Mon souffle est court, la fatigue saoule mon corps, la boue pétrifie mes gestes. Malgré la froideur hivernale, Les cheveux collés sur mon visage ruissellent de sueur. Moulue par tant de collisions, épuisée par tant de courses, j'ai du mal à me mouvoir. Mes muscles sont raides et douloureux, je suis au bout de ma vie.
Le chronomètre égrène trop lentement les dernières secondes de cet interminable match.
Un énième ballon perdu roule dans l'en-but. Lisette en dernier rempart, se couche sur le cuir pour éviter le pire. Deux furies lancées à pleine vitesse la martyrisent de leurs coudes et de leurs genoux assassins.
Ce sacrifice nous permet de conserver un petit point d'avance au tableau d'affichage. L'arbitre siffle et désigne le cloaque où se jouera la dernière mêlée, le sort de cette rencontre.
Je profite de ces trop brefs instants de répit pour rassembler mes dernières forces, le dos courbé, les mains bien calées sur les genoux.
Le public hurle ses encouragements. Suzy saisit mon flanc droit et me serre très fort contre elle. Rien ne doit nous séparer. La vigueur avec laquelle elle m'a empoignée atteste clairement du courage qu'il va falloir déployer dans cet effort capital.
Manon, à genoux derrière moi, tape sur mes fesses pour me signifier que je ne suis pas seule et que toute l'équipe compte sur moi. Son épaule vient se plaquer sèchement contre ma cuisse, je ne peux plus reculer.
Ma tête plonge avec force entre les deux billes de mes opposantes. Une odeur âcre se dégage de ce magma fumant. Un énorme nuage de sueur se déploie au-dessus de ces seize combattantes imbriquées comme des tuiles.
Toutes liées nous poussons le « wouh ! » commun qui coordonne nos efforts.
Surtout ne pas céder. Prise dans un étau qui cherche à me briser l'échine, je lutte pour conserver un dos bien plat, pour ne pas exploser. Mes oreilles chauffent, ma nuque se raidit, mes vertèbres voudraient se désolidariser mais je dois résister, bien rester dans l'axe de ces forces opposées dont je subis les quintaux.
La douleur traverse tout mon corps tendu à l'extrême, je serre les dents, mes appuis veulent fuir dans ce bourbier mais il faut avancer coûte que coûte. Plutôt mourir que de reculer.
Ces intenses secondes paraissent interminables. Soudain, la fille face à moi ploie, m'entraînant au sol avec elle. Elle a cédé. Mon visage heurte le gazon et s'écorche sur le fond de cette mare insalubre. Sous la poussée continue de mes sœurs d'armes, je culbute pieds par-dessus tête. La mêlée s'effondre. « On les a tordues ! C'est gagné ! »
Une main tendue me relève. Toute l'équipe me congratule, m'embrasse, toutes les joueuses me serrent dans leurs bras, me caressent la tête, me tapotent les épaules.
Je me tuerais pour elles qui m'aiment malgré mes bourrelets, mes kilos en trop et toutes ces différences qui, depuis mon adolescence pourrissent quotidiennement ma vie en dehors du terrain de jeu.
Le chronomètre égrène trop lentement les dernières secondes de cet interminable match.
Un énième ballon perdu roule dans l'en-but. Lisette en dernier rempart, se couche sur le cuir pour éviter le pire. Deux furies lancées à pleine vitesse la martyrisent de leurs coudes et de leurs genoux assassins.
Ce sacrifice nous permet de conserver un petit point d'avance au tableau d'affichage. L'arbitre siffle et désigne le cloaque où se jouera la dernière mêlée, le sort de cette rencontre.
Je profite de ces trop brefs instants de répit pour rassembler mes dernières forces, le dos courbé, les mains bien calées sur les genoux.
Le public hurle ses encouragements. Suzy saisit mon flanc droit et me serre très fort contre elle. Rien ne doit nous séparer. La vigueur avec laquelle elle m'a empoignée atteste clairement du courage qu'il va falloir déployer dans cet effort capital.
Manon, à genoux derrière moi, tape sur mes fesses pour me signifier que je ne suis pas seule et que toute l'équipe compte sur moi. Son épaule vient se plaquer sèchement contre ma cuisse, je ne peux plus reculer.
Ma tête plonge avec force entre les deux billes de mes opposantes. Une odeur âcre se dégage de ce magma fumant. Un énorme nuage de sueur se déploie au-dessus de ces seize combattantes imbriquées comme des tuiles.
Toutes liées nous poussons le « wouh ! » commun qui coordonne nos efforts.
Surtout ne pas céder. Prise dans un étau qui cherche à me briser l'échine, je lutte pour conserver un dos bien plat, pour ne pas exploser. Mes oreilles chauffent, ma nuque se raidit, mes vertèbres voudraient se désolidariser mais je dois résister, bien rester dans l'axe de ces forces opposées dont je subis les quintaux.
La douleur traverse tout mon corps tendu à l'extrême, je serre les dents, mes appuis veulent fuir dans ce bourbier mais il faut avancer coûte que coûte. Plutôt mourir que de reculer.
Ces intenses secondes paraissent interminables. Soudain, la fille face à moi ploie, m'entraînant au sol avec elle. Elle a cédé. Mon visage heurte le gazon et s'écorche sur le fond de cette mare insalubre. Sous la poussée continue de mes sœurs d'armes, je culbute pieds par-dessus tête. La mêlée s'effondre. « On les a tordues ! C'est gagné ! »
Une main tendue me relève. Toute l'équipe me congratule, m'embrasse, toutes les joueuses me serrent dans leurs bras, me caressent la tête, me tapotent les épaules.
Je me tuerais pour elles qui m'aiment malgré mes bourrelets, mes kilos en trop et toutes ces différences qui, depuis mon adolescence pourrissent quotidiennement ma vie en dehors du terrain de jeu.