Pourtant une voix m'appelait encore et encore.
« Mani, Mani, ouvres les yeux, accroches-toi, restes avec nous, s'il te plaît...», la voix continuait à résonner, ralentir, s'amortir, et devint inaudible enfin.
De l'autre côté de la barrière, dans de visqueuses ténèbres, une autre voix étrange me parvint, douce et gutturale.
« Qui est-tu, et que fais-tu ici ? »
Un sentiment inénarrable gîta dans ma poitrine, je cogitais pour mettre de l’ordre dans mes pensées agitées, les yeux closes, pour ne voir que des âmes pieux.
Esseulé dans cette abîme, les yeux toujours fermées, je marmonnais du fond de la gorge, évoquant au secours l’esprit de mon défunt père.
Je ne sentais plus la présence de mon corps, je me voyais plus léger, tanguant dans la peur et la détresse, tel un fétu qui flotte sur la surface ondulante d'une rivière aux eaux agitées.
Un moment s’était écoulé, les ténèbres étaient maintenant diluées de plus de clarté et lorsque j'ouvris les yeux, rabattus les paupières, je vis devant moi un visage de vieillard aux cheveux blancs, et dans une tenue splendide, sous un ciel dégagé, tout bleuté et plus beau qu'à l'accoutumée.
« Où suis-je ? S'il vous plaît aidez-moi, je pense que je me suis perdu, suppliai-je, la voix tremblante, en me frottant les yeux.
Il se pencha vers moi, et sa douce voix me caressa les tympans.
- Mon fils ! Mon petit bout d'homme ! Oh comme tu me manque !
- Père ! Fis-je, tout étonné.
- Oui, c’est bien moi, mon garçon. Que s'est-il passé la-bas ? questionna-t-il »
Ce matin-là, j'avais finis les cours à midi. Et devant le portail principal du lycée de Ndiaganiao, où j’étais élève, je causais avec Mamita, ma petite amie, quand Alex, son ex, nous interrompit.
« Dis donc, je vois que t'as pas perdu de temps, ah Mamita ! Dit-il d'un ton ironique. Comment diable est-tu tombée si bas que terre ? Qui aurait cru que tu me larguerait pour ce vaurien. Ce serait-il vraiment à cause de ce bouffon que tu as mis un terme à notre relation ? Ajouta-t-il en pouffant de rires ».
Au bout de ces paroles dédaignant d'Alex, Mamita remit ses lunettes de soleil, regarda Alex avec une moue moqueuse, et son bras accroché au mien, nous prîmes congé.
Mamita était une fille simple, mais belle et intelligente. Sa tenue, toute modeste, mettais encore plus en évidence sa beauté toute naturelle ce vendredi-là. Elle était tout simplement magnifique, sans artifice, dans sa robe rose étoilée, et ses yeux en amendes me figeaient le regard cupidonien. Sa démarche, telle une gazelle, montrait la parfaite symétrie de son corps tout entier.
Mais Alex ne se laissa pas humilier de la sorte. Remonté, il nous coupa le pas, et cala la paume de sa main gauche sur ma poitrine, puis, puisa une question dans sa mare de colère.
« Qu'est-ce que tu fous comme ça ?
- Et ben, tu le sais bien, rétorquai-je, de ce pas, je compte aller me restaurer avec ma douce chérie.
Alex, sous le coup de la rage qui l'assaillit, comme ça, laissa échapper deux bouffées de rires qu'il ravala sitôt.
- Tu sais Alex, je ne veux pas de problème, et je déteste me battre. Alors laisses tomber, ne sois pas mauvais perdant, lui murmurai-je à l'oreille.
- Tu es vraiment un idiot. Oui Mani ! Tu es ingrat et hypocrite. Ah ! avec ton air innocent, tu prends les autres pour des imbéciles, dit Alex qui se sentit encore plus vexé ».
De surcroît, il serra fortement, avec ses deux mains, le col du sweat-shirt blanc que je portais, coinça la pomme d’Adam qui me boucha la glotte.
Je me dégageai de la strangulation, le poussai si fort, qu’il a failli se culbutait. Et là, la bagarre démarre.
On s’échangea de coups-de-poing, et Mamita, de son côté, affolée et esseulée, criait au secours.
Mais dans ce corps à corps, Alexe m'avait poignardé à deux à la puissance deux. Ah oui, quatre coups de couteau furent fuités de mon corps mon liquide nourricier.
Je m’écroulai sur le sol, et mon sweat-à-capuche s'imbibait du sang qui coulait de partout de mon corps. Je perdus connaissance, et c'est comme ça que je me suis retrouvé là-bas, dans cet endroit étrange.
Attristé par ce récit épouvantable, le vieillard me pris dans ses bras, déposa deux baisers chaudes sur mes joues, et me serra fortement contre sa poitrine.
J’entendais les battements de son cœur égayé, qui tentait de toutes ses forces à me communiquer son allégresse. La chaleur de son corps me berçait, me dorlotait et me cajolait.
Après cette émouvante scène, le vieillard m'embarrassa derechef, puis se levant, se dirigea vers un coffret qu'il ouvrit en moitié. Il en sortit une enveloppe. Et dans l'enveloppe, une photo.
Il rassit sur le bort du lit, au large de mes épaules, il me tendit la photo avec engouement.
« Elle a été prise lors de ton baptême » : dit-il, avec un sourire radieux. Sur la photo, il y avait trois personnes : mon père, ma mère et moi, bébé.
Mon père, dans un joli smoking, et un bonnet de couleurs mosaïque sur la tête, avait sa main droite, autour des épaules de maman, cette charmante femme qui était vêtue d’un grand boubou brun et amidonné, un magnifique châle enroulé de façon artistique sur la tête. Elle me tenait dans ses bras, moi, fraîchement bébé, emmailloté, devant une couette berceuse, le tout figé par des sourires bonasses.
Devant cette cliché, un film commença à se projeter dans mon esprit, et me voilà enfant, enfant joyeux, dans le boulevard des souvenirs.
De l’au-delà, je revois mon géniteur, fort et habile. De sa main, de son génie, il avait construit une jolie maison pour toute la famille.
Je pensais à mon enfance, et me voilà dans notre belle maison familiale. Je la revois, cette demeure, au milieu de nulle part, près d'une mare, entourée d’arbres. je revois sa cour, propre, son petit jardin entouré d’ives et d'autres plantes décoratives. Je revois encore la véranda, et les meubles de palétuviers qui décoraient le salon, la petite cuisine à côté de l'apatam, où maman nous préparait de succulents plats traditionnels.
Je revois la chambre de mes parents et celle de ma grand-mère, je la revois, ma grand-mère, sous la galerie, entrain de raccommoder une pagne. Je me revois courir ça et là, à travers le jardin, perdu dans mon monde d’enfance, comme un féetaud dans un luxueux palace.
Mon père, je le revois se pavanait dans la cour de la maison, pendant que ma mère préparait un poulet rôti dans sa cuisine, et mon grand-père, bien vivant, sur son divan sous l’apatam, vaquait à ses occupations d'automne.
Je me revois, virevoltais tel un oisillon ; je m’amusais, chantais, et courais, pieds nus, dans la grande cour de la maison, au milieu du petit jardin.
Je devais avoir à peine six ans, et tout ce que je voyais, c’était un monde magique, paisible, peuplé de fleurs et d’oiseaux. Je me voyais libre, heureux, confiant en la vie et à l’avenir.
Mon père a trépassé avant ma venue au monde. Il avait tout fait pour me préserver mon innocence, à son absence. J’ai passé un jour la-bas, avec lui, à l’autre côté de la barrière. Je me suis réveillé le lendemain-matin, sur un lit d’hôpital, ma mère aux aguets.