Adjovan

Toute histoire commence un jour, quelque part. Et celle de « « Emilie l’étourdie » a débuté il y a trois mois, sur le parking d’une foire. Responsable marketing, elle faisait mains et pieds pour préparer le stand que sa structure tenait pour la foire « Mer-veilles ».
Toute occupée avec ses kakémonos, elle avait oublié son sac à main sur la banquette arrière de sa voiture de service. Bien sûr, elle s’était fait dérobée son sac. Ses pièces, son téléphone, les passes du staff pour la foire, les clés du bureau... sans compter les vitres brisées du véhicule.
Son supérieur évitant de la traiter de tête de nœuds, lui avait trouvé ce charmant sobriquet : « Emilie l’étourdie ».
Elle était prévenue, la prochaine bourde sonnerait le glas de sa carrière à « Plathon », une entreprise qui se lançait dans ce marché en hausse qu’est le thon en plat.
« Ecoute bien ma petite, t’as beau être frétillante comme un gardon, ce n’est pas avec tes yeux de merlans frits que tu vas me rembourser les dégâts. Je t’ai embauchée pour faire du chiffre et non me faire dépenser ! Tu es encore dans ta période d’essai, fais gaffe ! », lui avait lancé M. Anguy sur un ton qui en disait long.
Pour noyer le poisson, la petite Emilie s’était mise à travailler d’arrache-pied. Se faire engueuler comme un poisson pourri devant tous ses collègues, lui avait donner envie de prouver qu’elle méritait ce poste.
Comme elle aimait son travail ! Après avoir été pendant près de Cinq ans au chômage, elle avait cru à un poisson d’avril quand elle avait reçu le coup de fil de M. Anguy. Bien vrai qu’ils étaient serrés comme des sardines dans l’open space qui tenait lieu de bureau, elle était heureuse comme un poisson dans l’eau d’avoir rejoint l’équipe.
Aujourd’hui Emilie devait préparer le « Mamie-thon », concours de cuisine réservée au sexagénaire. Cette fois elle ferait un sans-fautes. Pas de sac à main, mais le « très à la mode » sac banane.
Les banderoles et affiches posées ci et là de façon subtile, il ne faudrait pas agresser les spectateurs. Les mamies avaient été briefées : mettre le produit en avant tout le long de la recette et faire un large sourire et ce malgré l’odeur. En effet Plathon lançait son tout nouveau produit : L’Adjovan, du poisson en état de putréfaction, inspirée par les origines ivoiriennes de M. ANGUY.
Tout était fin prêt... Les veilles morues devant leurs plans de travail, les journalistes au taquet pour ne manquer aucun mouvement,... Mais il y avait anguille sous roche, et c’est M. Anguy qui le constata le premier. Ou du moins qui ne constata pas l’odeur forte et caractéristique de ce produit dont il raffolait.
Pauvre Emilie... toute empressée qu’elle était, elle n’avait pas remarqué que ces pourritures de poissons étaient restées à l’entrepôt. Et sans l’Adjovan, pas de concours. Ça ne sentait pas bon pour son boulot !