Les Ombres des Fées

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Prenez une fan de fantasy et de SF, ajoutez ses passions diverses et variées, son expérience dans l'enseignement et son habitude d'écrire des fanfictions en anglais, et voilà ce que cela donne !

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Les fées sont invisibles à l'œil humain, mais la lumière a le don de révéler les plus épais mystères. Ainsi, lorsque la lumière du soleil est réfléchie ou lorsque la lune brille, les ombres des fées sont perceptibles aux âmes les plus attentives et ouvertes d'esprit.
Éléonore est de celles-là. Elle partage ce don avec bon nombre d'enfants. Il est plus rare que cela perdure au-delà de l'adolescence. Parmi ceux pour lesquels c'est le cas, Éléonore a rencontré de nombreux artistes inspirés par les ombres.
En ce qui la concerne, elle se contente d'observer. Les fées sont ses voisines. Elles mènent tranquillement leurs vies, tout comme elle, et il serait malpoli de se mêler de leurs affaires.
D'autant que les fées sont malicieuses. Oh, celles du Bois Fleuri se contentent de vous jouer quelques tours lorsqu'elles ne vous aiment pas, loin des crimes de leurs semblables mal lunées. Mais, monsieur Leboucher ne s'était toujours pas totalement remis de l'échelle qui lui était tombé dessus lorsqu'il était passé en-dessous... Ah, les superstitions avaient la vie dure grâce à ces fées.
Éléonore les aimaient bien. Dans son jardin, un couple élevait leur enfant né au printemps. La famille vivait lovée dans les branches les plus hautes de l'abricotier. Leurs ombres s'étalaient parfois jusque sur la terrasse : le père portait souvent son rejeton sur ses épaules et la mère lui entretenait les ailes.
C'était de bons voisins. Ils ne lui subtilisaient des victuailles qu'en hiver, lorsque le jardin se vidait des fleurs et fruits dont ils raffolaient. Éléonore détournait les yeux. Elle pouvait se permettre de soutenir leur famille avec quelques grains de raisin et une petite pomme de terre par ci par là. Lorsqu'elle n'avait rien à leur taille, elle découpait des fruits et légumes et les laissaient traîner près de la fenêtre entrouverte.

C'est cette fenêtre qu'Éléonore vint fermer un beau soir avant d'aller se coucher. La cuisine n'était éclairée que par la lueur de la pleine lune. Le rectangle de lumière s'étalait sur l'îlot central et Éléonore se figea en apercevant l'ombre d'une fée s'agitant de droite à gauche. Voilà qui était bien étrange.
Elle n'avait jamais cru en l'idée que les fées pouvaient vous jeter des sorts – effrayer des animaux était l'un de leur passe-temps favori en revanche –, mais quand même, que fabriquait-elle ?

Éléonore s'avança prudemment et tendit le cou vers la fenêtre.
Des rayons de lune brillèrent sur les fils discrets d'une large toile d'araignée s'étirant sur un coin supérieur de l'embrasure. La fée s'était pris dans la toile.
— Eh bien, voilà qui n'est pas très malin.
Éléonore secoua la tête de consternation. Elle qui n'avait pas l'habitude de se mêler des affaires des fées, hésita à déroger à sa règle.
Dans le silence de la nuit, elle entendit un léger pépiement effrayé. Seul le son des plus jeunes fées était audible à l'oreille humaine, facilement confondu pour un oiselet.
— Oh ! tu es leur bébé.
Elle jeta un coup d'œil à l'ombre. En effet, il paraissait petit, bien que la taille d'une ombre était toujours difficile à juger.
Attendrie et comprenant mieux cette inhabituelle erreur de jugement, Éléonore soupira et ouvrit la fenêtre en grand. Comment allait-elle bien pouvoir l'aider sans pouvoir le voir ?

Après un instant de réflexion, elle alla chercher un torchon et l'utilisa pour récupérer toute la toile avec ses mains en coupe.
Lorsqu'elle le posa sur l'îlot central, la silhouette de la fée confirma qu'elle l'avait bien récupérée et que l'enfant était maintenant empêtré au cœur du nid de tissu et de toile.
Éléonore remplit une coupelle d'eau bien tiède et la déposa près du torchon, non loin de l'assiette de pommes coupées.
— J'espère que tu vas réussir à te laver tout seul, car je ne te donnerai pas le bain.
Avec les mains sur les hanches, elle jeta un coup d'œil à sa fenêtre. Elle allait devoir laisser la fenêtre ouverte pour la nuit. Heureusement que l'hiver avait laissé derrière lui ses dernières gelées.
Elle alla se coucher. Les fées étaient débrouillardes. Nul doute que les parents viendraient chercher leur rejeton s'il ne rentrait pas à temps.
Le lendemain matin, Éléonore fut réveillée par le pépiement des oiseaux. Elle appréciait beaucoup la diversité des animaux vivant en bordure de son jardin entouré de haies et parsemé d'arbres, mais elle n'était pas lève-tôt. Elle se retourna dans son lit avec un grommellement mécontent, tirant la couette par-dessus sa tête.
Un pépiement juste dans l'oreille et elle se réveilla en sursaut, repoussant ses draps et ouvrant les yeux en catastrophe pour se retrouver nez à nez avec... rien du tout.
A tâtons, elle alluma sa lampe de chevet en verre bullé pour éclairer sa chambre sombre. Sur les murs pastels, des ombres s'étirèrent démesurément, formant des silhouettes inquiétantes qui auraient provoqué une crise de panique chez le commun des mortels.
Éléonore les compta.
Six.
— Ma fenêtre ouverte n'était pas une invitation à emménager toute la famille étendue, grommela-t-elle.
Le pépiement retentit de nouveau à son oreille. Elle réalisa que sur l'épaule de son ombre trônait un petit bout de chou.
Elle eut un soupir de résignation.
Sa sœur avait des chats qui s'étaient invités chez elle un beau jour pour ne plus jamais partir.
Apparemment, Éléonore, elle, aurait des fées.

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Image de Les Ombres des Fées
Illustration : Pablo Vasquez

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