Basket: Championnat de France

Une soirée de rêve pour Eybens 38 qui bétonne face à Domène

En contenant l’attaque de Domène, le basket club Eybens 38
consolide sa deuxième place en Pro Â*.

Composition de l’équipe : Fred, Jean, Slawomir, Anne, Sylvie, Isabelle, Ahmed, Jacques, Yves, Jacky, Lionel, Yvan, Georges, Greg. Absent : Phil, notre vedette américaine, rappelée aux U.S.A pour un match en NBA.
En exclusivité pour « l’entre-deux », Jacques Penin, entraîneur et meneur de jeu de cette sympathique équipe, nous commente ce match de rêve dont il fut l’incontestable artisan.

1er quart temps :

D’entrée de jeu, j’envoie mes grands au casse-pipe. Fred et Slawomir, soutenus par Jean, crachent leurs tripes sous les paniers. Sans résultat. Domène, inspiré et agressif, nous pose des problèmes au rebond. Heureusement, Anne et Isabelle, nos gâchettes, nous sauvent de la honte.
Au coup de sifflet le score est de 24 à 8 en faveur de Domène qui prend confiance. Inutile de s’appesantir!

2e quart temps :

Je vire les grands. Yvan et Isabelle en intérieurs, Sylvie et Lionel sur les ailes, Anne mène le jeu. J’ai trois filles sur le terrain. Les mecs de Domène, condescendants, sourient. Ils ont tort. Surpris par le jeu viril des filles, les passes de nos ex-rugbymen et la clairvoyance de notre meneuse, l’adversaire recule. Même si le style n’est pas toujours de facture classique, le résultat est là. Nous prenons 26 points... mais nous en mettons 22. Chapeau bas. Au coup de sifflet, le score est de 50 à 30 en faveur de Domène.
Ce quart temps, passé sur la touche, m’a permis d’analyser la situation. Je donne mes ordres.
En défense, zone virile, mais correcte, on se bat sur chaque ballon.
En attaque, Fred et Jean, vous brassez comme des moulins sous les paniers pour occuper l’adversaire, et vous ressortez le ballon pour des shoots à mi-distance. C’est le seul moyen de desserrer l’étau et nous ouvrir le chemin du panier.
Allez, GO, on s’arrache !


3e quart temps :

Je prends l’aile gauche, Anne l’aile droite, Yves distribue le jeu. J’avais vu juste. Je marque 18 points, mon quota annuel, en 15 minutes. Anne qui n’est pas en reste, en marque 10, Yves 8. Fred et Jean, qui font fait un travail d’usure sous les paniers, ne marquent que deux points chacun. Domène semble K. O. Au terme du 3e quart temps, Eybens 70, Domène 68 ! Nous sortons sous les applaudissements de nos supporters. Jacqueline au chrono, Alain et Marcelle à la table de marque...
Je fais le point. Notre principal problème avec cette équipe, exclusivement masculine et que nous affrontons de longue date, c’est leur taille. Face à eux, nous sommes des nains de jardin ! Leur défense, classique, deux un deux, bouge peu, certes, mais avec un pivot central à plus de 2 m, elle ressemble à un château fort.
Imprenable.
Cette citadelle, sans la tour, suffirait bien à mon bonheur...
J’en glisse deux mots à l’oreille d’Isabelle, notre meneuse, qui se fend la poire. Consignes reçues cinq sur cinq.

Dernier quart temps :

Une première minute passe, on tourne, on s’observe.
Isabelle tente une pénétration en force dans la raquette, et « s’emmêle les pinceaux ». Leur pivot se prend une balle virile dans les parties intimes, et s’écroule en gueulant comme un veau à l’abattoir. « Sincèrement désolées », Isabelle et les filles soutiennent le macho et l’aide à regagner le banc de touche.
À voir le clin d’œil que la femme du mec adresse à Isabelle, j’avais vu juste. Ce soir, relâche !
Quand on peut rendre service...
J’en profite pour demander un temps mort.
« Mesdames, si on gagne ce match, ce sera la première fois dans l’histoire du basket français qu’une équipe mixte remporte un tournoi de pro Â. Non seulement notre commune fera la une des journaux, mais la région grenobloise aussi. Fini de se prostituer sur les calendriers pour s’acheter un jeu de maillots !
Alors, mêmes consignes: on s’arrache ! »
Ahmed et Georges dessous. Jacky et Isabelle sur les ailes. Je distribue le jeu. Jacky, qui se cache derrière moi, marque deux paniers à trois points et sort. Contrat rempli. Anne, qui a la patte, prend la relève. Pour moi, c’est l’état de grâce, je plante plus de 20 points. Le vaisseau domènois, malmené par les vagues Eybinoises, gîte, mais ne coule pas. Le capitaine adverse, diabolique, met le feu a son équipe qui égalise à une minute de la fin. Je commets une faute défensive stupide, et Domène prend l’avantage. 111 à 109. Nous récupérons la balle. Défense individuelle, blocage, passe, blocage. Nous essayons de faire tourner au maximum. Trente secondes, il semble que les jeux soient faits. Anne fait mine de shooter à trois points, et me passe la balle. Je suis presque dans le rond central, et mon ange gardien m’a oublié. C’est à ce moment- là que j’entends hurler. « 10 secondes !»
« Shooooooout !»
Ignorant Bouboule, le pompier de service et ses cent-vingt kilos de muscles qui me fonce droit dessus, je fais un double pas, jetant mes dernières forces dans la bataille. Je ne vois pas où retombe le ballon, car je prends un violent coup en pleine figure. Avant de m’évanouir, fauché en pleine gloire, et le nez explosé, j’entends les hourras de la foule qui m’acclame. Nous avons gagné. Grâce à moi ! Dans le coma où je voyage, je me vois adulé et célèbre. Dans la chambre de mes enfants, un poster de moi en pleine action. Juste au-dessous, en photo, deux de mes élèves aux talents prometteurs. Mickael Jordan et Tony Parker...

Lorsque je reprends connaissance, il fait nuit, je suis à poil sur le carrelage, les fesses gelées et le nez en sang. Il est 5 heures du matin et je suis chez moi. En guise de panier à trois points, je viens de prendre, avec deux pas d’élan, la porte des toilettes en pleine figure !
Á beau rêve, réveil douloureux !

* Prô Â, par dérision. Il s’agit ici, bien entendu, de Basket Vétéran, nos derniers tours de piste...