« Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux. » Aucune personne saine d'esprit ne se pose une telle question, évidemment. Et si, par le plus grand des hasards elle le faisait, elle ne répondrait pas de manière hypothétique comme cela car elle sait très bien quand ses yeux ouverts ou fermés, ou, du moins, que faire pour avoir une réponse très rapidement. Serais-je donc définitivement à cataloguer comme bizarre, fou ou je ne sais quel adjectif ?
Pour ma défense, je voudrais vous dire qu’il n’y a pas, enfin, il n’y a maintenant plus tellement de différences pour moi entre le fait être dans le noir, les yeux ouverts ou les yeux fermés et cela d’un point de vue physique et visuel. Je sais juste que, quelquefois, durant les vingt-quatre heures qui composent une journée, je ne suis pas “dans le noir”. Il arrive que des rayons de lumière plus ou moins puissants selon l’heure et la météo aient raison de l'obscurité profonde dans laquelle j'ai voulu me plonger entre ces quatre murs, notamment à cause des fines entrouvertures inhérentes à la porte et aux volets de la fenêtre. Sans compter bien sûr les fois où maman vient m’apporter ma subsistance quotidienne en se faisant la plus discrète possible.
Mais, actuellement, on dirait que mes capteurs visuels ne détectent aucune présence de lumière ou contours d'objet de la pièce, donc je suis peut-être bien “dans le noir”.
Cependant, grâce à cette question, j’ai la réponse à une autre : “Est-ce que j’existe toujours ?”. Descartes avait dit “Je pense donc je suis”. Même mort il répond à ma question. Donc certes, je suis, j’existe bel et bien toujours mais je ne vis plus. Je ne sors plus, je ne fume plus, je ne ris plus. Je pense même avoir oublié à quoi ressemble dehors. Et est-ce que j’ai envie de m’en rappeler ? Ce dehors où vagabondent les esprits d’hommes les plus tordus qui m’ont fait voir la scène la plus horrible de ma vie : mon frère jumeau abattu comme aucun être vivant ne mérite.
Sous mes yeux, comme ses premiers pas, chacun de nos anniversaires, nos vacances, comme toute sa vie finalement. Et malheureusement, je dois rajouter sa mort à cette liste.
J’ai souvent remercié Dieu de nous avoir créés avec des paupières qui nous permettent de nous retirer en quelque sorte de cette sombre existence pour un bref instant si besoin, mais, à ce moment précis, je ne les ai pas utilisées. J’ai tout vu dans les moindres détails, gratuitement révélés par la belle lumière de ce jour maudit. Je me rappelle ce verset de l’évangile de Jean disant que les hommes préfèrent les ténèbres à la lumière, parce que leurs oeuvres étaient mauvaises. En l’appliquant à ma vie, je confirme que je préfère l’obscurité à la lumière mais parce que les oeuvres des hommes sont mauvaises au point de me dégoûter de la lumière.
Méritait-il de quitter ce monde aussi sauvagement ? Pas plus que moi : il n’était pas plus âgé, pas plus mauvais, pas plus malade... S’il ne vit pas, je ne dois donc pas vivre non plus. C’est ce que je fais alors, et j’espère que je le fais bien.
Pour ma défense, je voudrais vous dire qu’il n’y a pas, enfin, il n’y a maintenant plus tellement de différences pour moi entre le fait être dans le noir, les yeux ouverts ou les yeux fermés et cela d’un point de vue physique et visuel. Je sais juste que, quelquefois, durant les vingt-quatre heures qui composent une journée, je ne suis pas “dans le noir”. Il arrive que des rayons de lumière plus ou moins puissants selon l’heure et la météo aient raison de l'obscurité profonde dans laquelle j'ai voulu me plonger entre ces quatre murs, notamment à cause des fines entrouvertures inhérentes à la porte et aux volets de la fenêtre. Sans compter bien sûr les fois où maman vient m’apporter ma subsistance quotidienne en se faisant la plus discrète possible.
Mais, actuellement, on dirait que mes capteurs visuels ne détectent aucune présence de lumière ou contours d'objet de la pièce, donc je suis peut-être bien “dans le noir”.
Cependant, grâce à cette question, j’ai la réponse à une autre : “Est-ce que j’existe toujours ?”. Descartes avait dit “Je pense donc je suis”. Même mort il répond à ma question. Donc certes, je suis, j’existe bel et bien toujours mais je ne vis plus. Je ne sors plus, je ne fume plus, je ne ris plus. Je pense même avoir oublié à quoi ressemble dehors. Et est-ce que j’ai envie de m’en rappeler ? Ce dehors où vagabondent les esprits d’hommes les plus tordus qui m’ont fait voir la scène la plus horrible de ma vie : mon frère jumeau abattu comme aucun être vivant ne mérite.
Sous mes yeux, comme ses premiers pas, chacun de nos anniversaires, nos vacances, comme toute sa vie finalement. Et malheureusement, je dois rajouter sa mort à cette liste.
J’ai souvent remercié Dieu de nous avoir créés avec des paupières qui nous permettent de nous retirer en quelque sorte de cette sombre existence pour un bref instant si besoin, mais, à ce moment précis, je ne les ai pas utilisées. J’ai tout vu dans les moindres détails, gratuitement révélés par la belle lumière de ce jour maudit. Je me rappelle ce verset de l’évangile de Jean disant que les hommes préfèrent les ténèbres à la lumière, parce que leurs oeuvres étaient mauvaises. En l’appliquant à ma vie, je confirme que je préfère l’obscurité à la lumière mais parce que les oeuvres des hommes sont mauvaises au point de me dégoûter de la lumière.
Méritait-il de quitter ce monde aussi sauvagement ? Pas plus que moi : il n’était pas plus âgé, pas plus mauvais, pas plus malade... S’il ne vit pas, je ne dois donc pas vivre non plus. C’est ce que je fais alors, et j’espère que je le fais bien.