Toute histoire commence un jour, quelque part, à un moment de notre vie dont on ne se rappelle pas forcément, un moment banal de notre quotidien qui passe sans qu’on s’en rende compte, et qui sera le début d’un chamboulement, la naissance d’un bonheur, l’origine d’un mal, l’aube d’une nouvelle ère de notre vie qui ne sera plus jamais la même. Cette histoire là, pourrait être notre fierté, le genre d’histoires que nous sortons à chaque occasion qui se présente à nous ; ou bien notre plus grand mystère, une tâche dans notre vie immaculée, un traumatisme qui nous hantera probablement toute une vie.
Mais de toutes les histoires qui existent au monde, il n’y en qu’une seule qui compte à mes yeux, celle qui n’a pas encore été écrite, celle qui attend encore le moment propice pour se déclencher, celle dont j’ai ébauché mille fois les contours, mais qui semble ne jamais se dessiner entièrement devant moi, le conte de fée dont je rêve depuis si longtemps, que je crois toucher à chaque instant de ma vie et qui ne cesse de m’échapper. Je sais que vous comprenez, que vous aussi vous êtes excédés de courir derrière ce mythe de paix intérieure, ce sentiment de sérénité, cette joie qui parait si éphémère, si pressée de nous quitter alors qu’elle vient à peine de s’installer dans nos vies.
Pourtant, depuis quelque temps, je ressens une énergie nouvelle qui rôde autour de moi, serait-il possible que le mécanisme se soit enclenché ? Que mon tour pour accéder au bonheur est enfin arrivé ? Et quel serait donc ce moment clé qui changerait ma vie à jamais ? J’avoue honteusement vous avoir un peu menti plus haut, mais vous me l’excuserez bien, n’est ce pas ? Pour la simple raison que vous aussi, à force de voir le bonheur de loin sans jamais l’atteindre, avez développé cette fâcheuse manie de toujours s’attendre à une chute pas très joyeuse à vos histoires, n’ai-je pas raison ?
Parce que, oui, l’histoire que j’ai tant attendue a bel et bien commencé. Je saurais vous dire exactement quand elle a commencé et quand est ce qu’elle s’est terminée. Vous me demanderiez pourquoi ? Et bien, parce que je ne compte plus le nombre de fois où je me la suis repassée en tête, où je l’ai racontée à mes proches, ma famille, mes amis, et parfois même à de parfaits inconnus que la vie a mis sur mon chemin. Autant d’auditeurs pour une histoire si chère à mon cœur, le récit des moments les plus marquants de ma vie, des moments qui n’auraient duré que le temps d’une nuit. Je vous entends déjà dire : oh mais quelle triste vie est celle qui ne tourne qu’autour d’une seule nuit ! Mais moi je la chéris cette vie, je chéris cette nuit qui a fait de moi la femme que je suis aujourd’hui. Mais ce qu’il faut que vous sachiez, c’est que, aujourd’hui, je vous offre une version inédite de mon histoire, une version, que je n’avais encore jamais racontée à personne d’autre auparavant...
Commençons par le commencement. Cette nuit là avait débuté comme toutes ses précédentes. Jeune étudiante issue d’un milieu pauvre, je m’acharnais à réussir coûte que coûte, je passais toute ma journée à courir, entre mes cours et différents petits jobs. J’ai absolument tout fait, de la serveuse chez le snack du coin à la baby-sitter. Je vous épargne ces détails, je sais que vous êtes tous passés par là à un moment ou un autre. Revenons à mon histoire. Ce jour là, je finissais plus tôt que prévu, alors je me dis que je pourrais enfin passer une soirée chez moi au calme, manger un repas chaud et pourquoi pas, regarder un film. En arrivant devant chez moi, je retrouve toutes mes affaires devant la porte et un mot du propriétaire me disant de ne plus revenir. Je rentrais souvent tard le soir à cause de mon travail et, apparemment, les voisins n’appréciaient pas vraiment ça. Bruno, l’autre locataire, rentrait bien après minuit lui, mais bizarrement, ça ne dérangeait personne, il venait pas du même milieu que moi lui... J’ai donc emporté mes affaires et, plongée dans la nuit sombre éclairée par quelques réverbères épars, je me mis à errer sans vraiment savoir où aller. Au bout de quelques dizaines de minutes de marche, j’avais laissé mon ancien quartier loin derrière moi, et mon ancienne vie avec...
Je me retrouvai dans une partie de la ville où je ne m’étais jamais aventurée. Trop fatiguée pour pouvoir continuer, je pris place sur le seuil d’une porte et fermai les yeux pendant quelques secondes. En les rouvrant, je me trouvais face à une vieille au visage naïf, qui s’adressa à moi en langage des signes en quoi j’ai pu déchiffrer une demande de la suivre ; j’étais assise devant sa porte. Jusqu'à aujourd’hui, je n’arrive pas à comprendre ce qu’elle faisait dehors à une heure aussi tardive, et comment elle a pu inviter une parfaite étrangère à entrer chez elle, tout ce que je sais, c'est qu'elle n’aurait pas dû...
Ce soir là, madame Mallet m’avait accueillie dans son appartement, un petit F3 où tout était propre, tout était bien rangé, mais ça ne m’étonnait pas tant que ça ; madame Mallet était une perfectionniste et ça se voyait à son apparence très soignée malgré son âge, j’aurais du mal à croire qu’elle ne descende pas de quelque famille royale. Elle alluma une lampe dans le salon, puis se dirigea vers une autre pièce, la cuisine, je suppose, en silence, me laissant seule dans ce nouveau décor qui s’offre à moi, un décor luxueux qui ne correspondait pas du tout à la façade moderne et épurée de l’immeuble. Son salon ne ressemblait en rien à tout ce que j’avais vu auparavant: Meubles haussmanniens au bois minutieusement travaillé, une grande cheminée qui a dû connaitre le passage de tellement d’hivers, un grand tapis qui me caressait les pieds tel un petit chaton et plein d’objets décoratifs qui pourraient sortir tout droit d’un musée : toiles de peintres connues, grands vases en céramique de part et d’autre de la cheminée, et des statuettes en bronze de différentes tailles. Mais ce qui attira le plus mon attention c’était une grande horloge qui occupait toute la hauteur de la pièce du sol jusqu'au plafond, et large d’à peu près un demi mètre. Je me levais et me mis face à elle, hypnotisée par le tic-tac qui résultait du passage des secondes, un détail m’intrigua. Il y avait comme une boule qui ressortait de la surface parfaitement lisse du meuble. Je tendis la main, agrippais ce qui me semblait être une poignée, tirais dessus, et une portière s’ouvrit sur la plus belle découverte qu’il m’était donné de voir, une découverte qui allait changer ma vie. C’était une sorte de coffre où elle gardait de l’argent, beaucoup d’argent... Ah ! Tous ces vieux qui ne font pas confiance aux systèmes bancaires et qui préfèrent ranger leur argent bien au chaud à la maison en croyant qu’il y serait plus en sécurité. Je pourrais presque être d’accord avec eux si je ne connaissais pas la fourberie de l’Homme, la cupidité des gens comme moi, qui pourraient en l’espace d’un instant vous dépouiller de ce pourquoi vous avez travaillé sans relâche durant toute une vie. J’ai presque de la peine pour la pauvre madame Mallet, elle qui était partie me chercher à manger en me laissant tout le temps de bien ranger le trésor que je venais de découvrir dans mon sac à dos.
Soudain, j’entendis le bruit sourd d’un verre qui venait de se briser, je lève la tête et j’aperçus sur la surface polie de l’horloge l’ombre de la vieille. Mauvais timing ma chère madame, au lieu de me préparer un vulgaire sandwich, vous auriez dû me cuisiner un repas chaud, ça se voit sur ma tête que je n’ai pas eu droit à cela depuis si longtemps !
Sans trop perdre mon temps, je happai le premier objet à proximité. Quelle chance ! C’est l’une de vos statuettes chéries. Auriez-vous pensé un jour que celle-ci sera la cause de votre mort ?
Je m’approchai d’un pas sûr, et vous ma douce, vous étiez totalement pétrifiée. Merci d’être aussi calme, merci d’être muette comme une tombe. Tombe que vous allez bientôt rejoindre on dirait. Un coup sec sur votre tête et vous voila par terre. Quel dommage ! Vous allez tâcher un si beau tapis avec votre sang, mais bon, vous n’en aurez plus besoin. Je ne sais même pas pourquoi je vous vouvoie encore ? Après tout, vous êtes ma confidente maintenant, vous connaissez la partie la plus sombre en moi, je devrais vous tutoyer. Il est temps que je parte, tu m’excuseras d’emporter avec moi cette petite merveille de statuette en mémoire de notre tendre rencontre, et encore merci pour tout ce que tu as fait pour moi.
Ainsi chers lecteurs, madame Mallet est devenue une partie indissociable de mon bonheur. Généreuse comme elle l’était, et étant sur le point de mourir, elle m’offrit tout son argent ainsi que ce petit objet décoratif que je garde dans mon salon jusqu'à ce jour. Et les gens à qui je parle du don dont m’a fait cette gentille dame souhaitent tous l’avoir rencontrée et connu d’eux même son grand cœur et sa bonté. Bien sûr, ils ne savent pas que je l’ai tuée, mais peu importe ! Madame Mallet a été le « quelque part » où mon histoire a commencé, et je lui en serais toujours reconnaissante. Grâce à elle, j’avais enfin accès au bonheur.
Mais de toutes les histoires qui existent au monde, il n’y en qu’une seule qui compte à mes yeux, celle qui n’a pas encore été écrite, celle qui attend encore le moment propice pour se déclencher, celle dont j’ai ébauché mille fois les contours, mais qui semble ne jamais se dessiner entièrement devant moi, le conte de fée dont je rêve depuis si longtemps, que je crois toucher à chaque instant de ma vie et qui ne cesse de m’échapper. Je sais que vous comprenez, que vous aussi vous êtes excédés de courir derrière ce mythe de paix intérieure, ce sentiment de sérénité, cette joie qui parait si éphémère, si pressée de nous quitter alors qu’elle vient à peine de s’installer dans nos vies.
Pourtant, depuis quelque temps, je ressens une énergie nouvelle qui rôde autour de moi, serait-il possible que le mécanisme se soit enclenché ? Que mon tour pour accéder au bonheur est enfin arrivé ? Et quel serait donc ce moment clé qui changerait ma vie à jamais ? J’avoue honteusement vous avoir un peu menti plus haut, mais vous me l’excuserez bien, n’est ce pas ? Pour la simple raison que vous aussi, à force de voir le bonheur de loin sans jamais l’atteindre, avez développé cette fâcheuse manie de toujours s’attendre à une chute pas très joyeuse à vos histoires, n’ai-je pas raison ?
Parce que, oui, l’histoire que j’ai tant attendue a bel et bien commencé. Je saurais vous dire exactement quand elle a commencé et quand est ce qu’elle s’est terminée. Vous me demanderiez pourquoi ? Et bien, parce que je ne compte plus le nombre de fois où je me la suis repassée en tête, où je l’ai racontée à mes proches, ma famille, mes amis, et parfois même à de parfaits inconnus que la vie a mis sur mon chemin. Autant d’auditeurs pour une histoire si chère à mon cœur, le récit des moments les plus marquants de ma vie, des moments qui n’auraient duré que le temps d’une nuit. Je vous entends déjà dire : oh mais quelle triste vie est celle qui ne tourne qu’autour d’une seule nuit ! Mais moi je la chéris cette vie, je chéris cette nuit qui a fait de moi la femme que je suis aujourd’hui. Mais ce qu’il faut que vous sachiez, c’est que, aujourd’hui, je vous offre une version inédite de mon histoire, une version, que je n’avais encore jamais racontée à personne d’autre auparavant...
Commençons par le commencement. Cette nuit là avait débuté comme toutes ses précédentes. Jeune étudiante issue d’un milieu pauvre, je m’acharnais à réussir coûte que coûte, je passais toute ma journée à courir, entre mes cours et différents petits jobs. J’ai absolument tout fait, de la serveuse chez le snack du coin à la baby-sitter. Je vous épargne ces détails, je sais que vous êtes tous passés par là à un moment ou un autre. Revenons à mon histoire. Ce jour là, je finissais plus tôt que prévu, alors je me dis que je pourrais enfin passer une soirée chez moi au calme, manger un repas chaud et pourquoi pas, regarder un film. En arrivant devant chez moi, je retrouve toutes mes affaires devant la porte et un mot du propriétaire me disant de ne plus revenir. Je rentrais souvent tard le soir à cause de mon travail et, apparemment, les voisins n’appréciaient pas vraiment ça. Bruno, l’autre locataire, rentrait bien après minuit lui, mais bizarrement, ça ne dérangeait personne, il venait pas du même milieu que moi lui... J’ai donc emporté mes affaires et, plongée dans la nuit sombre éclairée par quelques réverbères épars, je me mis à errer sans vraiment savoir où aller. Au bout de quelques dizaines de minutes de marche, j’avais laissé mon ancien quartier loin derrière moi, et mon ancienne vie avec...
Je me retrouvai dans une partie de la ville où je ne m’étais jamais aventurée. Trop fatiguée pour pouvoir continuer, je pris place sur le seuil d’une porte et fermai les yeux pendant quelques secondes. En les rouvrant, je me trouvais face à une vieille au visage naïf, qui s’adressa à moi en langage des signes en quoi j’ai pu déchiffrer une demande de la suivre ; j’étais assise devant sa porte. Jusqu'à aujourd’hui, je n’arrive pas à comprendre ce qu’elle faisait dehors à une heure aussi tardive, et comment elle a pu inviter une parfaite étrangère à entrer chez elle, tout ce que je sais, c'est qu'elle n’aurait pas dû...
Ce soir là, madame Mallet m’avait accueillie dans son appartement, un petit F3 où tout était propre, tout était bien rangé, mais ça ne m’étonnait pas tant que ça ; madame Mallet était une perfectionniste et ça se voyait à son apparence très soignée malgré son âge, j’aurais du mal à croire qu’elle ne descende pas de quelque famille royale. Elle alluma une lampe dans le salon, puis se dirigea vers une autre pièce, la cuisine, je suppose, en silence, me laissant seule dans ce nouveau décor qui s’offre à moi, un décor luxueux qui ne correspondait pas du tout à la façade moderne et épurée de l’immeuble. Son salon ne ressemblait en rien à tout ce que j’avais vu auparavant: Meubles haussmanniens au bois minutieusement travaillé, une grande cheminée qui a dû connaitre le passage de tellement d’hivers, un grand tapis qui me caressait les pieds tel un petit chaton et plein d’objets décoratifs qui pourraient sortir tout droit d’un musée : toiles de peintres connues, grands vases en céramique de part et d’autre de la cheminée, et des statuettes en bronze de différentes tailles. Mais ce qui attira le plus mon attention c’était une grande horloge qui occupait toute la hauteur de la pièce du sol jusqu'au plafond, et large d’à peu près un demi mètre. Je me levais et me mis face à elle, hypnotisée par le tic-tac qui résultait du passage des secondes, un détail m’intrigua. Il y avait comme une boule qui ressortait de la surface parfaitement lisse du meuble. Je tendis la main, agrippais ce qui me semblait être une poignée, tirais dessus, et une portière s’ouvrit sur la plus belle découverte qu’il m’était donné de voir, une découverte qui allait changer ma vie. C’était une sorte de coffre où elle gardait de l’argent, beaucoup d’argent... Ah ! Tous ces vieux qui ne font pas confiance aux systèmes bancaires et qui préfèrent ranger leur argent bien au chaud à la maison en croyant qu’il y serait plus en sécurité. Je pourrais presque être d’accord avec eux si je ne connaissais pas la fourberie de l’Homme, la cupidité des gens comme moi, qui pourraient en l’espace d’un instant vous dépouiller de ce pourquoi vous avez travaillé sans relâche durant toute une vie. J’ai presque de la peine pour la pauvre madame Mallet, elle qui était partie me chercher à manger en me laissant tout le temps de bien ranger le trésor que je venais de découvrir dans mon sac à dos.
Soudain, j’entendis le bruit sourd d’un verre qui venait de se briser, je lève la tête et j’aperçus sur la surface polie de l’horloge l’ombre de la vieille. Mauvais timing ma chère madame, au lieu de me préparer un vulgaire sandwich, vous auriez dû me cuisiner un repas chaud, ça se voit sur ma tête que je n’ai pas eu droit à cela depuis si longtemps !
Sans trop perdre mon temps, je happai le premier objet à proximité. Quelle chance ! C’est l’une de vos statuettes chéries. Auriez-vous pensé un jour que celle-ci sera la cause de votre mort ?
Je m’approchai d’un pas sûr, et vous ma douce, vous étiez totalement pétrifiée. Merci d’être aussi calme, merci d’être muette comme une tombe. Tombe que vous allez bientôt rejoindre on dirait. Un coup sec sur votre tête et vous voila par terre. Quel dommage ! Vous allez tâcher un si beau tapis avec votre sang, mais bon, vous n’en aurez plus besoin. Je ne sais même pas pourquoi je vous vouvoie encore ? Après tout, vous êtes ma confidente maintenant, vous connaissez la partie la plus sombre en moi, je devrais vous tutoyer. Il est temps que je parte, tu m’excuseras d’emporter avec moi cette petite merveille de statuette en mémoire de notre tendre rencontre, et encore merci pour tout ce que tu as fait pour moi.
Ainsi chers lecteurs, madame Mallet est devenue une partie indissociable de mon bonheur. Généreuse comme elle l’était, et étant sur le point de mourir, elle m’offrit tout son argent ainsi que ce petit objet décoratif que je garde dans mon salon jusqu'à ce jour. Et les gens à qui je parle du don dont m’a fait cette gentille dame souhaitent tous l’avoir rencontrée et connu d’eux même son grand cœur et sa bonté. Bien sûr, ils ne savent pas que je l’ai tuée, mais peu importe ! Madame Mallet a été le « quelque part » où mon histoire a commencé, et je lui en serais toujours reconnaissante. Grâce à elle, j’avais enfin accès au bonheur.