Ça a duré une bonne minute. Une vraie minute. Une éternité.
Mais en réalité je n'ai pas osé compté, dans ces moments là, il est extrêmement difficile de le faire. Même les reniflements de Maman Maria je ne les entendaient plus du tout. Après tout, cela ne me servait plus à rien de savoir depuis combien de temps j'essayais de digérer la nouvelle.Il était trop tard pour compter quoi que ce soit, trop tard parce qu'il n'existe aucun autre mot pour décrire à quel point je ne pouvais plus rien y faire. Pourtant j'ai essayé. J'ai tout donné.
Enfin, presque tout. J'ai oublié de donner mon temps, j'ai oublié de donner de l'amour, j'ai oublié de donner du bonheur, j'ai oublié d'offrir des fleurs et des rendez-vous, j'ai oublié l'essentiel.
J'aurai tout donné pour remonter le temps alors que pour le minimum je n'ai pas su donner. J'aurai juste voulu me retrouver à cette période où j'avais encore la possibilité de contribuer au bonheur de mon ami, et maintenant, je ne peux plus, parce qu'il ne vivra plus.
J'ai tellement mis mon énergie dans ce que je croyais meilleur pour lui et moi que j'en ai oublié l'importance de la seule chose que je possédais,le présent. Puisque le passé est hors de ma portée et que l'avenir ne m'appartient pas, il ne me restait que le présent.
Ayaan ne souffrait de rien du tout. Rien d'apparent en tous cas. Peut-être que j'ai tellement été absente que je n'ai pas du tout remarqué. Il fait tellement bien semblant. II y'a deux heures encore, il a fait semblant d'être content quand je lui ai dit pour la troisième fois cette semaine que je l'appellerai le week-end, au fond de lui, il savait que je n'allais pas tenir ma promesse, et il avait raison, ce qui rend tout encore plus douloureux. Après avoir fait semblant de rire à mes blagues insensées et pauvres en humour, il a combiné autant de comprimés qu'il pouvait. Il ne m'a même pas dit au revoir, et il est parti. Avant même de raccrocher. Alors j'ai appelé Maman Maria, sa mère, celle-ci n'a pas décroché les deux premières fois. Puis m'a rappelée une heure après. Elle n'a pas dit grand chose.
« È morto ».
Je ne comprends pas un traître mot d'italien mais mon cœur a compris ce qu'elle a dit. Et il est resté silencieux, puis il a été bruyant, très bruyant parce qu'il s'est mis à saigné. De l'extérieur, de l'intérieur, de partout.
Il y'a une chose que je ne comprends pas. Cela semble un peu égoïste. Mais néanmoins, Ayaan aurait pu attendre que je l'appelle le week-end convenu même si je ne l'aurai pas fait. Il aurait pu attendre que je débarque à notre anniversaire de rencontre des « petits paquets » . Je l'appelais mon " petit paquet " et il m'appelait ainsi également. Ayaan signifie cadeau de Dieu. Je m'appelle Gift.