Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux. Voilà la pensée qui traversa l’esprit d’un jeune homme complètement perdu alors qu’il venait de voir sa vie s’écrouler sans qu’il ne puisse objecter.
Il était un peu plus de 21h lorsqu’une ombre marcha sans but précis dans une rue déserte. Jason Anderson était la révélation de l’année, jeune, charismatique et talentueux. Il avait tout ce qu’il voulait, tout ce que n’importe qui rêverait d’avoir : Il avait la petite amie idéale et comptait l’épouser cette année ; il vivait dans une villa spacieuse et décorée selon ses goûts ; et il était célèbre pour son art. En effet, il a conquis le monde artistique avec ses magnifiques toiles. Riche, célèbre et casé, oui, sa vie était parfaite... un peu trop d’ailleurs. En l’espace d’une journée, il a tout perdu.
Ce jour-là, il était encore seul dans son atelier à peindre, comme les trois jours précédents d’ailleurs. Son entourage savait que lorsqu’il était dans son atelier, il était inaccessible et qu’il valait mieux le laisser et attendre qu’il ait fini. Et pourtant, cette fois-là, son téléphone n’arrêtait pas de vibrer. Il dût se résoudre à y jeter un œil au cas où, c’était une urgence. Il avait reçu des tonnes de messages de sa mère, son père, sa petite amie, son agent et de ses amis...
« Jason, il faut qu’on parle ! C’est vrai ce qu’on dit ? Dis-moi que tu n’as pas fait ça ! » disait le message de Kate, sa petite amie.
Sans comprendre, il tenta de la rappeler sans succès tout en remontant dans la galerie. Alors qu’il cherchait à joindre Kate, des policiers l’attendaient dehors. Il les remarqua et sortit demander ce qui n’allait pas.
_ Je peux vous aider ?
_ Jason Anderson ?
_ Oui, c’est moi.
_ Jason Anderson, vous êtes en état d’arrestation pour le meurtre de Richard Blake.
Le jeune peintre se vit mener au poste de police et interroger pour le meurtre d’un homme dont il n’avait jamais entendu parler. Malheureusement, des preuves accablantes avaient conduit les forces de l’ordre jusqu’à lui. Apparemment, Jason aurait volé et copié les œuvres de ce vieil homme avant de l’assassiner sans aucun scrupule.
_ Je ne sais pas qui est ce Richard ! Je ne connais même pas de Richard ! Je ne comprends rien à votre histoire !
Il avait beau nier, les faits étaient là et personne ne voulait le croire, son avocat y compris.
Il n’avait qu’une seule option : s’enfuir. Mais comment et où ?
Une idée lui traversa l’esprit...
_ Venez voir mon atelier, vous verrez que je ne mens pas... s’il vous plait. Je vous en supplie...
Son air complètement paniqué et désespéré réussit à convaincre son avocat et il fut escorté par des policiers jusqu’à son atelier. C’est la première fois de sa vie qu’il laissait qui que ce soit entrer dans son « jardin secret ». Il y avait là tout son matériel, toutes ses œuvres... absolument toutes... même celles qu’il avait peintes il y a des années.
_ Je me filme quand je suis ici... pour me rappeler des émotions qui m’ont traversé en peignant... regardez... c’est la preuve que toutes mes toiles sont de moi... s’il vous plait.
Alors que les policiers récupéraient les nouvelles preuves, Jason se cacha dans une autre pièce. Que cela soit dans sa galerie, dans son atelier ou chez lui, il y avait une porte qui le permettait d’accéder à une pièce qu’il avait fait aménager pour toutes les fois où il faisait une crise d’angoisse.
De là où il était, il entendit, les policiers se mettre à sa poursuite, croyant qu’il avait trouvé un moyen de sortir pour s’enfuir.
Jason resta assis dans cette pièce pendant des heures, en attendant la tombée de la nuit.
Quand il décida de sortir, par la porte de derrière, il remarqua la présence d’une voiture de police. Le laps de temps qu’il avait passé dans la pièce secrète n’avait donc pas suffit aux forces de l’ordre pour comprendre qu’il était innocent.
Ordonnant à son amour propre de se taire, il se tapit au sol et commença à ramper pour ne pas se faire repérer. Cependant, à peine il est sorti de la zone de surveillance, il vit son visage un peu partout... un avis de recherche avait été lancé dans l’après-midi. Jason prit un détour pour rentrer chez lui afin de ne pas faire remarquer. A mi-chemin, il rebroussa chemin : sa maison était sûrement sous surveillance. Il décida d’aller chez la seule personne sur qui il pouvait compter : Kate.
En arrivant chez elle, il entra par la porte de derrière et entendit qu’elle discutait avec des hommes.
_ Je vous le répète depuis près d’une heure, je ne sais où est Jason ! Il ne m’a pas contacté !
_ Vous savez que c’est une enquête importante et nous mentir pourrait vous conduire en prison !
En écoutant, le cœur de Jason se serra, celle qu’il aime était sous pression inutile et il ne pouvait rien faire.
Quand les policiers furent partis, Kate s’installa sur une chaise de la cuisine pour pleurer toutes les larmes de son corps. Jason mit une main devant sa bouche et lui demanda de ne pas crier.
_ Jason... lâche moi ! Qu’est-ce que tu fais là ?
_ Kate... s’il te plait... écoute moi.
_ Jason ! Tu as tué un homme... S’il te plait rends-toi... Ne rends pas les choses plus compliquées qu’elles ne le sont déjà.
_ Il faut que tu me croies s’il te plait... Je ne connais pas de Richard, je n’ai volé les toiles de personne ! Tu me connais, tu sais qui je suis... Il faut que tu m’aides.
_ Que je t’aide ? Tu veux me rendre complice d’un meurtre ?
_ Kate, je n’ai tué personne !
_ Ah oui ? Alors pourquoi tu as des pièces secrètes chez toi, dans ta galerie et dans ton atelier ? Ce n’est pas suspect ça ? Oui j’ai trouvé tes pièces secrètes !
_ Je t’aime Kate, ça tu ne peux pas en douter ! Trois ans que nous sommes ensemble... trois ans de haut et de bas... Tu es la personne qui me connait le plus. Regarde-moi et dis-moi que je suis capable d’un meurtre.
Elle hésita un moment et se décida à l’aider. Ils rassemblèrent le strict minimum et un peu d’argent liquide pour que Jason puissent s'enfuir en attendant que l’histoire se tasse ou que son innocence soit prouvée.
_ Tout le monde va te croire coupable si tu t’enfuis
_ Je n’ai besoin que de ta confiance !
_ Maman a laissé son téléphone ici... emmène-le avec toi et appelle-moi quand tu seras en sécurité.
_ D’accord. Je t’aime Kate !
_ Moi aussi je t’aime.
Et il s’en alla, la laissant derrière lui...
Il était un peu plus de 22h quand il cessa de courir, croyant avoir échappé à la justice. Il ralentit le rythme et repensa à toute cette histoire. Qui pouvait lui en vouloir à ce point ? Pourquoi lui et pas un autre ? Pour ne pas se laisser abattre, il essaya de ne penser qu’à Kate, elle savait qu’il était innocent, il avait sa confiance. Leur dernière conversation lui revint alors en tête. Il s’arrêta et réalisa qu’elle n’était jamais entrée dans son atelier... comment pouvait-elle être au courant ?
Au moment même, le téléphone sonna... c’était elle.
_ Tu as assez profité de ta liberté ?
Il comprit enfin...
_ Kate... tout cela... c’est ton œuvre ?
_ Bien sûr que oui, espèce d’idiot !
_ Mais pourquoi ? Après tout ce que nous avons vécu...
_ Après tout ce que nous avons vécu ? NOUS ? Non, il n’y a pas de nous, il n’y a plus de nous ! Tu ne te souviens pas ? Quand tu rentrais complètement ivre ou drogué à la maison ? Tu ne te souviens pas qu’il y a plus de deux ans, l’alcool et la drogue te rendaient tellement violent que j’en ai perdu mon bébé ? Comment tu peux t’en souvenir... le lendemain même tu avais complètement oublié. Tu as ruiné toutes mes chances d’avoir des enfants un jour... j’espère que tu as profité de ton moment de gloire parce que c’est fini ! Ce n’est pas la peine de t’enfuir, la police sera là dans quelques minutes... Profite de ton séjour à l’ombre ! Je ne te garantis pas que tu vas rester en vie longtemps...
Deux années étaient passées et Jason se demandait toujours comment Kate avait pu feindre de l’aimer aussi longtemps, comment elle avait pu cacher tant de haine sans qu’il s’en aperçoive ! Il se fera assassiner, l’âme déjà éteinte et le cœur brisé.