Justine n'était pas du genre à s'appesantir sur les fractures de la vie. Rompue aux challenges, elle avait une vie atypique. Célibataire, humaniste avec une passion pour le sport dans le domaine des exploits de l'extrême, elle parcourait le monde. Pratiquait le woofing, cette façon de voyager où l'on propose ses services en échanges du coucher et du manger. Ainsi elle avait participé à l'ascension d'un massif au Népal pour une cause caritative ; parcouru le bush australien pour les enfants de l'Outback; elle s'était même entraînée pour tenter l'aventure KOH LANTA cependant elle connut vraiment la gloire en duo avec sa cousine Augustine dans Pékin Express. Autant dire qu'elle avait une condition physique de haut niveau, et qu'elle savait endurer crampes, ampoules et raideurs des muscles endoloris. Mais là, le défi était tout autre. Il s'agissait de reconquérir une condition physique avec un handicap de taille.
N'ayant pas le génie de Mozart ni la lumière d'Edison, Justine s'interrogeait depuis dix- huit mois, sur le quoi faire de sa vie maintenant. Un accident d'ascenseur l'avait délestée d'une de ses magnifiques jambes. La motivation pour reprendre sa vie en main, n'était pas au rendez-vous.
Ayant appris par les infirmières, les exploits et l'engouement de Justine pour toute manifestation sportive qui sort des sentiers battus, Adrien son chirurgien (qui n'était pas insensible au charme de Justine) rendit une visite surprise à sa patiente au centre de rééducation, un magazine sous le bras.
─ On m'a dit que vous aviez insisté pour une prothèse articulée au genou. Quels sont vos intentions dès que vous serez de nouveau autonome, en position verticale ?
─ J'ai envie de grands espaces.
─ Mais encore ?
─ Je voudrais montrer qu'une amputation n'est pas synonyme de mort, mais d'une vie autrement.
─ Vous pensez à quoi ?
─ Je pourrais viser les concours de bodybuilding, cependant j'aimerais quelque chose où je pourrais être en extérieur, dans un environnement drastique voire peu accueillant pour donner plus de poids à mon action.
─ Le froid polaire vous connaissez ?
Une ombre de tristesse passe sur le visage de Justine à l'évocation du milieu polaire.
─ J'ai loupé le village du Père-Noël en Laponie. Je devais y faire une saison comme lutin du bonhomme rouge.
Un sourire, creusant délicieusement ses fossettes, Adrien laissa son magazine sur la table, et s'en alla voir le directeur du centre.
A peine était-il sorti, que ledit périodique « Ski Chrono », fut feuilleté avec ferveur, les articles lus avec attention quand soudain, une double page attisa l'intérêt de Justine.
« 2024 jeux paralympiques de snowboard, inscriptions avant le 31 août 2021. »
Un peu plus de trois ans pour se préparer. Le challenge déploie déjà son adrénaline dans l'esprit et le corps de Justine. Elle pianote, surfe de pages en sites web sur tout ce qui concerne le para-snow, au même rythme qu'enfle son engouement et que se dessine son projet. Décidément cet Adrien avait eu une bien curieuse façon de la stimuler. Forte de sa résolution, s'inscrire aux jeux et s'entourer des plus expérimentés dans la discipline, Justine n'hésite pas, elle googlelise Brenna Huckaby, double médaillée d'or des Jeux paralympiques de Pyongchang.
Son objectif, lui demander d'être sa marraine. Elle veut tout savoir de son entraînement, de son alimentation, de la prothèse la plus ajustée pour une performance pouvant lui assurer le podium. Absorbée par ses recherches, elle n'entend pas Adrien s'assoir dans un fauteuil proche.
─ Je constate avec joie que vous êtes sur le chemin d'un nouveau défi. Votre enthousiasme est communicatif.
─ Oui, c'est décidé je serai aux Jeux Paralympiques d'hiver 2024 !
─ Ce rebond ne peut que réjouir le chirurgien que je suis, doublement comblé, tant je suis passionné de snowboard et ski alpin que je pratique.
─ En ce cas soyez mon coach, rétorqua Justine qui ne mâchait pas ses mots lorsqu'elle était galvanisée par un projet où le mental et le physique étaient sollicités.
─ Comme vous y allez, je ne suis pas certain d'être à la hauteur.
─ Quand on veut on peut, n'est-ce pas ce que vous m'avez seriné depuis cet accident qui m'a clouée dans ce fauteuil roulant.
Au même moment, retentit une notification sur la tablette de Justine. Brenna Huckaby conquise par le dynamisme de Justine, acceptait d'être sa marraine. Elle lui propose une visio-conférence pour mettre au point conseils et bonnes pratiques. Ravie, Justine entonne un air de victoire en se dandinant dans sa chaise roulante.
─ J'en déduis que seule une nouvelle, au-delà de vos espérances peut vous mettre dans une telle transe.
Justine lui explique son projet dans le détail, où il manque tout de même un staff kiné et masseur et coach-médecin, dit-elle d'un air malicieux.
─ Je veux bien endosser ce rôle de coach-médecin, mais à la moindre inquiétude, on arrête tout.
─ Oui oui « Tu peux toujours rêver, pour que je t'avoue la moindre douleur mon coco ».
─ Quel est votre programme ?
─ Intégrer une équipe et me faire accepter par les autres athlètes. L'entraînement en lui-même ne m'effraie pas. Apprendre et maîtriser cette jambe artificielle. Je sais que j'aurais des moments de découragements, des angoisses avec ce syndrome du membre fantôme, des échauffements de mon moignon par frottements de la prothèse.
─ La précision avec laquelle vous évoquez les écueils ne me surprend pas. J'ai un ami canadien, entraîneur d'athlètes handicapés. Seriez-vous tentée pour une remise en condition québéquoise ?
Le cri de joie de Justine équivaut à une signature en bas d'un contrat mirifique. Trois mois plus tard, équipée d'une prothèse articulée au genou, Justine s'envole vers le pays du sirop d'érable, accompagnée d'Adrien. Son père a insisté pour être aussi de l'aventure.
L'accueil par Jean, entraîneur à Sherbrook, au Québec fut des plus chaleureux. Il sut permettre à Justine de prendre une place, dans une équipe. Puis s'enchaînèrent des séances de renforcements musculaires. Des séries de squats, fentes, pompes, planches latérales, et cet exercice de superman qui faisait rire Justine. Tous les après-midis des longueurs de bassin pour augmenter son souffle et muscler son tronc et son dos. L'apprentie adorait être dans le milieu aquatique, où l'eau portait son corps. Ce qu'elle préférait était le chocolat chaud qui l'attendait lorsqu'elle sortait de l'eau. Mais pas avant d'avoir fait plusieurs séries de dips afin de renforcer ses triceps.
Au fur et à mesure de la maîtrise de sa coordination motrice et de son habileté, l'entraîneur sous l'œil attentif d'Adrien, augmenta l'intensité, la durée et la complexité des exercices. Son père tint un blog des progrès de sa protégée, qu'il mitrailla chaque jour avec son reflex dernière génération. Il créa une rubrique : La grimace du jour.
Enfin, après six mois de gainage, les choses sérieuses commencèrent. Première leçon : Apprendre à chuter dans la neige à grande vitesse. Que ce soit en avant ou en arrière, l'essentiel étant d'éviter les blessures aux poignets, à la tête. Epuisée mais toujours avec le sourire, Justine ne laissa rien paraître et recommença sans cesse les exercices. Les mois passèrent. Son père, souffrait en silence. Adrien, s'inquiéta lorsque Justine ne put se relever d'une énième chute. Il se précipita alors que les recommandations de Jean étaient d'être observateur et non acteur.
─ Que se passe-t-il ?
─ Je crois que j'ai vrillé ma prothèse ! C'est fichu, pour les Jeux.
─ Bien sûr que non, nous allons en commander une autre.
─ Mais il ne me reste que deux mois avant les premières qualifications. Je vais perdre du temps pour maintenir mon niveau d'agilité debout. De plus cela ça va plomber le budget.
─ Nous augmenterons tes séances de piscine, et trouverons une solution.
Tous les athlètes de l'équipe se cotisèrent, aidés de leurs sponsors, ils constituèrent une belle cagnotte pour la nouvelle prothèse qui arriva à temps, ce qui permit à Justine d'être récompensée de ses efforts avec sa qualification en poche pour les Jeux.
N'ayant pas le génie de Mozart ni la lumière d'Edison, Justine s'interrogeait depuis dix- huit mois, sur le quoi faire de sa vie maintenant. Un accident d'ascenseur l'avait délestée d'une de ses magnifiques jambes. La motivation pour reprendre sa vie en main, n'était pas au rendez-vous.
Ayant appris par les infirmières, les exploits et l'engouement de Justine pour toute manifestation sportive qui sort des sentiers battus, Adrien son chirurgien (qui n'était pas insensible au charme de Justine) rendit une visite surprise à sa patiente au centre de rééducation, un magazine sous le bras.
─ On m'a dit que vous aviez insisté pour une prothèse articulée au genou. Quels sont vos intentions dès que vous serez de nouveau autonome, en position verticale ?
─ J'ai envie de grands espaces.
─ Mais encore ?
─ Je voudrais montrer qu'une amputation n'est pas synonyme de mort, mais d'une vie autrement.
─ Vous pensez à quoi ?
─ Je pourrais viser les concours de bodybuilding, cependant j'aimerais quelque chose où je pourrais être en extérieur, dans un environnement drastique voire peu accueillant pour donner plus de poids à mon action.
─ Le froid polaire vous connaissez ?
Une ombre de tristesse passe sur le visage de Justine à l'évocation du milieu polaire.
─ J'ai loupé le village du Père-Noël en Laponie. Je devais y faire une saison comme lutin du bonhomme rouge.
Un sourire, creusant délicieusement ses fossettes, Adrien laissa son magazine sur la table, et s'en alla voir le directeur du centre.
A peine était-il sorti, que ledit périodique « Ski Chrono », fut feuilleté avec ferveur, les articles lus avec attention quand soudain, une double page attisa l'intérêt de Justine.
« 2024 jeux paralympiques de snowboard, inscriptions avant le 31 août 2021. »
Un peu plus de trois ans pour se préparer. Le challenge déploie déjà son adrénaline dans l'esprit et le corps de Justine. Elle pianote, surfe de pages en sites web sur tout ce qui concerne le para-snow, au même rythme qu'enfle son engouement et que se dessine son projet. Décidément cet Adrien avait eu une bien curieuse façon de la stimuler. Forte de sa résolution, s'inscrire aux jeux et s'entourer des plus expérimentés dans la discipline, Justine n'hésite pas, elle googlelise Brenna Huckaby, double médaillée d'or des Jeux paralympiques de Pyongchang.
Son objectif, lui demander d'être sa marraine. Elle veut tout savoir de son entraînement, de son alimentation, de la prothèse la plus ajustée pour une performance pouvant lui assurer le podium. Absorbée par ses recherches, elle n'entend pas Adrien s'assoir dans un fauteuil proche.
─ Je constate avec joie que vous êtes sur le chemin d'un nouveau défi. Votre enthousiasme est communicatif.
─ Oui, c'est décidé je serai aux Jeux Paralympiques d'hiver 2024 !
─ Ce rebond ne peut que réjouir le chirurgien que je suis, doublement comblé, tant je suis passionné de snowboard et ski alpin que je pratique.
─ En ce cas soyez mon coach, rétorqua Justine qui ne mâchait pas ses mots lorsqu'elle était galvanisée par un projet où le mental et le physique étaient sollicités.
─ Comme vous y allez, je ne suis pas certain d'être à la hauteur.
─ Quand on veut on peut, n'est-ce pas ce que vous m'avez seriné depuis cet accident qui m'a clouée dans ce fauteuil roulant.
Au même moment, retentit une notification sur la tablette de Justine. Brenna Huckaby conquise par le dynamisme de Justine, acceptait d'être sa marraine. Elle lui propose une visio-conférence pour mettre au point conseils et bonnes pratiques. Ravie, Justine entonne un air de victoire en se dandinant dans sa chaise roulante.
─ J'en déduis que seule une nouvelle, au-delà de vos espérances peut vous mettre dans une telle transe.
Justine lui explique son projet dans le détail, où il manque tout de même un staff kiné et masseur et coach-médecin, dit-elle d'un air malicieux.
─ Je veux bien endosser ce rôle de coach-médecin, mais à la moindre inquiétude, on arrête tout.
─ Oui oui « Tu peux toujours rêver, pour que je t'avoue la moindre douleur mon coco ».
─ Quel est votre programme ?
─ Intégrer une équipe et me faire accepter par les autres athlètes. L'entraînement en lui-même ne m'effraie pas. Apprendre et maîtriser cette jambe artificielle. Je sais que j'aurais des moments de découragements, des angoisses avec ce syndrome du membre fantôme, des échauffements de mon moignon par frottements de la prothèse.
─ La précision avec laquelle vous évoquez les écueils ne me surprend pas. J'ai un ami canadien, entraîneur d'athlètes handicapés. Seriez-vous tentée pour une remise en condition québéquoise ?
Le cri de joie de Justine équivaut à une signature en bas d'un contrat mirifique. Trois mois plus tard, équipée d'une prothèse articulée au genou, Justine s'envole vers le pays du sirop d'érable, accompagnée d'Adrien. Son père a insisté pour être aussi de l'aventure.
L'accueil par Jean, entraîneur à Sherbrook, au Québec fut des plus chaleureux. Il sut permettre à Justine de prendre une place, dans une équipe. Puis s'enchaînèrent des séances de renforcements musculaires. Des séries de squats, fentes, pompes, planches latérales, et cet exercice de superman qui faisait rire Justine. Tous les après-midis des longueurs de bassin pour augmenter son souffle et muscler son tronc et son dos. L'apprentie adorait être dans le milieu aquatique, où l'eau portait son corps. Ce qu'elle préférait était le chocolat chaud qui l'attendait lorsqu'elle sortait de l'eau. Mais pas avant d'avoir fait plusieurs séries de dips afin de renforcer ses triceps.
Au fur et à mesure de la maîtrise de sa coordination motrice et de son habileté, l'entraîneur sous l'œil attentif d'Adrien, augmenta l'intensité, la durée et la complexité des exercices. Son père tint un blog des progrès de sa protégée, qu'il mitrailla chaque jour avec son reflex dernière génération. Il créa une rubrique : La grimace du jour.
Enfin, après six mois de gainage, les choses sérieuses commencèrent. Première leçon : Apprendre à chuter dans la neige à grande vitesse. Que ce soit en avant ou en arrière, l'essentiel étant d'éviter les blessures aux poignets, à la tête. Epuisée mais toujours avec le sourire, Justine ne laissa rien paraître et recommença sans cesse les exercices. Les mois passèrent. Son père, souffrait en silence. Adrien, s'inquiéta lorsque Justine ne put se relever d'une énième chute. Il se précipita alors que les recommandations de Jean étaient d'être observateur et non acteur.
─ Que se passe-t-il ?
─ Je crois que j'ai vrillé ma prothèse ! C'est fichu, pour les Jeux.
─ Bien sûr que non, nous allons en commander une autre.
─ Mais il ne me reste que deux mois avant les premières qualifications. Je vais perdre du temps pour maintenir mon niveau d'agilité debout. De plus cela ça va plomber le budget.
─ Nous augmenterons tes séances de piscine, et trouverons une solution.
Tous les athlètes de l'équipe se cotisèrent, aidés de leurs sponsors, ils constituèrent une belle cagnotte pour la nouvelle prothèse qui arriva à temps, ce qui permit à Justine d'être récompensée de ses efforts avec sa qualification en poche pour les Jeux.