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Nouvelles - Littérature Générale
Le mois dernier, Emma est partie. Sans moi. Un mois sans elle, c'est comme tomber dans le vide. En attendant le choc. Hier, j'ai voulu renouer un peu le contact. J'ai tenté le texto « si tu reviens, j'annule tout ». Pas de réponse. Un brin d'humour peut faire du mal. Depuis son départ, les jours se suivent et se ressemblent. « Ne me secoue surtout pas car je suis plein de larmes, j'ai perdu la force de prendre les armes », dirait Miossec.
Ce matin, le réveil n'avait rien de mélodique. Il m'a déchiré la tête. J'aurais voulu l'éclater contre le mur. Mais j'ai simplement coupé la sonnerie. Premier signe de faiblesse. Une vraie rébellion, ça se mérite. Moi, je suis rebelle-conformiste. Je dis mais je ne fais pas. C'est pratique. Ça permet d'éviter les efforts. Pourtant, je pensais avoir bien fait les choses. Vie pépère, emploi précaire, meubles suédois et crédits sur le dos. Formule complète avec supplément « burn out ». Tous les voyants au rouge. Les idées noires.
Et dehors aussi, il fait nuit. En signe de protestation matinale, mon fils a décidé de pleurer plus fort que d'habitude. Il réclame son biberon qu'il vient de jeter par terre. Je lui rends. Il le rejette par terre. Je lui montre alors mon autorité : il décide, je m'exécute. Sans fierté, j'avale un comprimé de paracétamol, un autre de magnésium, une cuillère de gelée royale, une ampoule de vitamine B12 et deux anxiolytiques. Faut dire que les pleurs du fiston m'ont vraiment explosé la tête. Heureusement pour lui, le mur est derrière le frigo. Tout foutre en l'air, mon principal défaut. Je rêve parfois que je suis un homme bien, sourire vrai, poignée de main. Raté.
Ce matin d'ailleurs, je ne vais pas aller au boulot. On m'a licencié récemment. Rien de grave. Mon chef de service m'avait demandé expressément d'augmenter ma productivité. Droit dans le mur. Le « clash » test. Ce matin-là, je lui ai répondu symboliquement avec un doigt levé. Puis j'ai ajouté insultes, menaces et humiliations. Il l'a mal pris. J'ai l'impression que personne ne me comprend vraiment. Sauf Emma. Tout fout le camp. Même Emma.
Avant d'aller déposer mon mini-syndicaliste, je jette un œil à la presse. Lecture rapide en diagonale. Le monde ne tourne pas rond. Contrairement à l'heure. Je vais être carrément en retard. En une fraction de seconde, je confie mon fiston à la voisine de palier. Elle a l'habitude. Emma a proposé ce fonctionnement pour éviter de me croiser. « Tu as une sale mine », me balance sans ménagement ma sympathique voisine avant de m'achever : « Emma m'a dit de te dire de payer la facture d'électricité ». Le courant ne passe plus.
Quelques instants plus tard, je suis au volant de ma voiture. Une fine pluie dépose comme des larmes sur le pare-brise. J'appelle Emma. Répondeur. Je dois avancer. Pas d'autre choix. Je me laisse alors guider par la route. L'ambiance est hivernale, froid glacial, léger brouillard. Et le jour a du mal à se lever. Comme tout le monde.
Ça ralentit et ça freine devant moi. Comment expliquer l'embouteillage alors que la voiture en panne est sur la voie d'en face ? Je me retrouve en bout de file. La routine. Pots d'échappement, en rang, à attendre son tour. Je penche légèrement la tête en direction du rétroviseur intérieur. Je vois mon reflet. Je vois un regard fatigué. Sans lueur.
Je vois aussi les lumières menaçantes d'un poids lourd.
Il fonce sur moi. Il ne s'arrêtera pas.
Je ferme les yeux et j'attends.
Pas d'autre choix.
- Dommage(s) -
Ce matin, le réveil n'avait rien de mélodique. Il m'a déchiré la tête. J'aurais voulu l'éclater contre le mur. Mais j'ai simplement coupé la sonnerie. Premier signe de faiblesse. Une vraie rébellion, ça se mérite. Moi, je suis rebelle-conformiste. Je dis mais je ne fais pas. C'est pratique. Ça permet d'éviter les efforts. Pourtant, je pensais avoir bien fait les choses. Vie pépère, emploi précaire, meubles suédois et crédits sur le dos. Formule complète avec supplément « burn out ». Tous les voyants au rouge. Les idées noires.
Et dehors aussi, il fait nuit. En signe de protestation matinale, mon fils a décidé de pleurer plus fort que d'habitude. Il réclame son biberon qu'il vient de jeter par terre. Je lui rends. Il le rejette par terre. Je lui montre alors mon autorité : il décide, je m'exécute. Sans fierté, j'avale un comprimé de paracétamol, un autre de magnésium, une cuillère de gelée royale, une ampoule de vitamine B12 et deux anxiolytiques. Faut dire que les pleurs du fiston m'ont vraiment explosé la tête. Heureusement pour lui, le mur est derrière le frigo. Tout foutre en l'air, mon principal défaut. Je rêve parfois que je suis un homme bien, sourire vrai, poignée de main. Raté.
Ce matin d'ailleurs, je ne vais pas aller au boulot. On m'a licencié récemment. Rien de grave. Mon chef de service m'avait demandé expressément d'augmenter ma productivité. Droit dans le mur. Le « clash » test. Ce matin-là, je lui ai répondu symboliquement avec un doigt levé. Puis j'ai ajouté insultes, menaces et humiliations. Il l'a mal pris. J'ai l'impression que personne ne me comprend vraiment. Sauf Emma. Tout fout le camp. Même Emma.
Avant d'aller déposer mon mini-syndicaliste, je jette un œil à la presse. Lecture rapide en diagonale. Le monde ne tourne pas rond. Contrairement à l'heure. Je vais être carrément en retard. En une fraction de seconde, je confie mon fiston à la voisine de palier. Elle a l'habitude. Emma a proposé ce fonctionnement pour éviter de me croiser. « Tu as une sale mine », me balance sans ménagement ma sympathique voisine avant de m'achever : « Emma m'a dit de te dire de payer la facture d'électricité ». Le courant ne passe plus.
Quelques instants plus tard, je suis au volant de ma voiture. Une fine pluie dépose comme des larmes sur le pare-brise. J'appelle Emma. Répondeur. Je dois avancer. Pas d'autre choix. Je me laisse alors guider par la route. L'ambiance est hivernale, froid glacial, léger brouillard. Et le jour a du mal à se lever. Comme tout le monde.
Ça ralentit et ça freine devant moi. Comment expliquer l'embouteillage alors que la voiture en panne est sur la voie d'en face ? Je me retrouve en bout de file. La routine. Pots d'échappement, en rang, à attendre son tour. Je penche légèrement la tête en direction du rétroviseur intérieur. Je vois mon reflet. Je vois un regard fatigué. Sans lueur.
Je vois aussi les lumières menaçantes d'un poids lourd.
Il fonce sur moi. Il ne s'arrêtera pas.
Je ferme les yeux et j'attends.
Pas d'autre choix.
- Dommage(s) -
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