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Un matin, il était là.
Énorme, noir des pattes jusqu'au bec, le corps luisant et les plumes lissées... Il se tenait sur la plus haute branche de l'arbre, juste en face de ma chambre située au premier étage.
Je ne le remarquai d'abord pas vraiment, rien de plus qu'une ombre fugace sur le bord extérieur de ma vision.
Et puis les choses changèrent, petit à petit.
Chaque jour en me réveillant, je le découvrais sur son perchoir, serein, attendant je ne sais quoi. Il m'observait fixement sans montrer une once de lassitude et dès que nos regards se croisaient, il me saluait d'un vif croassement ou d'un hochement de bec.
Le temps passant, il se rapprochait de plus en plus de la vitre et je m'inquiétais moins de sa sombre et mystérieuse présence. De fait, avant que je n'en prenne conscience, nous étions entrés tous les deux dans une certaine routine. Dès qu'il m'apercevait, il s'annonçait d'un cri bref et je lui répondais poliment d'un timide « bonjour » ou d'un geste de la main. Je restais toutefois impressionné par sa régularité, car jamais il ne manquait notre tête-à-tête familier.
Je découvris bientôt que mon insolite compagnon avait également l'oreille musicale et des goûts plutôt marqués en la matière.
Ce jour-là, j'étais en train d'écrire à mon bureau et comme d'habitude, j'accompagnais toujours mes sessions de travail d'une musique reflétant mon humeur. Mon choix s'était alors porté sur les Gymnopédies de Satie et je ne remarquai rien d'anormal avant d'aller tirer les rideaux en fin de journée. À ma grande surprise, je vis de mystérieux fragments de porcelaines dorées sur le rebord de la fenêtre. Je soupçonnai tout de suite mon nouvel ami, mais ne compris pas sur le moment la raison de ces offrandes.
Je retrouvais souvent par la suite divers objets, toujours au même endroit : perles bigarrées, fragments de verre ou de miroir dépolis, ainsi qu'un ankh en argent que je pensais perdu à jamais. L'explication me parut sur le coup incroyable, mais je finis par en accepter l'idée farfelue... Je ne recevais de cadeaux qu'après avoir passé un morceau joué exclusivement au piano. Un corbeau mélomane, pourquoi pas ?
Un après-midi, résolu à prendre celui-ci sur le fait, je me dissimulai près de la fenêtre après avoir lancé la Sonate au Clair de Lune de Beethoven. Je retins mon souffle et ne bougeai plus en le voyant arriver discrètement derrière les carreaux. Il déposa quelque chose de brillant à l'emplacement habituel avant de se figer sur place. J'eus peur qu'il m'eût repéré, mais ça ne semblait pas être le cas. Aussi dingue que cela puisse paraître, je jure l'avoir vu fermer ses petits yeux noirs pour s'absorber dans la lente mélodie ! Celle-ci terminée, il cligna plusieurs fois de ses surprenantes paupières blanches puis repartit comme il était venu. J'étais néanmoins stupéfait devant cette scène. Celle-ci dépassant de loin mes croyances au sujet de ces oiseaux si particuliers que d'aucuns prétendent très intelligents.
À partir de ce moment, son comportement changea manifestement. Il prit en effet l'habitude de cogner à la vitre quand je n'étais pas dans la pièce afin de m'y faire venir pour notre salut quotidien. Si je tardais trop pour répondre, il s'ébrouait en graillant dès que je pointais le bout du nez, comme s'il m'adressait des reproches. Il regagnait ensuite sa place, drapé dans sa dignité et le dos tourné pour mieux signifier sa contrariété. Son impatiente insistance à chercher ma compagnie ainsi que ses bouderies lui donnaient un air aussi comique qu'attachant et je ne m'en souciais pas davantage.
Pourtant un matin les choses prirent une tournure beaucoup plus étrange, plus inquiétante... franchement moins amicale.
C'était l'été et pour profiter de la douce fraîcheur de la nuit, j'avais laissé la fenêtre ouverte. Bercé par le chant du vent dans les branches, je m'endormis rapidement. Quelle ne fut pas ma surprise de le découvrir au réveil non loin de moi ! Installé tranquillement sur le rebord de mon lit, il me fixait d'un air froid et posé. L'esprit encore embrumé par le sommeil, je l'observai à mon tour une poignée de secondes avant de pousser le plus effroyable hurlement de ma vie ! À en juger par la vitesse à laquelle il s'envola, laissant quelques plumes derrière lui, il dut être aussi terriblement surpris.
Coi, je restai immobile, bouche bée, le cœur battant à tout rompre et une sueur des plus glacées me couvrant rapidement le corps. La peur et le sentiment d'urgence que je ressentis à cet instant ne me quittèrent pas avant des heures.
Un brin traumatisé par cette intrusion, je pris la résolution rigoureuse de fermer tant les volets que ma fenêtre avant la tombée de la nuit. Après cela, je ne le revis plus pendant longtemps.
Et un jour, il était de nouveau là.
Patientant sur sa branche comme si de rien n'était. Le regard pourtant plus dur, menaçant, il me dévisageait en silence avec un air farouchement déterminé.
Maintenant, je commence à avoir sérieusement peur...
Aujourd'hui à mon réveil, il y avait un autre corbeau qui m'épiait avec lui.
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Pourquoi on a aimé ?
Cette histoire à l'atmosphère hitchockienne n'a rien a envier au maître du suspense ! D'une rencontre touchante, soulignant l'intelligence et la
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