—Quoi ? Tu as perdu la raison. Hurla son père.
—Comment pourrais-tu t’entraîner sans bâcler ton travail ? Renchérit, Lydia sa belle-mère qui ressemblait en tous points à celle de Cendrillon. Chaque jour, des « TO DO LIST». Or ce qui la faisait vibrer c’était de chevaucher Atlante, héritage de sa défunte mère. Banni des « élus » du haras de son père, depuis que rétif à l’obstacle, d’une ruade arrière il avait propulsé sa regrettée épouse de vie à trépas, lors du mythique Derby de La Baule.
—Et où trouveras tu les finances pour tes frais d’inscriptions, les licences ? Ajouta son père.
—Je travaillerai chaque week- end au bar de l’Ecume. Ginette, est d’accord pour m’embaucher en cuisine, pour les galettes saucisses et crêpes. J’ai la billig de maman, pas besoin de m’acheter du matériel.
—Et qui nous préparera les repas le week-end ? Asséna Lydia.
—Je m’arrangerai de tout vous préparer le matin avant de partir, il vous suffira de le réchauffer.
—Du réchauffé, il n’en est pas question. Objecta son père. N’insiste pas c’est non ! Ce cheval est un assassin. Il a échappé à la boucherie, puisqu’il te tenait à cœur. De plus, tu n’as aucune prédisposition pour être une cavalière émérite. Tu es loin d’avoir le talent de feu ta mère.
Les mots résonnaient encore lorsque Tina, s’enferma dans sa chambre, et qu’elle inonda son oreiller.
Le visage trempé, le corps secoué de sanglots, Tina sentait la hargne monter elle. Lentement, cette rage de vaincre, s’imposa comme une certitude. Retrouvant courage, elle traça sur papier la stratégie de son plan d’action. En en-tête elle inscrivit : Jour J – 90. Son staff : Antoine le vétérinaire et Marco le palefrenier andalou assureraient l’alimentation d’Atlante et son entraînement comme son suivi santé. L’entraînement pour elle comme pour Atlante. Elle consignerait chaque jour les kilomètres chevauchés, courus pour elle ; les objectifs de sauts d’obstacles progressifs selon un décompte des jours jusqu’au célébrissime concours. La liste des démarches officielles et leur coût. Le budget s’allongeait, devenant à lui seul un obstacle de plus à franchir. L’approvisionnement en crêpes et galettes du bar de l’Ecume serait maigre gain. Enfin sur le calendrier des pompiers, elle nota les deadlines en rouge. Ainsi revigorée, elle repartit à ses tâches, les fameuses injonctions de sa marâtre. Chaque coup de chiffon, lui paraissait insignifiant en regard de l’enthousiasme qui la gagnait.
Dès que père et belle-mère s’absentaient, dormaient, Tina s’évertuait à suivre le programme d’entraînement draconien qu’elle s’était imposé.
—La p’tiote est épuisée Antoine. Tu ne peux pas intervenir auprès du patron ? Interrogea Marco, tandis qu’il prenait un café avec le vétérinaire. L’andalou se désolait de voir chaque jour Tina suer sang et eau pour faire face aux brimades de la belle-mère, et non amour de son père. Rognant sur son sommeil pour travailler son cheval bien avant l’aube.
—Je sais Marco. Elle m’impressionne par son courage et sa persévérance.
Soudain une forte odeur liée à un feu proche vint se mêlait à celle du café. Ils virent la fumée au dessus des box.
Tandis qu’elle nettoyait les assises du salon de jardin, Tina sentit un frisson la parcourir. Atlante était en danger, elle le sentait. Envoyant valdinguer brosse, éponge, seau, elle courut à perdre haleine.
Voyant son staff s’affairer avec les extincteurs, sans hésitation, elle franchit les flammes, ignorant les objections d’Antoine. Attrapa les couvertures de l’animal qui s’agitait de plus en plus. La cavalière enveloppa le cheval et l’aspergea avec l’eau de l’abreuvoir. Tira de toutes ses forces pour le sortir du box qui deviendrait sous peu leur tombeau. L’animal résistait. La longe de cuir lui cisela les doigts, la douleur ne l’atteignit pas. Des flammèches tentèrent de se loger dans sa chevelure ou dans la queue d’Atlante. Elle s’agita dans tous les sens veillant à le préserver au détriment de sa propre sécurité. Antoine et Marco lui vinrent au secours avec la lance à eau utilisée pour nettoyer les box. Tina eut juste le temps de passer la longe à Antoine, avant de s’écrouler à bout de force.
Antoine apaisa Atlante qui avait une méchante brûlure sur une jambe arrière.
Tina avait les mains salement abîmées, son épaule droite apparaissait là où le tissu avait brûlé, dévoilant une peau à vif. Son oreille droite témoignait des assauts des flammes.
—Atlante...
—Antoine s’en occupe, tout va bien. Lui annonça Marco.
Suspicieux Antoine demanda une enquête sur les causes de cet incendie. En effet différents incidents visant à porter préjudice à Atlante, lui firent penser à un acte malveillant.
Dès sa sortie de l’hôpital, Tina se rua aux écuries. Observant la plaie qui cicatrisait, elle interrogea Antoine.
—Le Derby est il encore envisageable ?
—Bien sûr, tu as encore 45 jours avant la compétition. En revanche, la sélection pour l’inscription est dans 4 jours. Pourras-tu remonter en selle avec tes blessures?
—Avec quelques antalgiques puissants, j’y parviendrai ! Mais la blessure d’Atlante ?
—Nous ferons au mieux.
***
—Deux semaines que tu te prélasses dans un lit d’hôpital, pendant que je trime ! Tu as du pain sur la planche. Et pour l’amour de Dieu, cesse donc de courir toutes les heures voir ce maudit canasson. L’invectiva Lydia.
Tina, retroussa ses manches et entreprit de remettre de l’ordre.
Chaque nuit, elle dormait à même la paille à côté de son cheval. Ensemble ils tissèrent ces liens indéfectibles entre un cavalier et sa monture.
**
—Tina, n’entends tu pas qu’on sonne ? L’interpella Lydia.
Un capitaine de police, et son adjoint se tenaient sur le perron.
Après avoir expliqué que des indices confirmaient la thèse d‘un incendie criminel, ils s’enquirent d’un dénommé Arturo PZINIAC, un de leur lads.
A l’évocation de ce patronyme, ils ne purent ignorer le trouble de Lydia.
Interrogé, le bougre se mit vite à jacter, affirmant avoir reçu un joli pactole de Lydia pour éliminer Atlante. Confondue, Lydia épuisée par 48h de pression, avoua sa haine à l’égard de Tina. Une victoire au Derby lui ouvrirait, la gloire et l’argent. « Qui fera l’entretien du manoir, le repassage et la cuisine?» avait- elle froidement déclaré aux hommes de loi.
Révulsé, confus de ces révélations, le père de Tina, penaud, englué dans une culpabilité croissante ne sut comment exprimer son désarroi à sa fille unique.
Antoine lui souffla de s’acquitter du solde des frais du Derby.
Libérée des contingences ménagères, Tina redoubla d’efforts pour s’entraîner. Ses mains manquaient encore un peu de souplesse pour tenir les rennes, cependant Atlante attentif s’exécutait avec légèreté et fluidité.
**
Jour J. Les concurrents se succédaient quand :
— Accueillons le retour sur la pelouse d’Atlante, monté par Tina Mallory.
Tina murmura :
—C’est notre moment.
Le silence s’était fait sur le parcours, Tina commença doucement, sachant que pour le barème A (le chrono), les juges déclencheraient le timing qu’après le 7ème obstacle. Elle accéléra la cadence tout en douceur, guidant Atlante autant à la voix qu’avec ses genoux. Le commentateur en apnée, éblouit par la grâce de Tina, dont tous admirèrent la façon de monter, se tut. Son père, ému aux larmes, retrouva en sa fille, la cavalière talentueuse que fut sa chère Isy. Comment avait-il pu ainsi dénigrer sa fille ? Il frémit, la rivière, c’était là que sa tendre veuve avait péri. Atlante était dans l’axe, le galop régulier, il vit la poussée sur les jambes arrière et le cheval s’élança au-dessus de l’obstacle qu’il franchit sans encombre.
—C’est un sans faute ! Beugla l’animateur dans son micro. Voilà qui place Atlante ex-æquo avec Surcouf. Le chrono les départagera.
—45 secondes d’écart en faveur d’Atlante, monté par Tina Mallory, annonça le commissaire de course. Vainqueur de la 60ème édition.
La liesse envahit le cœur de Tina. Son staff exultait. Son père, se sentit minuscule devant la noblesse de cœur de sa fille, qu’il découvrait sur la première marche du podium du stade François-André.
—Comment pourrais-tu t’entraîner sans bâcler ton travail ? Renchérit, Lydia sa belle-mère qui ressemblait en tous points à celle de Cendrillon. Chaque jour, des « TO DO LIST». Or ce qui la faisait vibrer c’était de chevaucher Atlante, héritage de sa défunte mère. Banni des « élus » du haras de son père, depuis que rétif à l’obstacle, d’une ruade arrière il avait propulsé sa regrettée épouse de vie à trépas, lors du mythique Derby de La Baule.
—Et où trouveras tu les finances pour tes frais d’inscriptions, les licences ? Ajouta son père.
—Je travaillerai chaque week- end au bar de l’Ecume. Ginette, est d’accord pour m’embaucher en cuisine, pour les galettes saucisses et crêpes. J’ai la billig de maman, pas besoin de m’acheter du matériel.
—Et qui nous préparera les repas le week-end ? Asséna Lydia.
—Je m’arrangerai de tout vous préparer le matin avant de partir, il vous suffira de le réchauffer.
—Du réchauffé, il n’en est pas question. Objecta son père. N’insiste pas c’est non ! Ce cheval est un assassin. Il a échappé à la boucherie, puisqu’il te tenait à cœur. De plus, tu n’as aucune prédisposition pour être une cavalière émérite. Tu es loin d’avoir le talent de feu ta mère.
Les mots résonnaient encore lorsque Tina, s’enferma dans sa chambre, et qu’elle inonda son oreiller.
Le visage trempé, le corps secoué de sanglots, Tina sentait la hargne monter elle. Lentement, cette rage de vaincre, s’imposa comme une certitude. Retrouvant courage, elle traça sur papier la stratégie de son plan d’action. En en-tête elle inscrivit : Jour J – 90. Son staff : Antoine le vétérinaire et Marco le palefrenier andalou assureraient l’alimentation d’Atlante et son entraînement comme son suivi santé. L’entraînement pour elle comme pour Atlante. Elle consignerait chaque jour les kilomètres chevauchés, courus pour elle ; les objectifs de sauts d’obstacles progressifs selon un décompte des jours jusqu’au célébrissime concours. La liste des démarches officielles et leur coût. Le budget s’allongeait, devenant à lui seul un obstacle de plus à franchir. L’approvisionnement en crêpes et galettes du bar de l’Ecume serait maigre gain. Enfin sur le calendrier des pompiers, elle nota les deadlines en rouge. Ainsi revigorée, elle repartit à ses tâches, les fameuses injonctions de sa marâtre. Chaque coup de chiffon, lui paraissait insignifiant en regard de l’enthousiasme qui la gagnait.
Dès que père et belle-mère s’absentaient, dormaient, Tina s’évertuait à suivre le programme d’entraînement draconien qu’elle s’était imposé.
—La p’tiote est épuisée Antoine. Tu ne peux pas intervenir auprès du patron ? Interrogea Marco, tandis qu’il prenait un café avec le vétérinaire. L’andalou se désolait de voir chaque jour Tina suer sang et eau pour faire face aux brimades de la belle-mère, et non amour de son père. Rognant sur son sommeil pour travailler son cheval bien avant l’aube.
—Je sais Marco. Elle m’impressionne par son courage et sa persévérance.
Soudain une forte odeur liée à un feu proche vint se mêlait à celle du café. Ils virent la fumée au dessus des box.
Tandis qu’elle nettoyait les assises du salon de jardin, Tina sentit un frisson la parcourir. Atlante était en danger, elle le sentait. Envoyant valdinguer brosse, éponge, seau, elle courut à perdre haleine.
Voyant son staff s’affairer avec les extincteurs, sans hésitation, elle franchit les flammes, ignorant les objections d’Antoine. Attrapa les couvertures de l’animal qui s’agitait de plus en plus. La cavalière enveloppa le cheval et l’aspergea avec l’eau de l’abreuvoir. Tira de toutes ses forces pour le sortir du box qui deviendrait sous peu leur tombeau. L’animal résistait. La longe de cuir lui cisela les doigts, la douleur ne l’atteignit pas. Des flammèches tentèrent de se loger dans sa chevelure ou dans la queue d’Atlante. Elle s’agita dans tous les sens veillant à le préserver au détriment de sa propre sécurité. Antoine et Marco lui vinrent au secours avec la lance à eau utilisée pour nettoyer les box. Tina eut juste le temps de passer la longe à Antoine, avant de s’écrouler à bout de force.
Antoine apaisa Atlante qui avait une méchante brûlure sur une jambe arrière.
Tina avait les mains salement abîmées, son épaule droite apparaissait là où le tissu avait brûlé, dévoilant une peau à vif. Son oreille droite témoignait des assauts des flammes.
—Atlante...
—Antoine s’en occupe, tout va bien. Lui annonça Marco.
Suspicieux Antoine demanda une enquête sur les causes de cet incendie. En effet différents incidents visant à porter préjudice à Atlante, lui firent penser à un acte malveillant.
Dès sa sortie de l’hôpital, Tina se rua aux écuries. Observant la plaie qui cicatrisait, elle interrogea Antoine.
—Le Derby est il encore envisageable ?
—Bien sûr, tu as encore 45 jours avant la compétition. En revanche, la sélection pour l’inscription est dans 4 jours. Pourras-tu remonter en selle avec tes blessures?
—Avec quelques antalgiques puissants, j’y parviendrai ! Mais la blessure d’Atlante ?
—Nous ferons au mieux.
***
—Deux semaines que tu te prélasses dans un lit d’hôpital, pendant que je trime ! Tu as du pain sur la planche. Et pour l’amour de Dieu, cesse donc de courir toutes les heures voir ce maudit canasson. L’invectiva Lydia.
Tina, retroussa ses manches et entreprit de remettre de l’ordre.
Chaque nuit, elle dormait à même la paille à côté de son cheval. Ensemble ils tissèrent ces liens indéfectibles entre un cavalier et sa monture.
**
—Tina, n’entends tu pas qu’on sonne ? L’interpella Lydia.
Un capitaine de police, et son adjoint se tenaient sur le perron.
Après avoir expliqué que des indices confirmaient la thèse d‘un incendie criminel, ils s’enquirent d’un dénommé Arturo PZINIAC, un de leur lads.
A l’évocation de ce patronyme, ils ne purent ignorer le trouble de Lydia.
Interrogé, le bougre se mit vite à jacter, affirmant avoir reçu un joli pactole de Lydia pour éliminer Atlante. Confondue, Lydia épuisée par 48h de pression, avoua sa haine à l’égard de Tina. Une victoire au Derby lui ouvrirait, la gloire et l’argent. « Qui fera l’entretien du manoir, le repassage et la cuisine?» avait- elle froidement déclaré aux hommes de loi.
Révulsé, confus de ces révélations, le père de Tina, penaud, englué dans une culpabilité croissante ne sut comment exprimer son désarroi à sa fille unique.
Antoine lui souffla de s’acquitter du solde des frais du Derby.
Libérée des contingences ménagères, Tina redoubla d’efforts pour s’entraîner. Ses mains manquaient encore un peu de souplesse pour tenir les rennes, cependant Atlante attentif s’exécutait avec légèreté et fluidité.
**
Jour J. Les concurrents se succédaient quand :
— Accueillons le retour sur la pelouse d’Atlante, monté par Tina Mallory.
Tina murmura :
—C’est notre moment.
Le silence s’était fait sur le parcours, Tina commença doucement, sachant que pour le barème A (le chrono), les juges déclencheraient le timing qu’après le 7ème obstacle. Elle accéléra la cadence tout en douceur, guidant Atlante autant à la voix qu’avec ses genoux. Le commentateur en apnée, éblouit par la grâce de Tina, dont tous admirèrent la façon de monter, se tut. Son père, ému aux larmes, retrouva en sa fille, la cavalière talentueuse que fut sa chère Isy. Comment avait-il pu ainsi dénigrer sa fille ? Il frémit, la rivière, c’était là que sa tendre veuve avait péri. Atlante était dans l’axe, le galop régulier, il vit la poussée sur les jambes arrière et le cheval s’élança au-dessus de l’obstacle qu’il franchit sans encombre.
—C’est un sans faute ! Beugla l’animateur dans son micro. Voilà qui place Atlante ex-æquo avec Surcouf. Le chrono les départagera.
—45 secondes d’écart en faveur d’Atlante, monté par Tina Mallory, annonça le commissaire de course. Vainqueur de la 60ème édition.
La liesse envahit le cœur de Tina. Son staff exultait. Son père, se sentit minuscule devant la noblesse de cœur de sa fille, qu’il découvrait sur la première marche du podium du stade François-André.