« Battante »
Lèves-toi, c’est ton tour !
Ces mots raisonnent dans ma tête comme un coup de massue. Je ne suis pas prête, J’ai besoin d’un jour de plus, ou de deux, pourquoi pas de toute l’année ?
Je regarde mon adversaire, une lourde d’1m80. Sa réputation la précède. Elle a le regard perçant, les poings joints, les dents serrées. Je ne connais que trop bien cette technique d’intimidation ; il ya encore deux semaines, j’étais maitresse dans cet art.
Mais depuis ce dernier combat, je me suis résolue à ne plus jamais monter sur un tapis, ne plus jamais enfiler un judogi de ma vie. De ce combat de 8min30s, je suis sortie avec six côtes cassées et de multiples fractures ci et là. J’ai bien failli y passer, mais j’ai eu plus de chances que Kelvine, mon adversaire, qui y a laissé sa vie. C’est quand j’ai appris la nouvelle, couchée sur mon lit d’hôpital, que j’ai réalisé que les pires douleurs sont celles de la conscience. Comment expliquer à ce médecin que ses injections et ses comprimés ne peuvent rien contre les plaies de mon âme, causées par ce profond sentiment de culpabilité ?
Je vois mon fils courir vers moi, mon cœur s’illumine. Et soudain je me rappelle que Kelvine aussi avait un fils, du même âge que le mien, mais que celui-ci ne pourra plus jamais courir vers sa maman. Jai un pincement au cœur. C’est la que je prends la décision de ne plus jamais enlever une maman à son enfant. Je ne me battrais plus jamais. Même la médaille d’or que mon entraineur m’a apportée plus tôt dans la journée ne m’a pas fait changer d’avis.
Comment me suis-je retrouvée sur un tapis aujourd’hui, à peine deux semaines après ma décision ? Certains vous diront que pour tout judoka de haut niveau, combattre est comme une drogue dont on ne peut s’en passer. Ils sont bien loin du compte, du moins en ce qui me concerne. Il ya des nouvelles qui vous retournent l’esprit et ne vous donne aucun choix. Où que vous alliez, vous vous sentez pris au piège.
Le fils de Kelvine m’a pris au piège : il est malade, très malade. Sa grand-mère, qui désormais est sa tutrice légale, m’a confié qu’il souffre de leucémie, détectée quand il avait trois ans. Aujourd’hui, ça fait cinq ans qu’Andy se bat contre la maladie, que sa famille dépense tout ce qu’elle a pour espérer qu’il se réveillera le lendemain. Aucune assurance n’était prête en charge un cas comme celui d’Andy. C’est pourquoi quand s’est présentée l’opportunité de greffe de moelle osseuse qui lui aurait permis de mener une vie presque normale, Kelvine n’a pas hésité à faire ce combat, pour gagner l’argent nécessaire pour couvrir les frais médicaux de son fils. Personne ne comprenait pourquoi elle tenait absolument à aligner trois saisons consécutives. C’était mentalement et physiquement insensé. Mais moi, aujourd’hui je le sais. J’ai compris que Kelvine a aimé son fils plus que sa propre vie. Alors avec mes plâtres et mes points de suture, je me battrais moi aussi pour qu’Andy ait cette transplantation.
L’enjeu est énorme, les défis sont grands, et l’adversaire est coriace. Personne n’aurait parié sur un combattant qui tient debout grâce à quelques antidouleurs. Mais les dés sont jetés, l’arbitre a sifflé, il ne reste plus qu’à tout donner. Ma tactique : sachant que je suis assez bonne dans les résistances, je vais l’épuiser pendant les quatre premières minutes et l’attaquer durant le temps additionnel. En théorie, c’est parfait comme plan. Mais la vérité, c’est que mon état de santé me permet à peine d’exploiter 50% de mes capacités. Elle a vite remarqué que mon bras était endommagé, c’est pourquoi elle prend l’appui dessus pour me maintenir au sol. Jai puisé dans mes tripes pour retourner la situation et l’arbitre siffle la fin du combat en ma faveur. Je n’y crois presque pas. C’est sur un brancard que je sors du tapis, et mon médecin de me dire :
« -vous êtes décidés à y laisser votre vie.
-c’est bon Docteur. Vous pouvez à présent terminer votre travail. J’ai fais le mien, Jai soigné ma conscience, chargez vous maintenant de mon corps. »
L’argent de la victoire a été remis à la grand-mère d’Andy comme je l’avais demandé, et quelques semaines plus tard, à ma sortie, je me suis rendue au chevet du petit. Il semblait aller mieux, les pronostics du médecin étaient plein d’espoir. La grand-mère d’Andy ma tenu la main et m’a dit :
« -Merci de l’avoir sauvé.
-Tout le mérite revient à Kelvine, c’est elle qui a donné sa vie pour son fils, elle y a cru quand personne ne pensait cela possible. C’est une vrai battante ».
Lèves-toi, c’est ton tour !
Ces mots raisonnent dans ma tête comme un coup de massue. Je ne suis pas prête, J’ai besoin d’un jour de plus, ou de deux, pourquoi pas de toute l’année ?
Je regarde mon adversaire, une lourde d’1m80. Sa réputation la précède. Elle a le regard perçant, les poings joints, les dents serrées. Je ne connais que trop bien cette technique d’intimidation ; il ya encore deux semaines, j’étais maitresse dans cet art.
Mais depuis ce dernier combat, je me suis résolue à ne plus jamais monter sur un tapis, ne plus jamais enfiler un judogi de ma vie. De ce combat de 8min30s, je suis sortie avec six côtes cassées et de multiples fractures ci et là. J’ai bien failli y passer, mais j’ai eu plus de chances que Kelvine, mon adversaire, qui y a laissé sa vie. C’est quand j’ai appris la nouvelle, couchée sur mon lit d’hôpital, que j’ai réalisé que les pires douleurs sont celles de la conscience. Comment expliquer à ce médecin que ses injections et ses comprimés ne peuvent rien contre les plaies de mon âme, causées par ce profond sentiment de culpabilité ?
Je vois mon fils courir vers moi, mon cœur s’illumine. Et soudain je me rappelle que Kelvine aussi avait un fils, du même âge que le mien, mais que celui-ci ne pourra plus jamais courir vers sa maman. Jai un pincement au cœur. C’est la que je prends la décision de ne plus jamais enlever une maman à son enfant. Je ne me battrais plus jamais. Même la médaille d’or que mon entraineur m’a apportée plus tôt dans la journée ne m’a pas fait changer d’avis.
Comment me suis-je retrouvée sur un tapis aujourd’hui, à peine deux semaines après ma décision ? Certains vous diront que pour tout judoka de haut niveau, combattre est comme une drogue dont on ne peut s’en passer. Ils sont bien loin du compte, du moins en ce qui me concerne. Il ya des nouvelles qui vous retournent l’esprit et ne vous donne aucun choix. Où que vous alliez, vous vous sentez pris au piège.
Le fils de Kelvine m’a pris au piège : il est malade, très malade. Sa grand-mère, qui désormais est sa tutrice légale, m’a confié qu’il souffre de leucémie, détectée quand il avait trois ans. Aujourd’hui, ça fait cinq ans qu’Andy se bat contre la maladie, que sa famille dépense tout ce qu’elle a pour espérer qu’il se réveillera le lendemain. Aucune assurance n’était prête en charge un cas comme celui d’Andy. C’est pourquoi quand s’est présentée l’opportunité de greffe de moelle osseuse qui lui aurait permis de mener une vie presque normale, Kelvine n’a pas hésité à faire ce combat, pour gagner l’argent nécessaire pour couvrir les frais médicaux de son fils. Personne ne comprenait pourquoi elle tenait absolument à aligner trois saisons consécutives. C’était mentalement et physiquement insensé. Mais moi, aujourd’hui je le sais. J’ai compris que Kelvine a aimé son fils plus que sa propre vie. Alors avec mes plâtres et mes points de suture, je me battrais moi aussi pour qu’Andy ait cette transplantation.
L’enjeu est énorme, les défis sont grands, et l’adversaire est coriace. Personne n’aurait parié sur un combattant qui tient debout grâce à quelques antidouleurs. Mais les dés sont jetés, l’arbitre a sifflé, il ne reste plus qu’à tout donner. Ma tactique : sachant que je suis assez bonne dans les résistances, je vais l’épuiser pendant les quatre premières minutes et l’attaquer durant le temps additionnel. En théorie, c’est parfait comme plan. Mais la vérité, c’est que mon état de santé me permet à peine d’exploiter 50% de mes capacités. Elle a vite remarqué que mon bras était endommagé, c’est pourquoi elle prend l’appui dessus pour me maintenir au sol. Jai puisé dans mes tripes pour retourner la situation et l’arbitre siffle la fin du combat en ma faveur. Je n’y crois presque pas. C’est sur un brancard que je sors du tapis, et mon médecin de me dire :
« -vous êtes décidés à y laisser votre vie.
-c’est bon Docteur. Vous pouvez à présent terminer votre travail. J’ai fais le mien, Jai soigné ma conscience, chargez vous maintenant de mon corps. »
L’argent de la victoire a été remis à la grand-mère d’Andy comme je l’avais demandé, et quelques semaines plus tard, à ma sortie, je me suis rendue au chevet du petit. Il semblait aller mieux, les pronostics du médecin étaient plein d’espoir. La grand-mère d’Andy ma tenu la main et m’a dit :
« -Merci de l’avoir sauvé.
-Tout le mérite revient à Kelvine, c’est elle qui a donné sa vie pour son fils, elle y a cru quand personne ne pensait cela possible. C’est une vrai battante ».