Cette œuvre est
à retrouver dans nos collections
Histoires Jeunesse :
- 6-8 Ans (Cycle 2)
- 8-11 Ans (Cycle 3)
- Animal - Jeunesse
- Imaginaire - Cycle 2
- Imaginaire - Cycle 3
- Imaginaire Jeunesse
- Les Monstres - Cycle 3
- Voisins - Voisines
Dans la famille Padebol, il y a le chien. C'est moi. Franchement ce n'est pas drôle de traîner une longue queue de trois mètres. C'est lourd et encombrant. Je renverse aussi beaucoup de choses sur mon passage et tout le monde est mécontent ! Ce n'est pourtant pas de ma faute. Enfin si, un peu. Je n'aurais jamais dû montrer les dents à la sorcière du dessus, mais elle est si moche et si grognon que je n'ai pas pu résister.
Ce jour-là, quand je l'ai entendue passer sur notre palier, j'ai grogné un peu. Oh si peu ! Je pensais même qu'elle n'avait pas entendu comme elle ne répond jamais aux bonjours de mes maîtres. Mais elle n'est pas sourde, ça non... puisque cette fois-ci, elle s'est retournée d'un coup, et de son doigt crochu elle m'a pointé du doigt, de sa bouche tordue sont sortis des mots incompréhensibles, des abracadabra, des fistifristi, des choucamediranoyas ! Je n'osais plus bouger et je suis resté la tête cachée entre les pattes. Quelques minutes après son départ, je me suis mis debout et quelle horreur ! Ma queue, ma si belle queue en panache, s'était transformée en un long serpent à poils !
Mes maîtres ne connaissent pas très bien la sorcière. Elle ne sort presque jamais et personne ne lui parle. Elle a l'air si revêche !
Pourtant, elle ne se plaint jamais, même quand les petits garnements du sixième dévalent les escaliers en criant ou que le rat de Monsieur Max fait un bruit infernal la nuit en courant sans cesse dans sa roue, ou encore quand la chatte du docteur Pinson miaule de façon tonitruante à 6h du matin...
Les premiers jours ont été très difficiles. J'étais épuisé à tirer cette longue queue. La plupart du temps, je restais couché dans mon panier, ma queue s'étirant entre les meubles et les fauteuils. Mes maîtres se plaignaient sans cesse :
— On trébuche à chaque pas ! L'un de nous finira par se casser une jambe ! disaient-ils.
Une nuit, je dormais si bien que ma queue s'est détendue, jusqu'à se glisser sous le nez de ma maîtresse. Après avoir grimacé, reniflé, éternué, elle s'est réveillée brusquement et elle est arrivée dans le salon très en colère. C'est là qu'elle a vu que je dormais sur le canapé, laissant le panier vide. Ça a fait toute une histoire !
Et la promenade ! Quelle épreuve ! Mon maître devait ranger ma queue dans un panier qu'il portait tout en me suivant. Il grognait tout le temps : « c'est lourd », « plus vite », « dépêche- toi ! », « plus le temps de discuter avec les copains ».
Je savais bien que mes maîtres cherchaient une solution. J'ai même cru entendre le mot « couper » mais j'ai sûrement dû me tromper !
Ce soir, après une longue discussion, ils ont décidé de monter chez la sorcière. Dans son salon, pas de tableaux sur les murs, aucune photo sur le buffet, un vieux fauteuil devant la fenêtre avec une vitre brisée... Je trouve son appartement bien triste et je me dis qu'en un tour de main, mon maître pourrait réparer le carreau et ma maîtresse accrocher deux ou trois tableaux qu'elle entasse dans le grenier. La robe noire de la sorcière est déchirée mais heureusement, elle n'a pas son chapeau sur la tête. Sinon je n'aurais pas pu m'empêcher d'aboyer ! Je suis un chien quand même ! Mon maître lui présente des excuses et lui promet de veiller à ce que je grogne moins.
— Et si vous veniez prendre le thé mercredi après-midi ? Nous pourrions faire plus ample connaissance ! lui dit ma maîtresse.
Nous sommes redescendus en silence. Je pense que je n'ai jamais vu une seule personne entrer chez la sorcière, je n'ai jamais entendu sonner son téléphone et pourtant, j'ai l'ouïe fine ! Madame Lefran, la gardienne, ne lui monte jamais son courrier non plus.
Dans l'escalier, nous faisons d'étranges rencontres : Monsieur Max et son rat Lucky avec sa magnifique queue d'écureuil, Madame Cho avec sa chienne Bizz et ses oreilles de lapin, le docteur Pinson et sa chatte Mimi arborant de moustaches d'otarie... tous grimpent chez la sorcière dans l'espoir d'enlever le sortilège.
— Venez chez nous mercredi, nous ferons la fête des voisins, dit mon maître.
En tout cas, mercredi, je serai là et j'espère bien récolter quelques friandises. Je suis un bon chien et je me sens capable d'apprivoiser n'importe qui ! Même une sorcière !
À mesure que je descends les marches, la longueur de ma queue diminue peu à peu et, une fois devant chez nous, elle est redevenue un beau panache soyeux.
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Illustration : Mathilde Ernst