Nouvelles
5 min
Institut universitaire du Golfe de Guinée
À l'aube en morceau, au crépuscule en miettes
Toute histoire commence un jour, quelque part. Elle peut être belle, moins belle ou encore hideuse. Cependant, mon histoire est passée du mirage à la faillite en quelques secondes...
Les larmes pleines aux yeux, je me souviens encore de cette période où la jeunesse m’appartenait, je l’avais dans la peau ! Mais aujourd’hui, tout a changé ; le destin s’en est pris à moi ; quelle a été ma faute, mon Dieu ? Quel mauvais esprit avait pris possession de mon corps ? Je suis déchue, je suis déçue, je suis déprimée, je suis haineuse, je suis malheureuse. Ma vie a été détruite en une journée...
Marie-Antoinette MBELLA, 32 ans et jadis journaliste la plus prisée d’une chaine télévisée au Cameroun, à Yaoundé. Aujourd’hui je broie du noir. Aux oubliettes je me retrouve, dans l’enfer je suis bien installée. Je n’ai plus rien, mon cœur est meurtri ! que Mort vienne frapper à ma porte ! Pourquoi me faire marcher sur les rives de la géhenne ? Il s’est fallu d’un jour pour tout perdre, d’un jour pour sentir dans ma chair la douleur terrestre. Oh seigneur ! Je ne suis pourtant pas née handicapée, mais je le suis. Où sont mes membres ? Ma jambe gauche ? Mon bras droit ? J’étouffe encore en sanglot, il est 10 heures et c’est l’heure à laquelle Jennifer, ma boniche vient me donner le petit déjeuner. Je me précipite à nettoyer du revers de ma seule main mon visage. Je fais déjà assez pitié. Cela ne sert à rien de remuer le couteau dans ma plaie saignante et béante. J’étais allongée sur le lit quand la porte de ma chambre s’ouvrit grandement, je sursautai.
Jennifer : Bonjour Madame ! Votre petit déjeuner ! Aujourd’hui, c’est du pain au lait et du café chaud. Dit-elle en s’approchant de la table de ma chambre qu’elle s’arrangea à pousser jusqu’au seuil du lit dans lequel j’étais couchée.
Moi : Merci Jennifer ! bien le bonjour à toi.
Jennifer : Puis-je vous aider ?
Moi : Non je me débrouillerai. Lançai-je le visage froncé. C’est quoi cette manie de toujours avoir de la commisération envers un handicapé ? Je ne veux pas de la pitié, je suis encore capable de manger toute seule.
Cette histoire lugubre commença une matinée. Un soleil doux tripotaillait mon corps et les couleurs du ciel étaient des plus belles, des voluptés de nuages fins tourbillonnaient, poussés par une bise qui caressa ma peau. Cette journée s’annonçait pourtant très belle ! Je ne pus imaginer un moment que tout mon bonheur allait s’écrouler en un clic, en une seconde, en une minute, en une journée ! Quel diable s’était incrusté dans ma famille deux ans plus tôt ?
Ce jour-là, Ernest mon mari vint nous chercher mon fils Dagobert et moi comme chaque week-end. Ernest était un homme d’affaires et ne pouvait passer du temps avec sa famille que le week-end ; tout comme moi, car mon métier de journaliste me prenait beaucoup de temps : entre paperasses et descentes sur le terrain pour toucher du doigt les réalités humaines, je n’avais pas une seule seconde pour moi ni pour ma famille. Passion du métier quoi ! Nous étions tout heureux d’effectuer ce voyage à la plage de Limbe dans la Toyota noire de mon Ernest, un homme attentionné, plein d’amour, mignon il l’était réellement. Il s’est fallu de peu pour qu’on le confonde à l’acteur anglais Jason STATHAM. Il était 12 heures et nous avions déjà effectué une heure de route. Soudain, j’entendis un bruit assourdissant suivi des cris ahurissants de mon fils de quatre ans. Juste au moment où j’essayai de comprendre ce qui se passait, mes paupières se fermèrent et ne s’ouvrirent que quand il était 20 heures. J’étais couchée inerte dans un lit et une femme en tenue blanche me scrutait de près. J’essayai de bouger mon corps, mais aucun de mes membres ne répondait à ma volonté. Je ne pouvais pas non plus bouger ma tête, car elle était comme coincée dans une minerve. Une odeur de médicaments frappa mes narines, je réalisai alors que j’étais dans un hôpital et que la dame en blanc était une infirmière et non l’ange qui était dans mon rêve.
Moi : Où suis-je ? Pourquoi je n’arrive plus à bouger ? L’infirmière avec un regard désolé appela le médecin qui arriva la seconde d’après.
Docteur : Madame la journaliste ! Content de vous voir réveillée !
Moi : Dites-moi Docteur pourquoi je ne peux pas bouger ? Suis-je paralysée ? Que s’est-il passé ? Où est mon mari ? Mon fils ? Je ne contrôlais plus le flux de larmes qui ruisselaient sur mon corps paralysé.
Docteur : Humm la situation est catastrophique, mais l’essentiel est que vous soyez en vie, vous aurez quelques mois de rééducation.
Moi : Non ! Je veux tout savoir maintenant ! Parlez-moi Docteur. Que s’est-il passé ? J’ai le droit de savoir !
Docteur : Vous avez été victime d’un très grave accident de circulation. Une collision entre une semi-remorque et la Toyota de votre mari. Votre mari et votre fils ne s’en sont pas sortis. Quant à vous, on n’a pas eu d’autres solutions que de vous amputer la jambe gauche et la main droite afin de vous maintenir en vie. C’est-à-dire...
Moi : Fermez-la! Ne prononcez plus aucun mot ! m’écriai-je avec de folles larmes dans les yeux !
Ce matin-là, j’avais tout : ma famille, mon travail, ma jambe gauche et mon bras droit. En un laps de temps, j’avais tout perdu. Ce soir-là, je me retrouvai sans rien : ni mari, ni fils, ni travail bref plus de famille et plus de membres. Tout s’est déroulé à la vitesse d’un éclair. Je n’étais plus qu’une morte ambulante.
Aujourd’hui, deux années se sont écrasées et j’ai toujours le cœur meurtri. Comment oublier tout ça ? Pourquoi moi ? Pourquoi la mort ne m’a-t-elle pas aussi emportée ? Ne suis-je pas aussi l’enfant du seigneur ? J’ai appris à vivre ainsi et maintenant avec l’aide des miens, je me suis enfouie dans la bible, elle reste mon seul refuge. Moi, Marie-Antoinette, ex-journaliste, athée jusqu’à l’os ! après ma tragédie, j’ai appris à vivre amèrement avec mes membres émiettés et je n’attends plus que le jour où cette fameuse ankylose prendra possession de mon moi tout entier. Je suis une condamnée à mort, peut-être c’était de moi que faisait allusion Victor Hugo à travers son personnage principal dans son œuvre intitulée le dernier jour d’un condamné. Peut-être j’aurais tout de même préféré être à sa place. Parfois, on se dit : « Au lieu de vivre dans une souffrance inextricable, la mort serait sans doute un meilleur châtiment », mais la vie reste précieuse. Si Dieu a permis que j’aie une seconde chance, je crois qu’il y’a une raison à cela, raison qui m’a maintenu en vie jusqu’à présent.
On a tendance à l’oublier : une vie peut changer en un coup de baguette. Il y en a qui quitte de l’aval à l’amont sans transition, mais le contraire est possible. Comme quoi il faut toujours profondément remercier le Créateur à chaque fois qu’on ouvre les yeux le matin et qu’on les ferme la nuit.
Moi, Marie-Antoinette MBELLA, je suis émiettée jusqu’aux os, mais je répète à chaque fois : « la chute d’un homme n’est pas la fin de sa vie ; l’important n’est pas de tomber, mais d’avoir le courage de se relever même après une chute libre. J’essayerai de me relever coûte que vaille ! cette vie n’aura jamais raison de mon être ».
Les larmes pleines aux yeux, je me souviens encore de cette période où la jeunesse m’appartenait, je l’avais dans la peau ! Mais aujourd’hui, tout a changé ; le destin s’en est pris à moi ; quelle a été ma faute, mon Dieu ? Quel mauvais esprit avait pris possession de mon corps ? Je suis déchue, je suis déçue, je suis déprimée, je suis haineuse, je suis malheureuse. Ma vie a été détruite en une journée...
Marie-Antoinette MBELLA, 32 ans et jadis journaliste la plus prisée d’une chaine télévisée au Cameroun, à Yaoundé. Aujourd’hui je broie du noir. Aux oubliettes je me retrouve, dans l’enfer je suis bien installée. Je n’ai plus rien, mon cœur est meurtri ! que Mort vienne frapper à ma porte ! Pourquoi me faire marcher sur les rives de la géhenne ? Il s’est fallu d’un jour pour tout perdre, d’un jour pour sentir dans ma chair la douleur terrestre. Oh seigneur ! Je ne suis pourtant pas née handicapée, mais je le suis. Où sont mes membres ? Ma jambe gauche ? Mon bras droit ? J’étouffe encore en sanglot, il est 10 heures et c’est l’heure à laquelle Jennifer, ma boniche vient me donner le petit déjeuner. Je me précipite à nettoyer du revers de ma seule main mon visage. Je fais déjà assez pitié. Cela ne sert à rien de remuer le couteau dans ma plaie saignante et béante. J’étais allongée sur le lit quand la porte de ma chambre s’ouvrit grandement, je sursautai.
Jennifer : Bonjour Madame ! Votre petit déjeuner ! Aujourd’hui, c’est du pain au lait et du café chaud. Dit-elle en s’approchant de la table de ma chambre qu’elle s’arrangea à pousser jusqu’au seuil du lit dans lequel j’étais couchée.
Moi : Merci Jennifer ! bien le bonjour à toi.
Jennifer : Puis-je vous aider ?
Moi : Non je me débrouillerai. Lançai-je le visage froncé. C’est quoi cette manie de toujours avoir de la commisération envers un handicapé ? Je ne veux pas de la pitié, je suis encore capable de manger toute seule.
Cette histoire lugubre commença une matinée. Un soleil doux tripotaillait mon corps et les couleurs du ciel étaient des plus belles, des voluptés de nuages fins tourbillonnaient, poussés par une bise qui caressa ma peau. Cette journée s’annonçait pourtant très belle ! Je ne pus imaginer un moment que tout mon bonheur allait s’écrouler en un clic, en une seconde, en une minute, en une journée ! Quel diable s’était incrusté dans ma famille deux ans plus tôt ?
Ce jour-là, Ernest mon mari vint nous chercher mon fils Dagobert et moi comme chaque week-end. Ernest était un homme d’affaires et ne pouvait passer du temps avec sa famille que le week-end ; tout comme moi, car mon métier de journaliste me prenait beaucoup de temps : entre paperasses et descentes sur le terrain pour toucher du doigt les réalités humaines, je n’avais pas une seule seconde pour moi ni pour ma famille. Passion du métier quoi ! Nous étions tout heureux d’effectuer ce voyage à la plage de Limbe dans la Toyota noire de mon Ernest, un homme attentionné, plein d’amour, mignon il l’était réellement. Il s’est fallu de peu pour qu’on le confonde à l’acteur anglais Jason STATHAM. Il était 12 heures et nous avions déjà effectué une heure de route. Soudain, j’entendis un bruit assourdissant suivi des cris ahurissants de mon fils de quatre ans. Juste au moment où j’essayai de comprendre ce qui se passait, mes paupières se fermèrent et ne s’ouvrirent que quand il était 20 heures. J’étais couchée inerte dans un lit et une femme en tenue blanche me scrutait de près. J’essayai de bouger mon corps, mais aucun de mes membres ne répondait à ma volonté. Je ne pouvais pas non plus bouger ma tête, car elle était comme coincée dans une minerve. Une odeur de médicaments frappa mes narines, je réalisai alors que j’étais dans un hôpital et que la dame en blanc était une infirmière et non l’ange qui était dans mon rêve.
Moi : Où suis-je ? Pourquoi je n’arrive plus à bouger ? L’infirmière avec un regard désolé appela le médecin qui arriva la seconde d’après.
Docteur : Madame la journaliste ! Content de vous voir réveillée !
Moi : Dites-moi Docteur pourquoi je ne peux pas bouger ? Suis-je paralysée ? Que s’est-il passé ? Où est mon mari ? Mon fils ? Je ne contrôlais plus le flux de larmes qui ruisselaient sur mon corps paralysé.
Docteur : Humm la situation est catastrophique, mais l’essentiel est que vous soyez en vie, vous aurez quelques mois de rééducation.
Moi : Non ! Je veux tout savoir maintenant ! Parlez-moi Docteur. Que s’est-il passé ? J’ai le droit de savoir !
Docteur : Vous avez été victime d’un très grave accident de circulation. Une collision entre une semi-remorque et la Toyota de votre mari. Votre mari et votre fils ne s’en sont pas sortis. Quant à vous, on n’a pas eu d’autres solutions que de vous amputer la jambe gauche et la main droite afin de vous maintenir en vie. C’est-à-dire...
Moi : Fermez-la! Ne prononcez plus aucun mot ! m’écriai-je avec de folles larmes dans les yeux !
Ce matin-là, j’avais tout : ma famille, mon travail, ma jambe gauche et mon bras droit. En un laps de temps, j’avais tout perdu. Ce soir-là, je me retrouvai sans rien : ni mari, ni fils, ni travail bref plus de famille et plus de membres. Tout s’est déroulé à la vitesse d’un éclair. Je n’étais plus qu’une morte ambulante.
Aujourd’hui, deux années se sont écrasées et j’ai toujours le cœur meurtri. Comment oublier tout ça ? Pourquoi moi ? Pourquoi la mort ne m’a-t-elle pas aussi emportée ? Ne suis-je pas aussi l’enfant du seigneur ? J’ai appris à vivre ainsi et maintenant avec l’aide des miens, je me suis enfouie dans la bible, elle reste mon seul refuge. Moi, Marie-Antoinette, ex-journaliste, athée jusqu’à l’os ! après ma tragédie, j’ai appris à vivre amèrement avec mes membres émiettés et je n’attends plus que le jour où cette fameuse ankylose prendra possession de mon moi tout entier. Je suis une condamnée à mort, peut-être c’était de moi que faisait allusion Victor Hugo à travers son personnage principal dans son œuvre intitulée le dernier jour d’un condamné. Peut-être j’aurais tout de même préféré être à sa place. Parfois, on se dit : « Au lieu de vivre dans une souffrance inextricable, la mort serait sans doute un meilleur châtiment », mais la vie reste précieuse. Si Dieu a permis que j’aie une seconde chance, je crois qu’il y’a une raison à cela, raison qui m’a maintenu en vie jusqu’à présent.
On a tendance à l’oublier : une vie peut changer en un coup de baguette. Il y en a qui quitte de l’aval à l’amont sans transition, mais le contraire est possible. Comme quoi il faut toujours profondément remercier le Créateur à chaque fois qu’on ouvre les yeux le matin et qu’on les ferme la nuit.
Moi, Marie-Antoinette MBELLA, je suis émiettée jusqu’aux os, mais je répète à chaque fois : « la chute d’un homme n’est pas la fin de sa vie ; l’important n’est pas de tomber, mais d’avoir le courage de se relever même après une chute libre. J’essayerai de me relever coûte que vaille ! cette vie n’aura jamais raison de mon être ».