Autre que moi n'existe pas

Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés? Peut-être les deux. Lumière avant obscurité est un choc et l'inverse est une évaluation. Pourtant les deux vont de pair, pas de journée sans soirée. Sauf que dans mon cas, je suis plongé dans un noir total, dans une obscurité fatale. Je suis ici, là-bas je vis, c'est vrai que c'est général mais peut-il paraître comme cela à quelqu'un qui a mené toute sa vie de façon particulière ? Peut-on ressortir du général dans du particulier ? Seul, je vis honnêtement, entouré je mens. Oui oui, je mens pour panser des plaies, je mens pour apaiser des peines, je mens pour dissiper des haines, je mens pour illuminer des coeurs, je mens pour sécher des larmes..En gros, je me mens, je mens à tout le monde et ce, tout le temps. Est-ce général ? Je ne sais pas, tout ce que je sais est que je suis particulier. Tôt le matin je me lève, tard dans la nuit je ne peux dormir car tout le monde se rabat sur moi alors que je ne peux me rabattre sur personne. Dans mon enfance, j'ai vécu les pires sarcasmes, d'un petit qui me dévisageait à un gaillard qui me bottait les fesses, d'un inconnu qui se moquait à une connaissance qui trahissait. J'en ai vu hein, je vois de couleurs sombres alors que je vis dans l'ombre. Mes idées pavillonnent, mes repères se perdent, ma vision s'aménuise et mes pensées errent. Je sais que je dois être là pour mes proches, je suis là mais savent-ils qu'ils devraient en faire autant mais qu'ils ne font absolument rien? Mon monde à moi est privé de couleurs, pas de lumières, que de laideur et de chieurs. Je comprendrais le lecteur s'il pense que je dis de trop, que ce ne sont que des enflons. Mais je vis de galère ou devrais-je dire que je suis la galère car je la vis tous les jours, toujours. Je ris pour ne pas pleurer, je ne pleure pas, je ne pleurerai plus. Pleurer? Non! Chaque larme qui coule est une énergie de moins, un désespoir de plus, un signe de renonciation, un manque à gagner, un gain manqué, une opportunité ratée, un ennemi soulagé, une défaite assurée, une faiblesse démontrée et un temps précieux gaspillé. Je ne me confierai pas car chaque mot lâché est une vulnérabilité exposée, une douleur renforcée et une avancée diluée. Je suis comme je suis, je vis de ce que j'ai et ferme les yeux sur ce que je n'ai pas. Car ce que vous ne savez pas, c'est que tel un orphelin j'ai grandi, très tôt je me suis battu loin du regard compatissant d'un père et des caresses et baisers d'une mère mais près des vicissitudes, de la lassitude et de la douleur. J'ai ouvert les yeux dans l'honneur, ils ont mûri dans le bonheur mais aujourd'hui ils nagent dans de plaintes sévères et la myopie ne fait rien pour que ça s'améliore. Je les ai fermés face à tellement d'horreurs qu'ils sont habitués à patauger dans le noir. Je vis, je vois, je réagis et j'agis. Voilà pourquoi je suis ce que je suis. Un jeune plein de rêve dans un monde disloqué, un homme plein d'humour dans un environnement inadapté, un fervent défenseur des démunis alors que d'aucune arme il n'est muni, un juste dans une société injuste. Peut-être que je me trompe, peut-être qu'il n'y a pas pire que moi mais j'ai envie de sortir de ce noir dans le quel on m'a plongé tout en étant dans ce qu'on ne veut pas que je sois.
Alors, comment ?