BICÊTRE

Ça a duré une bonne minute. Une vraie minute. Une éternité. Je souhaitais juste être libérée...
 

    Seule, le dos courbé, la tête baissée. J'étais comme embrigadée dans une prison invisible. La prison de mes pensées. On croirait des gardes-chiourme en rotation de service car l'une après l'autre me tourmente sans repos, sans répit. 
      De plus en plus oppressantes, leur poids étouffe mon corps déjà endolori sur lequel on ne compte plus le nombre des meurtrissures. 
Bleues, noires, ecchymoses dans le cou.
Roses, rouges, cicatrices sur les jambes.
Elles témoignent d'un déshonneur duquel je ne pourrais jamais être épurée...
      
        
        Seule, le regard désorienté, le visage figé. J'avais les paupières lourdes, continuellement chargées de larmes. Je les laissais ruisseler le long de mon corps comme pour me laver de ma souillure, me débarrasser de l'horreur,de  l'odeur du sang, l'odeur de la mort. Oui j'étais déjà morte; j'étais morte avant même d'avoir vécu et pour mieux vivre il aurait fallu que je tue aussi celui qui m'avait tout pris.
       Il s'était introduit dans mon intimité sans y avoir été convoqué. Comme un fauve il m'avait traqué. Il voulait posséder mon âme , apprivoiser mon corps. Il me voulait moi. Mais qu'est-ce que j'avais de si précieux qu'il désirait tant? Je ne comprenais pas. 
Ses yeux injectés de sang, son corps élevé comme un cèdre du Liban; il dégageait une énergie qui me donnait des sueurs froides . Il s'avançait vers moi à pas de velours, confiant.
       Je n'avais plus aucune force pour me débattre, mes jambes m'avaient lâchées les premières. Je me trainais donc au sol comme un reptile déterminée à fuir mon agresseur. Je ne distinguais rien au dehors tellement la nuit était sombre, mes oreilles bourdonnaient; je ne percevais aucun sons. Je n'avais idée ni d'où j'étais ni d'où je me rendais. Je devais sauver ma peau c'était impératif! J'évoluais toujours comme un mollusque et me tordais de douleur. Je ne me décourageais point, je reprenais mon souffle tapis dans l'ombre.
J'avais senti comme une odeur d'asphalte, je jubilai intérieurement, le cauchemar était donc fini. J'avais conservé mes dernières énergies pour crier à l'aide au moment opportun et il était arrivé. Mais à mesure que je criais je sentais ma gorge se resserrait , l'air se rarifiait et devenait de plus en plus sec. Je tombai dans les pommes.
Il m'avait eut.
          Le corps nu sur le sol, mes vêtements étaient éparpillés dans le décor. Pas moyen de bouger, j'étais écartelée; de son dard, il pénétrait ma chair. Sans repos sans répit il  s'attelait à cette tâche. Après m'avoir mise à nue il m'avait revêtu du tissu de la honte et m'avait laissé pour morte...
 
 
 
 

      Seule, le dos courbé, la tête baissée. J'attendais que l'ange de la mort me délivra pour m‘épurer de l'horreur, de l'odeur du sang, l'odeur de la mort. Ça avait duré une bonne minute. 
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