Aube nouvelle

Maître ? Vous plaisantez ? Vous pouvez me cogner, comme l'ont fait tous les autres, mais je ne vous appellerai pas maître.
Ce jour-là le soleil renaissait au loin derrière les montagnes et était de plus en plus perceptible. La Lune quant à elle avait déjà rendu l'âme ; avec elle étaient incinérées les émotions d'une paisible nuit ou d'une nuit suppliciée. Elle laissait derrière elle des dunes de difficultés à affronter. Néanmoins le vent qui venait de la rivière serpentait à chaque coup d'horloge la forêt vêtue d'un vert éblouissant, pour s'écraser dans le village en finissant sa course dans les cases démunies de joies.Comme par enchantement ce vent doux se confrontait à la peau délogée de jeunesse des plus âgés dont les rides et les cicatrices témoignaient du poids de l'âge tant de l'oppression acculée. La monture frêle de leur yeux essayait de s'exprimer car ils étaient repus de l'hégémonie. Chez les autres il tentait d'echancrer les esprits pour en calmer l'angoisse. Les enfants insouciants se mouvaient au gré de leurs instincts. C'était le crépuscule d'une accalmie qui ne durait que le battement d'un cil et l'avènement d'un jour nouveau maculé par les décisions du maître.
Je musardais dans notre case en terre battue faite d'argile et coiffée par une charpente en bois de teck accouplé aux feuilles mortes de roseaux tressées entre elles. Toutes les cases étaient ouvragées du même bois. Mère pilait du maïs pour le repas de midi pendant que père derrière la case itérait son rituel sacré devant son fétiche pour consulter l'oracle, le Fâ. Dans la cours du village , sous le géant baobab, les sages discutaient tout en chérissant la collation. Ils mangeaient du petit cola et se servaient à tour de rôle un verre d'alcool fermenté. C'est à ce moment qu'ils vinrent. Quatre voitures sorties de nulle part se pointaient à l'horizon et fonçaient sur le village telles une tornade tout en déchaînant une avalanche de poussière. Elles avalaient très vite les dizaines de kilomètres qui nous séparaient pour se retrouver dans le village. Le relief accidenté du village faisait hoqueter les amortisseurs de leurs engins. Ceux qui étaient encore aux alentours se hâtaient de se regrouper très vite près du neem non loin de la place publique. Les moteurs vrombissaient toujours et la portière de la voiture en aval s'ouvrit. Soudain les moteurs arrêtèrent de tourner comme par incidence. Notre hôte faisait 1m80 yeux bruns allure athlétique miné serrée et cheveux lisses et bouclés. Il était peint dans des vêtements de luxe à l'italienne avec son chapeau de cow-boy. Ce n'était pas une histoire de devinettes le maître est de retour. Il est charpenté d'une éducation modélisée dans l'opulence l'outrecuidance et l'infatuation. Ses camarades aussi descendirent de leurs véhicules sans tarder. Le chef de la meute nous voyant se graillonna puis aspergea le sol de son mucus ; un langage pour nous montrer notre infériorité. Ô bon Dieu que c'était infâme.
«Bonjour cher nègre! dit-il d'un ton bêcheur tout en allumant sa cigarette.Où se trouve le chef du village ?»
Le vieil homme avança timidement et s'ôta de l'auditoire. Il se jeta à ses pieds.
«Me voici patron ,repondit-il .
-J'imagine que comme convenu les travaux vont à bon train dans les mines et carrières!
-Oui ; acquiesça le vieil homme.
-Je suis revenu chercher 6 autres jeunes hommes et cette fois je les choisirai moi même et au passage une jeune fille ne me fera aucun mal!tempêtait-il en se servant de l'épaule du veille homme comme un cendrier.
-D'accord patron fit-il tout sot»
Une crainte effroyable toquait à l'esprit de tous. Il s'avança et dégagea très rapidement 5 jeunes hommes. Ses camarades armés jusqu'aux dents nous tenaient en respect. Les couches de certains enfants et mêmes de certaines mères étaient assaillies d'urine tellement horrifiés. Subitement il m'indexa et me demanda de rejoindre les autres. D'un regard vif et habille je jetai pour une dernière fois un petit regard d'amour à ma mère et je ne vis que du désespoir et un cœur meurtri. Mon père qui n'était pas prêt à une telle séparation s'arma de son courage et se démarqua du lot pour me retenir. Il n'aurait pas dû. Avant qu'il n'ait entendu même le bruit du fusil la balle avait été déjà livré à bon port. Elle avait trouvé refuge dans son cœur.
Je sentis un froid rugir en moi comme une lionne en pleine parange pourtant c'était moi l'orphelin. Je m'érige en barrage entre les villageois et nos oppresseurs. Ma réaction ne passe pas inaperçue. Des plus âgés au plus jeunes très vite une muraille déterminée et en colère s'édifie protégeant les femmes et les enfants. Oui nous le savions le prix à payer serait au delà de l'entendement.
«Je vous donne une dernière chance de retourner dans les rangs et de reconnaître votre place de classe ouvrière toqua-t'il mais aucune réaction
-Tuez tous ceux qui ne se plierons pas à notre volonté et les autres se rangeront reprit-il et ramenez-moi le jeune homme. C'est la cause de l'émeute il servira de leçon.»
L'abominable cirque va finissant je le sens. Ils arrosaient de balles toutes vies sur leur passage, toute personne qui empêchait de me poser la main dessus. Ils s'étaient tous tenus par les mains et le chef du village était le premier à succomber. Lorsqu'ils me mirent la main dessus et me conduisirent au patron il me demanda d'accepter qu'il est le maître et il épargnerait les survivants.
Je pousse un soupir et je me prépare à faire le discours de ma vie . Mes cils se rabattent puis s'ouvrent.
«Maître ? Vous plaisantez ?Dis je ?
Vous avez volé et pillé nos terres, nos biens .Vous avez impunément souillé les terres sacrées de nos ancêtres.Vous voulez maintenant corrompre notre éthique et notre moral ;vous avez excavé nos parents de leur force parce qu'ils étaient vaillants et résistants. Vous les avez soumis et assujettis à l'esclavage pour construire votre richesse mais qu'avez vous fait de la nôtre. Non seulement vous nous avez rendu pauvre et impuissant, vous nous avez ôté la possibilité de nous reconstruire sans être redevable. Aujourd'hui je dis non. L'avènement des maîtres finit aujourd'hui. Aujourd'hui je me lève au nom de ma civilisation et de sa progéniture toutes les victimes que votre règne égoïste nous fait pleurer nous ont finalement permis de les ériger en héros donc nous ne décevrons pas leurs sacrifices. Nos populations sont affamées. Beaucoup d'enfants malnutris et des personnes âgées atteintes de maladies dues aux carences alimentaires.Vous réduisez nos mères à l'esclavage sexuel. Vous réduisez le fruit de leurs entrailles à l'esclavage comme de vulgaires animaux. Aujourd'hui nous ne paierons plus le prix de nos vies. Il n'y aura plus de vie sacrifiée pour un maître. Vous abusez juste d'une autorité qui n'est pas la vôtre. Vous obligez les hommes à travailler dans vos mines au prix de leur vie mais dites moi pour combien? Aidez-vous pour les maladies dues à l'exploitation minière ? Par moi aujourd'hui toute l'Afrique déclare la guerre au soi-disant maître à l'oppresseur qu'il soit de l'Occident de l'Orient ou même un propre fils né de l'entraille de la terre mère. L'Afrique ne se pliera plus. Nous crierons pour nous fait entendre et si carence était nous nous battrons vaillamment jusqu'à l'aube de notre libération : la nouvelle aurore.»
Il éclate en sanglots à croire que j'ai dit une phrase hilarante.
« Pendez le ordonna-t'il d'une voix vive»
Oui j'étais suspendu grâce à une corde à un arbre et un escabeau me servait de potence.
«Dernière chance, espèce de sauvage ; supplies ton maître et il t'épargnera fit-il !»
Un orage se préparait. C'était pour moi l'œuvre du Dieu hêvièsso qui était en colère. Un coup de tonnerre s'imposa dans cet atroce coup du destin. Je levai les yeux vers le ciel et je repris :
Avant même que je ne finisse ma phrase ma potence avait disparu. Je me débattais en pensant à toute mon existence qui finit là.
Pluie ; me dis-je ! Que ta douce fraîcheur soit désormais le pont vers une nation libre.