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Université de Yaoundé II
Dans l'attente d'une suite favorable.
Ça a duré une bonne minute. Une vraie minute. Une éternité. L'attente pour Owona devenait insoutenable. Le chargé de recrutement leur avait demandé de patienter à l'extérieur de son bureau afin qu'il fasse un choix. Depuis cette invitation à rejoindre la salle d'attente, le cerveau d'Owona bouillonnait d'intenses réflexions et de multiples inquiétudes.
Il se mit dans un premier temps à repenser à cet entretien qu'il venait de passer. Comment avait-il été ? Avait-il laissé une bonne impression ? Avait-il pu se démarquer de ses concurrents ? Est-ce que leurs profils étaient plus intéressants ? Tout d'un coup il chassa ces interrogations, se rassénéra et reprit confiance. Il a forcément était le meilleur. Il avait plus d'expérience dans le métier de comptable que tous ces "enfants" venus postuler. Ce job était le sien, il en était désormais convaincu. Ses doutes envolés, il se mit inconsciemment à s'imaginer la vie qu'il mènerait désormais. Il pourra régler ses nombreuses dettes. Se mettre un peu à l'aise et en faire pareillement avec sa petite amie. Il devra aussi faire quelques économies. Et biensûr, il fera le show au quartier comme tout bon Bantu qui se respecte, et qui possède de quoi faire plaisir aux gorges toujours asséchées de ses amis.
Soudainement, il vint à l'esprit de notre trentenaire cette expression devenue récemment célèbre au Cameroun : ''Quand tu sais que tu n'es pas en danger, c'est à ce moment que tu es en danger". Et son assurance disparut aussi vite qu'elle s' était manifestée. D'autres questions passèrent aussitôt dans son esprit. N'est-ce pas déjà joué d'avance ? Le poste n'a-t-il pas déjà été offert à une "connaissance" du boss ? Si c'était le cas, il devrait rentrer et de nouveau, faire face à ses soucis. Il lui faudrait d'abord continuer de tromper la vigilance de Papa Vincent De Paul Atangana, son bailleur. Celà s'annonçait difficile car l'homme en question dispose d'une très bonne vue malgré son âge avancé. Il pouvait vous voir de loin comme un aigle et même de nuit comme un hibou. Il se raconte d'ailleurs que doté de rayons infrarouges au niveau de ses yeux, le septuagénaire ne s'était jamais heurté le genou ou l'orteil sur un meuble mal intentionné venu se mettre en travers de son chemin. Il faudrait compter sur la fraîcheur des matinées et soirées de la capitale camerounaise. Seule elle peut déplacer le patriarche de sa chaise longue installée sur sa terrasse et faciliter les déplacements de Owona. Il devrait ensuite continuer d'abreuver de promesses ses multiples créanciers. Parmi eux, on retrouve Bouba, le boutiquier sénégalais du coin. Cet homme très souriant, possédait la gentillesse et la générosité d'un fervent musulman pratiquant lorsqu'il fallait servir -même à crédit- sa grande clientèle. Il avait aussi la rigueur d'un général de l'armée tchadienne une fois qu'il avait décidé de recouvrer l'argent de ses débiteurs. Notre ami Owona faisait partie du dernier groupe cité. Il faut préciser que la facture qu'il avait chez Bouba, rivalise en longueur avec la taille des mèches brésiliennes d'une femme africaine. Bien d'autres choses encore lui traversèrent l'esprit pendant qu'ils attendaient tous.
Un détonant <<Mr Owona Jules suivez moi ! >> le tira de ses réflexions. Il fut conduit dans le bureau du responsable du recrutement. Celui-ci posa à notre ami quelques questions supplémentaires afin de s'assurer qu'il était avec la personne idéale pour l'emploi. Définitivement convaincu, il lui annonça triomphant qu'il avait le poste et lui souhaita la bienvenue dans l'entreprise . Il lui réexpliqua ce qui était attendu de lui, ce à quoi il avait désormais droit et le gratifia de quelques conseils d'ancien. Owona l'écoutait à peine. La joie et le soulagement qui l'envahissaient avaient aussi engourdi ses sens. Il entendit néanmoins à combien s'élevait sa rémunération et la traditionnelle phrase de fin <<On se voit dès lundi Mr Owona>>.