Toute histoire commence un jour, quelque part !
Il fut dans les temps anciens aux abords d’un pré où se prolongeait la route de la soie, un village. Celui – ci ne semblait guère différent des autres, les mêmes cases en banco, les mêmes plantations arboricoles et fruitières ainsi qu’une population démesurément jeune. Dans ce village – ci régnait une telle harmonie ! Chaque matin dès le crépuscule grisâtre, tous se hâtaient vers leurs occupations. Mais je me pencherai sur les travaux champêtres, sur les hommes, coupe coupe à la main, houes à l’épaule, c’est un défilé serré et entremêlé qui faisait quelques fois claquer les outils en un fredonnement paisible produisant une mélodie aigue.
Quand soudain cette discorde musicale cessait, oh ! ces hommes le front luisant, les paupières pochées, à cause du réveil matinal, les bras musclés et sans pilosité faciale se révélaient au grand jour. C’était de vrais gaillards, de vrais. Les parcelles à travailler étaient vastes. Mais fort heureusement le chant des épis provoqué par un vent ascendant faisait l’effet d’un remède contre la fatigue. Alors s’écria un des hommes : allons – y tout est à faire !
Il se trouva que c’était le doyen de ce groupe âgé de vingt-sept ans, fils de cordonnier et de commerçante. Il sortit du rassemblement et se mit à récolter. Tous le suivirent dans ses mouvements gauches et peu fluides. Des champs, il y en avait à perte de vue. Qu’ils soient de malte, de houblon, de maïs, de blé, de mil ou de sorgho, ils possédaient tous une couleur jaunâtre signe de leur maturité.
Ils récoltèrent, récoltèrent tant qu’ils ne virent pas le temps s’égrener. Le soleil était déjà au septentrion. On entendit soudainement un sifflement rapide et bref. Tout le monde, aussitôt cessa brusquement son travail, respirant difficilement, les aisselles ruisselantes de sueur, le torse suintant. Nos hommes s’assirent avec hâte, vite rafraîchis par un vent, un air froid et délicat malgré un soleil au zénith.
Tout près de là, coulait un ruisseau enveloppé par un terrain abrupte et escarpé. Ils marchèrent alors droit vers cette source, ils l’approchèrent pas à pas sur la pointe des pieds. Cette source ! oh ! cette source ! qu’elle était limpide et d’un transparent imparable. Au goût, elle était suave, semblable à une source de jouvence. Tous se précipitèrent sur cette merveille naturelle, soit en la lapant soit en la puisant de la main. Nos jeunes gens furent bien heureux de cette offre. Mais le travail devait bien recommencer tôt ou tard. Le visage roide voulant encore un peu de repos sans jamais renier la tâche inaccomplie, ils reprirent la besogne après quelques moments de relaxation. En tout cas, aucun ne disait mot.
Les travailleurs retournèrent donc à leur corvée. Chacun dans son mouvement peu esthétique, levait l’outil le projetait dans les airs et le redescendait plus vite que d’habitude. Peut-être avaient ils redoubler d’efforts !
Le soleil d’un cramoisi jaunâtre se couchait sous un vol d’aigrettes se dirigeant peut-être vers la fameuse colline du sel noir ou vers la lagune côtoyant la chaîne de vallons derrière le fleuve Kāmoki. Et enfin ! et enfin ! s’écria de nouveau le doyen car celui-ci tenait la dernière parcelle. Alors commença les rires, les sourires, tout en sachant qu’il faudra encore transporter les céréales récoltées.
Pendant tout ce temps au village, vers la cinquième heure, au marché de Direba juste à côté de la place publique, le brouhaha s’amplifiait car la ville bougeait. Revenons au marché ! les étalages étaient fourrés de plusieurs articles, on pouvait trouver toute de sorte de choses absurdes comme des choses bien utiles. Ainsi étaient ces étalages-là, à perte de vue. Pourtant, la ville n’était pas en fête. Le marché regorgeait aussi de magasins de prêt-à-porter bons chics bons gens dans le sens ancien. Mais le trésor caché de ce lieu était la place aux épices au cœur du lieu de vente. On y trouvait toutes les épices. De la forte odeur du curcumin en passant par la cannelle et le poivre. Quelle odeur était-ce exactement ! C’était comme le quartier général des touristes surtout ceux venus d’Arabie. L’odeur des épices leur était si familier, si proche.
Ainsi finit ma visite dans ce pays aussi agréable que magnifique et dont les hommes et les femmes étaient faits pour la besogne.