Cette œuvre est
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Histoires Jeunesse :
- 6-8 Ans (Cycle 2)
- 8-11 Ans (Cycle 3)
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- Sport - Jeunesse
À part le Schtroumpf à lunettes et Agnan dans les aventures du Petit Nicolas, sacrées têtes à claques, je ne connais pas beaucoup de héros à lunettes.
Aussi, je n'ai vraiment pas sauté de joie quand l'ophtalmo m'a annoncé que la cause de mes maux de tête étaient dus à de la myopie évolutive.
J'allais devoir porter des lunettes en permanence pour la corriger.
Maman s'est exclamée :
– C'est super, on fait de si belles lunettes de nos jours ! Ça devient presque un accessoire de mode.
Moi, j'étais beaucoup moins ravi pour ne pas dire carrément dégoûté ! Les lunettes, selon moi, c'était associé aux personnages de l'insupportable moralisateur, du nul en sport, de l'intello...
Je manquais d'un modèle à lunettes à qui m'identifier. C'est vrai après tout, les footballeurs ou les chanteurs que j'aimais, les héros que j'admirais, aucun ne portait des lunettes !
Vous imaginez vous, Naruto, Luffi, Son Goku avec des lunettes ? Attendez, les méchants ! Vous ne pouvez pas me frapper parce que j'ai des lunettes ! Pouce, les vilains ! Je dois essuyer mes lunettes pleines de buée avant de vous courir après !
Bref, il fallait se rendre à l'évidence, les binoclards n'étaient jamais les héros. Attention, je parle des lunettes de vue car les lunettes de soleil, ça oui, ça faisait classe prenez Gims par exemple ! Des lunettes de soleil, j'étais d'accord pour en mettre, mais évidemment mes parents et l'opticien ont eu gain de cause et je suis ressorti de la boutique avec des petites lunettes métalliques, vertes ! Je ne ressemblais pas du tout à un rappeur mais plutôt à un banquier miniature.
À l'école, nous participions cette année à un projet sportif autour du basket. Les Jeux Olympiques ayant lieu cet été à Paris, nous allions recevoir la visite d'Abou, un des basketteurs de l'équipe nationale. J'en ai presque oublié mon problème de lunettes. Nous l'attendions avec impatience et nous avions préparé des tas de questions à lui poser sur son club, sa carrière, ses entraînements, son hygiène de vie... On était très excités, ce n'est pas tous les jours qu'une star venait dans notre classe ! Même la maîtresse qui pourtant n'aime pas trop le sport était impatiente et ne cessait de jeter des petits coups d'œil furtifs à la grosse horloge suspendue au-dessus de la porte.
À 14 heures précises, il était là. Moi, la première chose qui m'a sauté aux yeux, enfin aux lunettes, quand il est entré dans notre classe, ce n'est pas sa taille (il mesure 2mètres 03 nous a-t-il dit plus tard), ni le ballon de basket qu'il tenait sous le bras, ni son survêtement jaune fluo, non... c'est que lui aussi portait... des lunettes ! Et pas discrètes avec ça !
De grosses montures rectangulaires, jaunes elles aussi, comme son survet !
En quelques secondes, l'agitation a régné dans notre classe. Tout le monde faisait des commentaires sur le nouveau venu mais personne n'osait lui poser la première question, celle qui romprait la glace et permettrai d'entamer le dialogue. On était tous intimidés même Diego qui d'habitude n'avait peur de rien. Alors, je me suis jeté à l'eau et, d'une petite voix, j'ai posé une question, qui n'était pas notée dans notre interview préparée en classe.
– Quand tu joues en match, tu portes tes lunettes ?
Abou a répondu :
– Comme je suis myope comme une taupe, y a plutôt intérêt, venez, je vais vous montrer.
Ça alors... Il était myope, comme moi ! Immédiatement, je l'ai trouvé très sympathique !
Il nous a emmené dans la cour au niveau des paniers de basket. Il a lancé le ballon. La trajectoire était magnifique, précise. Swish shot, c'est à dire que le ballon est entré dans le panier sans toucher l'arceau ni la planche. On a tous applaudi, admiratifs.
– Regardez, je vais retenter un panier à trois points mais cette fois-ci, sans mes lunettes.
Il m'a tendu sa paire de lunettes à garder pendant qu'il tirait. Cette fois, le ballon a tapé la planche mais n'est pas rentré.
– Voilà ce qui se passe sans mes lunettes, le monde devient tout flou et je n'arrive plus à rien.
On a rigolé et les questions ont fusé :
– Tu mets ces paires là pour jouer ?
– Pourquoi tu les as choisies en jaune ?
– Ça veut dire quoi être myope ?
– Tu portes des lunettes depuis quel âge ?
– Tu n'as pas peur de les casser en jouant ?
– On va s'installer pour que je puisse répondre à toutes vos questions.
Abou s'est assis dans la cour de récré et on s'est placé autour de lui. On aurait dit le soleil entouré de plein de petites planètes gravitant tout autour...
– Comme vous, quand j'étais petit, ça me cassait les pieds d'avoir des lunettes. Je ne les portais presque jamais et ma myopie s'est aggravée. Mais maintenant, j'en suis très fier. C'est une façon pour moi de me faire repérer sur le terrain : certains mettent des baskets fluos, d'autres se teignent les cheveux, moi ce sont mes lunettes qui me distinguent des autres joueurs. Je pourrais me faire opérer ou porter des lentilles, mais non... Mes lunettes, j'y tiens maintenant ! Vous imaginez, Harry Potter ou John Lennon sans leurs fameuses lunettes ?
John Lennon, je ne sais pas qui c'est... Un basketteur américain sans doute mais Harry Potter oui ! C'est vrai ! Je l'avais oublié quand je cherchais des héros à lunettes !
Abou a repris :
– Je ne suis pas le seul basketteur à porter des lunettes vous savez. Un de mes joueurs préférés, Kareem Abdul-Jabbar, était célèbre pour sa technique du bras roulé mais aussi pour ses fameuses goggles, d'énormes lunettes protectrices qu'il portait en match. Tony Parker aussi en mettait dans certains matchs.
On est ensuite rentrés en classe pour qu'Abou nous signe des autographes.
Notre nouvel ami s'est tourné vers la maîtresse :
– J'ai l'impression de leur avoir plus parlé de lunettes que de basket non ? Enfin, ça n'a pas été inutile à ce que je vois...
Car oui, bizarrement, des étuis à lunettes étaient ressortis des cartables et je me suis aperçu que Lou, Raphaël, Tawin, Amin, et même Diego portaient eux aussi des lunettes !
La maîtresse a ri...
– Bon, je sais ce qu'il me reste à faire... Moi, aussi, j'ai tendance à oublier de les mettre !
Et de son sac à main, elle a sorti, une paire de lunettes qu'elle a posé sur son nez !
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Illustration : Mathilde Ernst