Toute histoire commence un jour, quelque part. La mienne a débuté dans la nuit du premier novembre. Une date qui, dans l’imaginaire collectif haïtien, évoque l’avènement du diable. Cette nuit, le diable était venu cogner à ma porte et a laissé la mort derrière lui. Personne ne sait ce qui s’était vraiment passé. Personne. Même pas moi. Certains disent qu’ils ont été empoissonnés, d’autres profèrent des paroles qui me donnaient de la chair de poule, que c’est un sacrifice à l’honneur d’un dieu vaudou, qu’ils ont été frappés par un mauvais air, esprit maléfique se trouvant dans l’air. Enfin, qui sait ! «Ici, les gens meurent du jour au lendemain sans tomber malade ». Cria une voix féminine à peine audible dans la foule immense de l’autre côté de la rue. Toute la ville était dehors, discutant l’incompréhensible, disait-on. L’énigme de la mort! Ce soir-là, je m’étais endormie sur le lit à côté de maman. Moi qui ai toujours préféré la natte de mes frères. Chance ou mal chance ? J’ai frôlé la mort, me disais-je. À Lotbòpon, tout le monde connait tout le monde, car très peu d’étrangers y passèrent. Le sentiment d’altérité était absent, l’autre était considéré tel un ennemi depuis que le vol de bétails a commencé à s’épandre. C’était la loi du Talion. Lotbòpon, c’est la panique, même au temps de paix, disait-on. Pourtant moi, j’ai grandi ici. Ici, chez grand-mère bien avant que maman vienne pour s’y installer définitivement. Conséquence de la fusillade de mon paternel à Port-au-Prince. Le bruit court que c’est maman qui l’a fait tuer, qu’elle l’avait menacé publiquement. Moi, je sais que ce n’est pas elle. Car maman assume toujours ses actes, et ne fuit pas la réalité. Mon paternel, parce que cet idiot ne voulait pas de moi, voulant à tout prix qu’on avorte, est mort d’une balle dans le crâne. Cela pourrait être le titre d’un hebdomadaire : un salaud de père, mort d’une balle dans le crâne ! Avant cet évènement, maman vivait dans la capitale pour nous permettre, mes frères jumeaux et moi, de subsister. De survivre. Du coup, elle vendait tout. Même ses charmes. Quand mes frères ont vu le jour, bâtards comme moi, j’avais 5 ans et demi. « Elle savait choisir ses hommes, cette mégère ! » murmurent les commères haineuses du quartier. Parfois, j’ai envie de les dire : « allez-vous faire foutre », mais je retenais à chaque fois mes jurons et j’ai poursuivi ma route, prétextant que je n’avais rien entendu.
Nous habitions dans une case de deux pièces avec une véranda donnant sur la rue, cette route rocheuse et immense qu’on appelle tous « rail » sans raison apparente. L’architecture de notre case était presque pareille à celle de tout le monde, hormis la petite porte de dernière qui, selon le « boss », appellation gratuite qu’on donne aux constructeurs de case, donnera un accès rapide chez madame Victor, expression courante dans le parler des haïtiens créolophones pour désigner les latrines. À quelques pas de chez nous, il y avait un terrain vide, le soir on y jouait à cache-cache. Maintenant, ils ne sont plus là. Ils sont cachés dans la demeure des morts. Impossible de les retrouver comme jadis. Une semaine avant ce putain de premier novembre, je m’étais réveillée avec du sang coagulé dans ma petite culotte. « Vais-je mourir ? Interrogeai-je à voix haute. « Non. Petite sotte. Tu es une femme maintenant » répliqua maman en ricanant. J’étais devenue femme. Moi qui ne savais pas grand-chose de la vie. Comment me comporter face aux dérives de ma communauté où des gamines comme moi tombent enceintes, puis font la gueule à leurs parents tout au long de leur grossesse ? C’était presque la norme. J’ai eu ma première règle à 11 ans. Contrairement à maman. Elle en avait 16 et était tombée enceinte de moi l’année suivante. « À cet âge, on est exposé à toute sorte de chose. On se croit forte, puissante, le monde à nos pieds. On commence à faire des trucs débiles. Des choses sporadiques. Ma fille, je ne veux pas que tu t’orientes vers cette voie, et commettes les mêmes erreurs que moi » m’avait dit maman sur un ton triste. Par conséquent, je restais la plupart du temps dans ma bulle, à l’abri des regards monstrueux et grotesques de ma ville. Je ne pense plus à moi. Je pense à cette nuit. Celle-ci a brûlé tout mon être. C’est la fête des morts aujourd’hui, pensai-je. Et je me noie dans mes rêveries, écrasées sous le poids de mon malheur. Je suis seul, je scande à l’intérieur de moi-même.
Il était presque minuit. On pouvait entendre même le silence. Les arbres faisaient un bruit qui me foutait vraiment la trouille, on dirait qu’ils parlent. De loin, j’entendais des aboiements. Des aboiements de chiens blessés, frappés par une voiture sur le rail. Non. À cette heure les voitures ne passent plus. Ils ont peut-être vu des zombis, comme disait défunte grand-mère. Je ne pouvais pas dormir. La nuit m’était difficile à soupeser. Je souffrais. J’essoufflais. J’avais un mal terrible. Mon ventre. Mon corps sentait les chiures. D’où viennent ces mouches ? Il en avait partout. Elles rôdaient autour de moi. D’où viennent-elles ? Mes frères étaient dans l’autre pièce. Je les ai entendus parler. On dirait qu’ils grignotent quelque chose. Mais est-ce qu’ils font ? Le bruit du liquide dans leurs gorges, on aurait pensé au bruit d’une vague qui s’éclabousse sur les pieds d’un pécheur. Qu’est-ce qu’ils boivent à cette heure ? De l’eau ? D’alcool ? Maman les tuerait, je m’étais dit à moi-même. Ce soir, maman dormait et ne ronflait pas. Maman qui ne ronfle pas ? Me demandai-je, sidérée. Enfin, je voulais sortir du lit, une force me garda aussitôt captive. Je restais alors inerte. J’attendais que la mobilité de mon corps me revienne. Je restais muette. Des sons de tambours retentissaient du haut de Gorman, une localité voisine de la nôtre. Est-ce un champwèl? (Société secrète dans le vaudou qui a le pouvoir de faire du mal). Peut-être. Le son devenait de plus en plus près. Le son marchait à grands pas vers notre case. Tout d’un coup, la peur m’avait envahie. Mon corps se refroidissait momentanément sous la pression de ma phobie du noir. Maman ne bougeait toujours pas malgré je dansais à côté d’elle. Je dansais avec ma peur. Je dansais de peur. Je dansais par peur d’être mangée par la nuit. Ma vie vacillait entre la terreur de mon corps et mon désir incertain de hurler à tue-tête. Et voilà, ils sont là. Ils sont là, les bizangos (autre appellation de Champwèl). J’ai entendu mes frères gémir comme si quelque chose était coincée entre leurs petits estomacs. Puis, rien. C’était le silence. Tout était calme. Le temps était mort. Le temps était arrêté sur l’embouchure du vide, la nuit. La position de maman n’avait pas changé. Toujours stagnante. Je réfléchissais. Ma tête était pleine d’ordures. Des bruits de couloir. C’est la saison des morts. Le mois de novembre. Tout ceci m’a rendu hébétée. Je réfléchissais encore. Des idées folles me montaient à la tête. Obnubilée par ces dernières, je pensais à ma mort. Je pansais mes blessures intérieures. Rien ne marchait. Voilà, la mort est belle. Je divaguais. Mon bourreau venait pour m’engloutir. Il est anthropophage. Je fermais mes yeux comme pour éviter de voir le massacre. Tout d’un coup, mes frères hurlaient, poussaient des cris effarants. Ils ont peut-être vu quelque chose. Quoi alors ? D’un mouvement brusque, j’avais enfin quitté le lit et me suis hâtivement dirigé vers eux. Étonnamment, leur natte ne se trouvait plus au même endroit. Celle-ci était tout près de la porte de sortie. C’est étrange, me disais-je. Par quelle magie se trouvait-elle jusque-là ? N’était-elle pas au centre de la chambre comme fut le cas de tous les soirs ? Pleuraient-ils vraiment ? Est-ce moi qui suis devenue barjo ? Je doutais de ma lucidité. Est-ce normal de douter de soi-même dans une pareille circonstance ? J’avançais plus près à pas comptés. J’ai flairé une odeur nauséabonde. Ça sentait du caca. Avaient-ils chié dessus ? Du coup, je tâtonnais la natte. Il y avait du liquide presque partout. C’était coulant. Ce n’est pas de la pisse, me disais-je sans réfléchir. Ça n’avait pas également une senteur écœurante. C’est du sang ! Oui, du sang. J’ai crié sans broncher comme un appel au secours. Tout le quartier m’aura entendu même étant dans un profond sommeil, supposai-je. J’ai entendu le bruit de quelqu’un qui s’avançait à pas de course vers la maison. « Tout va bien à l’intérieur ? ». C’était la voix de Zoulite, le monsieur qui habitait à proximité, cognant à la porte. Je n’avais pas répondu à son interrogation. Je répétais sans cesse les mêmes mots : c’est du sang. Du sang. Du sang. « Qu’est-ce qui s’est passé, dis-moi ? Qui est-ce qui est blessé ? ». Je ne répondais toujours pas. Maman. Où est maman ? J’ai fulminé. « Ta mère est blessée ? ». Aussitôt, avec sa force d’Hercule, il a poussé la porte. Abasourdi, il m’a vu allonger à coté de mes frères en train de noyer dans du sang. Il y en avait partout sur la natte. Sans plus tarder, il a vérifié le pouls de chacun de mes frères. « Oh ! Ils sont morts » avait-il chuchoté. Morts ? Ce n’est pas du tout croyable. Morts ? Mes frères sont morts ? J’ai crié comme une chienne blessée. Maman. Où est maman Zoulite? « Elle est partie également » me répondait-il d’une voix sèche en fixant le corps rectiligne de maman sur le lit. J’ai hurlé de douleur inouïe. Tous les gens du quartier étaient debout. « Qu’est-ce qui s’est arrivé ? » questionnaient-ils sans arrêt. La mort est passée à notre demeure. Elle a pris ma mère et mes frères. Voilà la seule explication possible !
Il était matin. Pas une lueur de soleil. Celui-ci n’a pas quitté sa coquille. Des gens étaient toujours là en train de résoudre l’énigme, comme ils l’appelaient. D’autres me posaient des questions çà et là. Je ne répondais pas. Je ne pouvais pas. Ma gorge était serrée. Pas même une syllabe ne sortait de ma bouche. J’étais muette. Je crois que j’ai perdu l’usage de la parole, me disais-je. Je pleurais sans arrêt. Je pensais à ma mère, coincée entre le sommeil et la mort. À mes frères qui, maintenant, se trouvent dans les abysses de la nuit. Cette nuit est une tache sur la face du soleil. Elle a trouvé son linceul. Était-ce un mauvais rêve ?
Nous habitions dans une case de deux pièces avec une véranda donnant sur la rue, cette route rocheuse et immense qu’on appelle tous « rail » sans raison apparente. L’architecture de notre case était presque pareille à celle de tout le monde, hormis la petite porte de dernière qui, selon le « boss », appellation gratuite qu’on donne aux constructeurs de case, donnera un accès rapide chez madame Victor, expression courante dans le parler des haïtiens créolophones pour désigner les latrines. À quelques pas de chez nous, il y avait un terrain vide, le soir on y jouait à cache-cache. Maintenant, ils ne sont plus là. Ils sont cachés dans la demeure des morts. Impossible de les retrouver comme jadis. Une semaine avant ce putain de premier novembre, je m’étais réveillée avec du sang coagulé dans ma petite culotte. « Vais-je mourir ? Interrogeai-je à voix haute. « Non. Petite sotte. Tu es une femme maintenant » répliqua maman en ricanant. J’étais devenue femme. Moi qui ne savais pas grand-chose de la vie. Comment me comporter face aux dérives de ma communauté où des gamines comme moi tombent enceintes, puis font la gueule à leurs parents tout au long de leur grossesse ? C’était presque la norme. J’ai eu ma première règle à 11 ans. Contrairement à maman. Elle en avait 16 et était tombée enceinte de moi l’année suivante. « À cet âge, on est exposé à toute sorte de chose. On se croit forte, puissante, le monde à nos pieds. On commence à faire des trucs débiles. Des choses sporadiques. Ma fille, je ne veux pas que tu t’orientes vers cette voie, et commettes les mêmes erreurs que moi » m’avait dit maman sur un ton triste. Par conséquent, je restais la plupart du temps dans ma bulle, à l’abri des regards monstrueux et grotesques de ma ville. Je ne pense plus à moi. Je pense à cette nuit. Celle-ci a brûlé tout mon être. C’est la fête des morts aujourd’hui, pensai-je. Et je me noie dans mes rêveries, écrasées sous le poids de mon malheur. Je suis seul, je scande à l’intérieur de moi-même.
Il était presque minuit. On pouvait entendre même le silence. Les arbres faisaient un bruit qui me foutait vraiment la trouille, on dirait qu’ils parlent. De loin, j’entendais des aboiements. Des aboiements de chiens blessés, frappés par une voiture sur le rail. Non. À cette heure les voitures ne passent plus. Ils ont peut-être vu des zombis, comme disait défunte grand-mère. Je ne pouvais pas dormir. La nuit m’était difficile à soupeser. Je souffrais. J’essoufflais. J’avais un mal terrible. Mon ventre. Mon corps sentait les chiures. D’où viennent ces mouches ? Il en avait partout. Elles rôdaient autour de moi. D’où viennent-elles ? Mes frères étaient dans l’autre pièce. Je les ai entendus parler. On dirait qu’ils grignotent quelque chose. Mais est-ce qu’ils font ? Le bruit du liquide dans leurs gorges, on aurait pensé au bruit d’une vague qui s’éclabousse sur les pieds d’un pécheur. Qu’est-ce qu’ils boivent à cette heure ? De l’eau ? D’alcool ? Maman les tuerait, je m’étais dit à moi-même. Ce soir, maman dormait et ne ronflait pas. Maman qui ne ronfle pas ? Me demandai-je, sidérée. Enfin, je voulais sortir du lit, une force me garda aussitôt captive. Je restais alors inerte. J’attendais que la mobilité de mon corps me revienne. Je restais muette. Des sons de tambours retentissaient du haut de Gorman, une localité voisine de la nôtre. Est-ce un champwèl? (Société secrète dans le vaudou qui a le pouvoir de faire du mal). Peut-être. Le son devenait de plus en plus près. Le son marchait à grands pas vers notre case. Tout d’un coup, la peur m’avait envahie. Mon corps se refroidissait momentanément sous la pression de ma phobie du noir. Maman ne bougeait toujours pas malgré je dansais à côté d’elle. Je dansais avec ma peur. Je dansais de peur. Je dansais par peur d’être mangée par la nuit. Ma vie vacillait entre la terreur de mon corps et mon désir incertain de hurler à tue-tête. Et voilà, ils sont là. Ils sont là, les bizangos (autre appellation de Champwèl). J’ai entendu mes frères gémir comme si quelque chose était coincée entre leurs petits estomacs. Puis, rien. C’était le silence. Tout était calme. Le temps était mort. Le temps était arrêté sur l’embouchure du vide, la nuit. La position de maman n’avait pas changé. Toujours stagnante. Je réfléchissais. Ma tête était pleine d’ordures. Des bruits de couloir. C’est la saison des morts. Le mois de novembre. Tout ceci m’a rendu hébétée. Je réfléchissais encore. Des idées folles me montaient à la tête. Obnubilée par ces dernières, je pensais à ma mort. Je pansais mes blessures intérieures. Rien ne marchait. Voilà, la mort est belle. Je divaguais. Mon bourreau venait pour m’engloutir. Il est anthropophage. Je fermais mes yeux comme pour éviter de voir le massacre. Tout d’un coup, mes frères hurlaient, poussaient des cris effarants. Ils ont peut-être vu quelque chose. Quoi alors ? D’un mouvement brusque, j’avais enfin quitté le lit et me suis hâtivement dirigé vers eux. Étonnamment, leur natte ne se trouvait plus au même endroit. Celle-ci était tout près de la porte de sortie. C’est étrange, me disais-je. Par quelle magie se trouvait-elle jusque-là ? N’était-elle pas au centre de la chambre comme fut le cas de tous les soirs ? Pleuraient-ils vraiment ? Est-ce moi qui suis devenue barjo ? Je doutais de ma lucidité. Est-ce normal de douter de soi-même dans une pareille circonstance ? J’avançais plus près à pas comptés. J’ai flairé une odeur nauséabonde. Ça sentait du caca. Avaient-ils chié dessus ? Du coup, je tâtonnais la natte. Il y avait du liquide presque partout. C’était coulant. Ce n’est pas de la pisse, me disais-je sans réfléchir. Ça n’avait pas également une senteur écœurante. C’est du sang ! Oui, du sang. J’ai crié sans broncher comme un appel au secours. Tout le quartier m’aura entendu même étant dans un profond sommeil, supposai-je. J’ai entendu le bruit de quelqu’un qui s’avançait à pas de course vers la maison. « Tout va bien à l’intérieur ? ». C’était la voix de Zoulite, le monsieur qui habitait à proximité, cognant à la porte. Je n’avais pas répondu à son interrogation. Je répétais sans cesse les mêmes mots : c’est du sang. Du sang. Du sang. « Qu’est-ce qui s’est passé, dis-moi ? Qui est-ce qui est blessé ? ». Je ne répondais toujours pas. Maman. Où est maman ? J’ai fulminé. « Ta mère est blessée ? ». Aussitôt, avec sa force d’Hercule, il a poussé la porte. Abasourdi, il m’a vu allonger à coté de mes frères en train de noyer dans du sang. Il y en avait partout sur la natte. Sans plus tarder, il a vérifié le pouls de chacun de mes frères. « Oh ! Ils sont morts » avait-il chuchoté. Morts ? Ce n’est pas du tout croyable. Morts ? Mes frères sont morts ? J’ai crié comme une chienne blessée. Maman. Où est maman Zoulite? « Elle est partie également » me répondait-il d’une voix sèche en fixant le corps rectiligne de maman sur le lit. J’ai hurlé de douleur inouïe. Tous les gens du quartier étaient debout. « Qu’est-ce qui s’est arrivé ? » questionnaient-ils sans arrêt. La mort est passée à notre demeure. Elle a pris ma mère et mes frères. Voilà la seule explication possible !
Il était matin. Pas une lueur de soleil. Celui-ci n’a pas quitté sa coquille. Des gens étaient toujours là en train de résoudre l’énigme, comme ils l’appelaient. D’autres me posaient des questions çà et là. Je ne répondais pas. Je ne pouvais pas. Ma gorge était serrée. Pas même une syllabe ne sortait de ma bouche. J’étais muette. Je crois que j’ai perdu l’usage de la parole, me disais-je. Je pleurais sans arrêt. Je pensais à ma mère, coincée entre le sommeil et la mort. À mes frères qui, maintenant, se trouvent dans les abysses de la nuit. Cette nuit est une tache sur la face du soleil. Elle a trouvé son linceul. Était-ce un mauvais rêve ?