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Histoires Jeunesse - 11-14 Ans (Cycle 4)
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La mousse recouvrait mes vêtements. Pendant la nuit, quand aucun œil ne l'observait, le lichen se refermait avec une infinie lenteur sur les dormeurs qui s'aventuraient dans cette forêt sans n'avoir rien à y faire. Mais j'avais appris à me réveiller à intervalles réguliers pour me débarrasser de cette couche verte avant qu'elle ne m'étouffe.
Je repris mon périple après une maigre collation de champignons séchés. Ma boussole tournait de façon chaotique. Plus je m'enfonçais dans ces bois, plus ce phénomène s'accentuait. Cela aurait alarmé un chasseur mal préparé, mais j'avais su questionner les bonnes personnes avant mon départ :
— Là-bas, les roches dérèglent le champ magnétique, se déplacent dès que tu leur tournes le dos et t'hypnotisent de leurs reflets.
Pour m'orienter, je devais donc me fier aux minces rayons du soleil, filtrés par la canopée. Je suivais aussi les traces des créatures que je cherchais. Des empreintes que la terre n'aurait pas encore englouties, des lacérations sur les écorces.
Trois sifflements au loin me firent sursauter. Une envolée de corneilles s'ensuivit. Que m'avait-on appris sur ce son ? J'attrapai mon carnet empli de notes. Mes doigts feuilletèrent rapidement les pages, jusqu'aux informations que j'avais arrachées à un chasseur aguerri.
« Des cris stridents ? Une chauve-souris troublée dans son sommeil. Ne surtout pas regarder son arbre. Elle s'assurerait que les pupilles ayant osé la déranger ne puissent jamais répéter leur affront. »
Malgré cela, les traces que je suivais m'indiquaient cette direction. Je continuai en fixant intensément le sol pour ne pas risquer de poser les yeux au mauvais endroit.
Les lianes d'un saule en profitèrent pour m'effleurer le crâne. Je m'empressai de m'en dégager.
— Les gouttes de pluie qui en ruissellent te font perdre tes esprits, avait relaté un tailleur d'appeaux à contrecœur.
Selon lui, aucun gamin de mon âge n'aurait dû s'aventurer dans ces bois.
Soudain, je sentis une poigne se refermer sur ma cheville. La peur me saisit. Le temps que je dégage les fougères pour voir ce qui m'entravait, la prise se resserrait déjà dangereusement. Une racine !
Pas question de la sectionner avec ma machette. Les arbres ne m'auraient jamais pardonné cette blessure. Je m'attelai donc à la dénouer délicatement.
C'est à ce moment que le bruissement que je guettais depuis des jours se fit entendre. On m'avait maintes fois décrit ce son.
— L'impression qu'un fantôme est sorti de son silence, m'avait dit une marchande de fourrures.
— Un souffle si furtif que tu croiras l'avoir rêvé, m'avait assuré un homme éborgné, qui ne m'avait pas révélé quelle créature l'avait balafré.
Je m'engageai vers le bruit, avec méticulosité malgré les battements affolés de mon cœur. Mes doigts trouvèrent mon lance-pierre accroché dans mon dos. C'était une bien fragile arme, à côté des arcs, des pièges et des couteaux empoisonnés dont s'équipaient de nombreux chasseurs.
Je guettais le moindre indice quand mes yeux s'arrêtèrent sur une cicatrice profonde en travers d'un tronc. J'osai l'effleurer du bout des doigts et constatai que ce qui l'avait tracée avait laissé une traînée de mousse, différente de celle qui couvrait naturellement l'arbre, plus claire et plus chaude. La balafre était récente. Le rythme de mon cœur s'accéléra davantage. Je n'étais plus capable de déterminer si je tremblais de peur ou d'excitation.
Je n'eus pas le temps de faire un pas de plus. Il apparut en un instant.
Certains chasseurs passaient toute leur vie à essayer d'apercevoir ce spectacle. Parmi les fûts se dressait un cerf dont les bois se mêlaient à la forêt. Ils étaient faits de mousse et de feuilles, qui roussissaient à l'automne et verdissaient au printemps.
L'animal était plus majestueux que tout ce que j'avais imaginé. Comme si, malgré tous les renseignements que j'avais glanés, une part de moi avait cru qu'il ne s'agissait que d'une légende. Pourtant, la symbiose entre faune et flore se trouvait bel et bien devant mes yeux.
Un seul des bois de ce cerf valait de l'or. Les guérisseurs voulaient en tirer des propriétés médicinales, les artisans voulaient y tailler les meilleurs outils, les croyants voulaient s'en faire des talismans. Un chasseur qui rentrerait au village avec une telle carcasse pourrait s'offrir une vie de richesse.
Discrètement, je glissai les doigts dans la bourse pendue à ma taille, y attrapant l'une des billes extraordinaires que j'avais fait confectionner pour ce voyage. Trouver une ensorceleuse capable d'accéder à cette demande avait été l'étape la plus difficile dans la préparation de ma quête. J'avais pourtant fini par obtenir ces précieuses sphères magiques.
J'en glissai une dans mon lance-pierre et en tendis la corde.
Je visai l'animal et retins mon souffle. Il tourna la tête vers moi, avec un regard perçant. Pendant un instant, je craignis qu'il prenne la fuite.
Je tirai.
Ces dernières années avaient vu se décupler le nombre de chasseurs ayant tenté de capturer cette légende vivante. Or, après avoir entendu une myriade de récits sur cette forêt et les animaux qui la peuplaient, j'avais acquis la certitude que ce cerf était vital pour l'équilibre étrange de cet écosystème.
La bille toucha le cerf comme une goutte de pluie explosant à la surface de l'eau, sans bruit et sans douleur. Une poudre argentée entoura l'animal d'une brume, qui retomba presque aussitôt. Le cerf s'éloigna sereinement. Il ne portait aucune trace de ce qui venait de l'atteindre.
Il ne me restait plus qu'à souhaiter l'efficacité de ce sort de protection, censé éloigner même les plus obstinés des chasseurs. Et à partir en quête d'autres êtres à immuniser.
Je repris mon périple après une maigre collation de champignons séchés. Ma boussole tournait de façon chaotique. Plus je m'enfonçais dans ces bois, plus ce phénomène s'accentuait. Cela aurait alarmé un chasseur mal préparé, mais j'avais su questionner les bonnes personnes avant mon départ :
— Là-bas, les roches dérèglent le champ magnétique, se déplacent dès que tu leur tournes le dos et t'hypnotisent de leurs reflets.
Pour m'orienter, je devais donc me fier aux minces rayons du soleil, filtrés par la canopée. Je suivais aussi les traces des créatures que je cherchais. Des empreintes que la terre n'aurait pas encore englouties, des lacérations sur les écorces.
Trois sifflements au loin me firent sursauter. Une envolée de corneilles s'ensuivit. Que m'avait-on appris sur ce son ? J'attrapai mon carnet empli de notes. Mes doigts feuilletèrent rapidement les pages, jusqu'aux informations que j'avais arrachées à un chasseur aguerri.
« Des cris stridents ? Une chauve-souris troublée dans son sommeil. Ne surtout pas regarder son arbre. Elle s'assurerait que les pupilles ayant osé la déranger ne puissent jamais répéter leur affront. »
Malgré cela, les traces que je suivais m'indiquaient cette direction. Je continuai en fixant intensément le sol pour ne pas risquer de poser les yeux au mauvais endroit.
Les lianes d'un saule en profitèrent pour m'effleurer le crâne. Je m'empressai de m'en dégager.
— Les gouttes de pluie qui en ruissellent te font perdre tes esprits, avait relaté un tailleur d'appeaux à contrecœur.
Selon lui, aucun gamin de mon âge n'aurait dû s'aventurer dans ces bois.
Soudain, je sentis une poigne se refermer sur ma cheville. La peur me saisit. Le temps que je dégage les fougères pour voir ce qui m'entravait, la prise se resserrait déjà dangereusement. Une racine !
Pas question de la sectionner avec ma machette. Les arbres ne m'auraient jamais pardonné cette blessure. Je m'attelai donc à la dénouer délicatement.
C'est à ce moment que le bruissement que je guettais depuis des jours se fit entendre. On m'avait maintes fois décrit ce son.
— L'impression qu'un fantôme est sorti de son silence, m'avait dit une marchande de fourrures.
— Un souffle si furtif que tu croiras l'avoir rêvé, m'avait assuré un homme éborgné, qui ne m'avait pas révélé quelle créature l'avait balafré.
Je m'engageai vers le bruit, avec méticulosité malgré les battements affolés de mon cœur. Mes doigts trouvèrent mon lance-pierre accroché dans mon dos. C'était une bien fragile arme, à côté des arcs, des pièges et des couteaux empoisonnés dont s'équipaient de nombreux chasseurs.
Je guettais le moindre indice quand mes yeux s'arrêtèrent sur une cicatrice profonde en travers d'un tronc. J'osai l'effleurer du bout des doigts et constatai que ce qui l'avait tracée avait laissé une traînée de mousse, différente de celle qui couvrait naturellement l'arbre, plus claire et plus chaude. La balafre était récente. Le rythme de mon cœur s'accéléra davantage. Je n'étais plus capable de déterminer si je tremblais de peur ou d'excitation.
Je n'eus pas le temps de faire un pas de plus. Il apparut en un instant.
Certains chasseurs passaient toute leur vie à essayer d'apercevoir ce spectacle. Parmi les fûts se dressait un cerf dont les bois se mêlaient à la forêt. Ils étaient faits de mousse et de feuilles, qui roussissaient à l'automne et verdissaient au printemps.
L'animal était plus majestueux que tout ce que j'avais imaginé. Comme si, malgré tous les renseignements que j'avais glanés, une part de moi avait cru qu'il ne s'agissait que d'une légende. Pourtant, la symbiose entre faune et flore se trouvait bel et bien devant mes yeux.
Un seul des bois de ce cerf valait de l'or. Les guérisseurs voulaient en tirer des propriétés médicinales, les artisans voulaient y tailler les meilleurs outils, les croyants voulaient s'en faire des talismans. Un chasseur qui rentrerait au village avec une telle carcasse pourrait s'offrir une vie de richesse.
Discrètement, je glissai les doigts dans la bourse pendue à ma taille, y attrapant l'une des billes extraordinaires que j'avais fait confectionner pour ce voyage. Trouver une ensorceleuse capable d'accéder à cette demande avait été l'étape la plus difficile dans la préparation de ma quête. J'avais pourtant fini par obtenir ces précieuses sphères magiques.
J'en glissai une dans mon lance-pierre et en tendis la corde.
Je visai l'animal et retins mon souffle. Il tourna la tête vers moi, avec un regard perçant. Pendant un instant, je craignis qu'il prenne la fuite.
Je tirai.
Ces dernières années avaient vu se décupler le nombre de chasseurs ayant tenté de capturer cette légende vivante. Or, après avoir entendu une myriade de récits sur cette forêt et les animaux qui la peuplaient, j'avais acquis la certitude que ce cerf était vital pour l'équilibre étrange de cet écosystème.
La bille toucha le cerf comme une goutte de pluie explosant à la surface de l'eau, sans bruit et sans douleur. Une poudre argentée entoura l'animal d'une brume, qui retomba presque aussitôt. Le cerf s'éloigna sereinement. Il ne portait aucune trace de ce qui venait de l'atteindre.
Il ne me restait plus qu'à souhaiter l'efficacité de ce sort de protection, censé éloigner même les plus obstinés des chasseurs. Et à partir en quête d'autres êtres à immuniser.
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Illustration : Mathilde Ernst