Avant que le monde ne t’arrache à mes bras

Ça a duré une bonne minute. Une vraie minute. Une éternité. Aujourd'hui, quand j'y repense, j'ai le cœur qui se resserre. Mais lorsque je pose mon regard sur toi, ton visage si doux, anesthésie ma colère. Alors, avant que le monde ne t'arrache à mes bras, je veux te conter mon histoire. Me condamner, si tu le veux tu le pourras. Mais avant, écoute, car voici comme tout a commencé. 
 
Tout commence ce jour où, le grand patron, et je ne sait pourquoi on l'avait ainsi surnommé, homme blanc de courte taille, robuste, fortement velu et chauve, le nez noyé dans une moustache epaisse, me désigne comme celle-là qui, parmi ses servantes, irait accueillir son fils au quai. Ce dernier était allé à l'étranger quelques années plus tôt pour y suivre une formation en médecine moderne. Rendu au quai, accompagnée du coché avec une bonne heure d'avance, nous attendîmes inlassablement son arrivée.
Entre temps, l'idée que je m'étais faite du petit patron selon les descriptions des anciennes servantes, obnubilait mon esprit. C'était un jeune garçon adorable, poli et courtois. Mais à l'instant où le coché me le montra, je vis que le petit garçon était devenu un bien bel homme. Dans une démarche posée, bougeant délicatement ses larges épaules. Il nous rejoignit après que le coché lui fit signe de la main. Il était élancé, une corpulence moyennement fine. À l'aide du coché, nous mîmes ses valises dans le carrosse. Puis, je m'installai à l'arrière avec lui. C'est alors que nous pûmes quitter le quai.
En chemin, je voyais bien qu'il avait du mal à reconnaître ces lieux qu'il avait arpenté autrefois. Discrètement, je le regardais. Il était tout le contraire du grand patron. Lui avait encore la totalité de sa chevelure qui était d'un noir ciré, bouclée de part et d'autre. Sa peau blanche état moins velu. Soudain, il me regarda. Je pu voir ses grands yeux verts et son nez pointu. Ses lèvres fines mais bien distinctes précédaient un menton arrondi. Il me sourit, et des fossettes creusèrent ses joues.
-          Comment t'appelles-tu? Me posa-t-il poliment, comme pour m'inviter à la causerie. Je marmoai en baissant mon visage, le front touchant presque mes genoux.
-          J'ai pas bien suivi.
Je reformulai, et avec peine il put capter
-          Mary ?
J'affirmai d'un geste de la tête. Tout en répliquant
-          Oui monsieur.
-          C'est un bien joli nom.
Je tenais ce nom de mon ancienne patronne. Mais je n'avais oublié mon véritable nom. Et aucun de nous d'ailleurs, bien qu'ils voulaient nous prendre toute notre identité. Alors grande fut ma surprise, lorsqu'il me posa sa seconde question :
-         Est-ce ton vrai nom ?
Ainsi il le savai que son peuple nous traitait ainsi. Était-ce une ruse? Souvent, si vous répétiez votre véritable nom, on était fouetté. Alors par prudence je réitérai feermement ma réponse.
Arrivé à la maison, c'est un accueil chaleureux qui lui fut reservé de la part de ses parents et des convives invités pour la circonstance.
-          Bienvenue à toi mon fils, Luc.
-          Merci père
-          Oh Luc, mon fils, tu m'as tant manqué, dit sa mère. Il se courba pour entrer dans les bras de sa mère. La fête s'acheva tard dans la nuit. 
 
Quelques mois plus tard, le petit patron ouvrit sa clinique moderne en ville, où, dès le début, grâce à sa maîtrise en la matière et la renommée de sa famille, il connut du succès. Sa clientèle était les bourgeois de la  région. Cependant, il apportait aussi des soins dans les orphelinats et aux personnes de couleur.
j'admirais sa philanthropie désintéressée, et si les mois qui suivirent nous fîmes à nouveau nous rapprocher, c'est parce que j'eu le paludisme. Un mot si difficile à prononcer que le mot mort était une beauté à côté de lui.
-          Donc je vais mourir ? Lui posais-je le regard plein de désespoir lorsqu'il me l'annonça.
-          Non. Souri-t-il avant de reprendre, tu ne vas pas mourir.
J'allai donc vivre. Je ne sû si c'était une bonne ou une mauvaise nouvelle. Car, dans cet endroit infernal, seule la mort ou un transfert vous libérait. Personne n'avait jamais été affranchi par ici. nous étions en cage, observant nos vies nous passer sous le nez.
Née loin de ma terre, privée de ma mère qui n'avait pas eu la chance d'avoir un Luc pour la soigner,
sa faisait un an que j'étais arrivée ici. Mon ancien patron avait une dette envers le grand patron. Ainsi, lors d'une visite chez son ami, il me vit et me voulu. C'était un de leur jeu favori, nous traiter comme monnaie d'échange. Votre avis n'était point demandé.
 
Mais Luc semblait different. Il était si attentionné envers moi que je me demandais pourquoi tous n'étaient pas ainsi. Aussi, il n'arrêta pas de côtoyer le dortoir des domestiques. Et quand il y venait, il ne manquait jamais de me chercher, ce même lorsque j'étais déjà guérie. Il captivait mon attention, faisant naître en moi cette sensation qui me tenait les entrailles et la poitrine. J'avais peur d'être ce que j'étais déjà de lui. Alors, j'acceptais presque tous ses rendez-vous, jusqu'à ce fameux soir-là. 
Le ciel était sombre et l'air humide car à nouveau il menaçait de pleuvoir. Après avoir traverser la plantation, je tombai nez à nez avec notre lieu de rendez-vous habituel. J'aperçue de la lumière à l'intérieure. Je m'avançai à petits pas. j'ouvri la porte tout doucement. J'entrai, mais ne vit personne. Soudain, la porte s'ouvrit et se referma derrière moi. Je me retournai et vit que c'était lui.
 
Il portait un t-shirt qui dessinait son corps effilée. Son torse mouillé sa poitrine d'homme. Nous nous tenions du regard. Il me captivait comme jamais. Mon cœur battait plus vite, plus fort. Il fit le pas qui nous séparait. Fit tomber mon écharpe, ce qui révéla mon visage terrorisé de bonheur. Son etreinte me fit frémir.  Puis, comme s'il l'avait lu, je le vis prendre mes lèvres toutes tremblantes dans les siennes. Je ne pu bouger, clouée sur place par mes pulsions. J'oubliai tous les discours de mes mères. J'oubliai le sort que me réservait, un tel acte, m'offrant sans contrainte à lui.
Il m'avait promis de voir ses parents pour leur dire qu'il me prendrait pour fiancée. La discussion fut houleuse : 
-          Non, je ne l'accepte pas. Tu n'épouseras pas cette - stoppa t-il  net, comme si ce mot allait le souiller. Mais vu que la situation était critique, il lâcha le fameux mot - négresse. Si tu t'obstine c'est ton avenir que tu mets en péril ainsi que tous les sacrifices que nous avons fait pour toi. Tu perdras ta renommée, tes clients bourgeois, les dons et subventions et meme ta clinique. Vos enfants seront malheureux car rejetés par les autres du faite que leur mère est une nègre. Et pour finir tu oublieras que nous sommes tes parents.
 
Si je l'aimais vraiment je me devais de renoncer à lui pour lui éviter tant de malheur. Me condamneras-tu pour cela? La nuit tombée, accompagnés de gardes, ses parents firent éruption dans notre chambre. Cinq minutes plus tard j'étais expulsée de la maison sous une pluie d'injures.
 
Dans la foulé, Anne m'avait donné l'adresse d'une de ses parentes. Elle habitait après le marché. Ici, le décor était moins pittoresque. Les maisons étaient adossées les unes sur les autres et se tiraient la toiture telle une couverture. Je toquai et lui fit savoir que je venais de la part d'Anne. Elle m'ouvrit. Inquiète, elle voulu savoir si Anne avait des soucis. Mais après lui avoir raconter toute l'histoire elle me prit dans ses bras, me consola.
 
Que puis-je te dire, que puis-je te léguer ? Avant que le monde ne t'arrache à mes bras. La vie n'est pas un conte de fée, j'ai découvert que l'amour peut blesser parfois. Apprends de tes erreurs, en amour on ne regarde avec les yeux mais le cœur. La vie te blessera, des larmes tu verseras, mais le temps te guérira. Ça durera une bonne minute, une vraie minute, une éternité, mais tout passe, et ta vie ne fait que commencer.
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