Bagages supplémentaires

Recommandé

Cette œuvre est
à retrouver dans nos collections

Poèmes
Je n'ai pas besoin de bagage pour la route.
J'aimerais, le pas léger, chaussures au vent, manger les horizons,
Dévorer des frissons, m'user la voix, me l'érailler dans des chansons marines ou me la respirer sur des airs de collines.
Rien dans les poches ou presque... que de roses flamants pour aider au coucher du soleil,
Quelques pistes aux étoiles et des acrobaties,
Des poètes de rues, faiseurs de prophéties, des tempêtes et la mer.
Un peu de l'amertume des faïences brisées, les vers de cyrano, et peut-être un faux nez.
Un pot de confiture pas encore entamé, un ours apprivoisé que j'ensauvagerai, que j'encouragerai à chasser le ministre.
J'emporterai un arbre pour y asseoir quelques oiseaux, pour y tailler les flèches de ce vieux Cupidon, je viserai pour lui, il tire comme un dindon,
Une arche de Noé à échouer plus loin, des pierres à semer et pour manger, du pain.
Je prendrai par la main mes amis les plus chers, pour faire la file, l'indien, l'imbécile ou l'artiste.
Une place de village, une église, un curé au cas où il y aurait mariage à célébrer.
Et puis de la musique, plein ma tête et mes dents. Des tuyaux et des trous pour mieux souffler dedans.
Du tabac interdit, des livres érotiques. Ah ! Il me faudra aussi des manies et des tics.
Je prendrais bien encore quelques laides grimaces, quelques grotesques farces, et deux piécettes de Shakespeare ou d'ailleurs.
Un port pour revenir, un autre pour aller.
Une fleur, un soupir, deux grains de liberté.
J'emporte le plaisir, tu verras c'est si bon.
J'emporte un téléphone pour ne pas décrocher, j'emporte un parapluie juste pour l'oublier,
Une terrasse l'été et la même en décembre, j'emporte un jour de l'an juste avant la minuit.
Il me faut Amsterdam, pour le mettre à Paris, je te laisse Venise, je trouve qu'on s'y ennuie,
Mais je garde le chat et je garde la pluie, pas toute et pas partout, mais à Ostende, oui.
Une chanson de Brel, je dois encore choisir, une autre de Ferré, celle qui parle des chiens.
J'emporte ma colère et mes emportements, la grosse voix de mon père, quelques envoûtements, des ruines d'abbayes, juste pour le plaisir, une paire de ski pour me méfier des chutes, une paire de gants pour éloigner les brutes.
J'emporte nos enfants pour les semer partout, ils seront bons apôtres et s'ils s'éloignent trop, nous en ferons des autres.
Et je t'emporte toi, ce serait ridicule de parcourir ainsi tout le fini du monde qui, sans ta main sur moi, deviendrait minuscule.

© Short Édition - Toute reproduction interdite sans autorisation

Recommandé