Au temps du Covid

Rolande Rey

Image de Portez haut les couleurs ! - 2021
Image de Très très courts
Lors des TEMPS heureux, avant le COVID,
il y a longTEMPS

je n’avais pas le TEMPS
tu voulais avoir du TEMPS
elle courait après le TEMPS
il (s’) accordait un peu de TEMPS (de TEMPS en TEMPS)
on ne pouvait perdre de TEMPS

j’aurais aimé avoir plus de TEMPS
tu peinais à t’accorder du TEMPS
elle essayait de gagner du TEMPS
il espérait de ne pas passer son TEMPS
on se retrouvait avide de TEMPS

je demandais à prendre le TEMPS
tu ne pouvais donner du TEMPS au TEMPS
elle suppliait « ô TEMPS suspends ton vol »
il donnait son argent pour du TEMPS
car on était avare de TEMPS 

l’enfant disait : — tu n’as pas le TEMPS
ou tu n’as plus le TEMPS
qu’as-tu fait de tout ce TEMPS ?
Le poète chantait : « je n’ai plus le Temps, plus le TEMPS »
Chacun avait le désir d’avoir plus de TEMPS

Maintenant, depuis un an, avec le COVID,
voici la nouvelle dimension du TEMPS,
j’ ai le TEMPS
tu as bien le TEMPS
elle a trop de TEMPS
il a tout son TEMPS
on hait ce long TEMPS

je m’ennuie dans ce TEMPS
tu dis que trop de TEMPS tue le TEMPS
elle ne sait que faire de ce TEMPS
il fulmine contre cette nullité du TEMPS
on regrette vivement le bon TEMPS

Le TEMPS ne compte plus dans cet infini terrestre
Le TEMPS n’a plus de finalité, plus d’activité
Le TEMPS est insaisissable et indicible
Le TEMPS est trop vide de sorties, de voyages aimés
Le TEMPS sans sa culture est insipide et inaudible
J’écris ce poème à TEMPS perdu car j’ai plus de TEMPS.
À plus tard, en d’autres TEMPS.
Le TEMPS c’est de l’argent dit-on. Mais l’argent peut-il acheter du TEMPS ?