C'était le temps des garçons-manqués

Je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. Et ce temps-là, c’était le temps des garçons manqués…

Il y a plus de quarante ans, je suis entré en journalisme comme on entre en religion. Avec pour credo le sport. Avec pour coreligionnaires, des hommes, beaucoup d’hommes et guère de femmes, peu de femmes.

Le corps féminin du journalisme avait peu à montrer tant les femmes de radio, de télé et de presse écrite étaient rares. Des pionnières qui avaient le cuir tanné tant la misogynie, le machisme, les moqueries battaient leur plein et s’abattaient sur elles, comme une nuée de frelons sévèrement burnés.

Dures au mal (au mâle aussi), ces pionnières me rappelaient ces aviatrices du début du XXe siècle qui jouaient des coudes et des ailes pour assouvir leur passion face au diktat guerrier de ces messieurs guindés et corsetés dans leurs principes…

 

Et que dire sur les terrains ou salles de sports ? Du pareil au même… Seules les basketteuses trouvaient grâce aux yeux des hommes… À la rigueur, les nageuses, les cavalières, les skieuses, les escrimeuses, les coureuses à pied…

Les footballeuses, les handballeuses, elles, n’avaient guère droit au chapitre de la reconnaissance…

J’entends encore les quolibets : — Restez faire mumuse avec votre baballe et n’empiétez pas sur les plates-bandes des mecs, des vrais ! Capito ?

Quant aux rugbywomen, aux cyclistes, boxeuses, elles étaient les plus mal loties.

J’entends toujours ces jugements humiliants : — Pissouses dans un sport d’hommes !

— Déménageuses, pédaleuses sans charme, crêpeuses de chignons, dégagez ! Capito ?

Le combat a été long, âpre, douloureux, patient, revendicatif. Je veux parler du combat des femmes dans le sport…

Pour arriver à cet état satisfaisant – mais pas encore de grâce –, avec ces footballeuses, rugbywomen, handballeuses qui, gages de notoriété, passent enfin à la télé, font la une de journaux, deviennent des « pipole » du sport ! La reconnaissance, enfin… !

C’est ce que je me suis dit quand je suis allé voir le premier match de championnat entre Chambray Touraine Handball et Besançon en début de saison. Une salle pleine à craquer, petite il est vrai… Des supporters motivés, gentiment braillards et des enfants, beaucoup de gamines, des étoiles dans les yeux, rêvant qu’un jour, elles seraient sur le parquet…

Hier, c’était un rêve, seulement un rêve. Aujourd’hui, c’est du domaine du présent et du futur proche, du ressort de la volonté sans tabous ni barrières.

Oh, bien sûr, tout est loin d’être parfait. Le « combat » ne sera jamais complètement terminé… Mais bon sang, que de chemin parcouru en cinq décennies !

Oui, on a bien quitté le temps des garçons manqués, pour le temps, si vous m’autorisez l’expression provocatrice à dessein, des filles réussies…

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Œuvre produite dans le cadre des ateliers d’écriture organisés par le Chambray Touraine Handball