J'ai vibré en écho à tes vagues électriques,
Replié l'étendard à l'ombre de tes draps,
Mes pensées envolées en rêves
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Le jour parut enfin ! C'étaient les mêmes lieux
– Couverts de débris, de morts – mais silencieux
Et le même ciel gris, morne et froid. Vint le doute :
On n'osait croire encore à l'énorme déroute
Des troupes de Russie aux uniformes blancs
Qui hier faisaient face aux Français sur leur flanc.
Le brouillard enneigé et la tempête épaisse
Faite de vent glacé, la neige qui s'affaisse,
Ne purent arrêter la charge de Murat
Haranguant ses dragons avec sa hardiesse,
Entraînant ses hussards vaincre les scélérats.
Cuirassiers, chasseurs avaient le cœur en liesse,
Eux aussi galopaient dans ses rangs, sabre au clair :
Dix mille cavaliers frappèrent tel l'éclair
De taille ou bien d'estoc, le cœur plein de furie !
L'Histoire retiendra d'Eylau « La Boucherie » :
Vision de l'horreur, dégoût des combattants
Face au sol prussien jonché de corps sanglants.
J'étais là, parmi eux, du fait de la blessure
Très profonde à ma tête, horrible signature
D'un sabre ou d'un boulet semblable à celui qui
Faucha mon cheval bai, au dévouement acquis.
Le mal dont je fus pris fut la catalepsie.
Un brancardier conclut, sans dire d'ineptie,
Que je serais jeté dans la fosse aux soldats
Sans aucun vêtement, sans la pudeur d'un drap.
Quand je revins à moi, sous un tas de cadavres,
Je n'avais qu'une idée, accéder à mon havre,
Mon fier régiment, ce cocon paternel,
Étreindre ses battants d'un élan fraternel.
Je voulus me mouvoir, ne trouvai point d'espace,
La rareté de l'air m'explosait à la face :
J'allais mourir ici, au creux de ce tombeau
Au silence aveuglant, sous le poids des chevaux !
Levant les mains, tâtant les morts, je « vis » le vide
Entre ma tête et le fumier humain. Je pus
Donc jauger l'espace, dans la fosse putride,
Laissé par un hasard aux motifs inconnus.
Je rencontrai un os grâce auquel, avec rage
J'espérais mon salut. Je reprenais courage,
Travaillais le cadavre avec habileté,
Qui me cachait la terre et les cailloux jetés
Sur nous, rugueuse et si pudique couverture.
Enfin je vis le jour à travers l'ouverture
Offerte par la neige acceptant le soleil !
J'espérais sortir dans le plus simple appareil.
Mon appui, c'étaient les défunts aux reins solides ;
Quelquefois je glissais, mes pieds trouvaient le vide,
Et je criai aussi longtemps que je le pus,
J'avais bien peu de chance alors d'être entendu.
Pourtant je fus sauvé par une femme hardie
Sensible à ma tête, qui tel un champignon,
Semblait avoir poussé, bien qu'encore engourdie,
Hors de terre. La femme héla son compagnon,
Ils me transportèrent dans leur pauvre baraque.
J'y demeurais six mois, moribond puis patraque,
Quand, par un beau matin, bien loin de cet hiver
Je me souvins, j'étais le colonel Chabert !
– Couverts de débris, de morts – mais silencieux
Et le même ciel gris, morne et froid. Vint le doute :
On n'osait croire encore à l'énorme déroute
Des troupes de Russie aux uniformes blancs
Qui hier faisaient face aux Français sur leur flanc.
Le brouillard enneigé et la tempête épaisse
Faite de vent glacé, la neige qui s'affaisse,
Ne purent arrêter la charge de Murat
Haranguant ses dragons avec sa hardiesse,
Entraînant ses hussards vaincre les scélérats.
Cuirassiers, chasseurs avaient le cœur en liesse,
Eux aussi galopaient dans ses rangs, sabre au clair :
Dix mille cavaliers frappèrent tel l'éclair
De taille ou bien d'estoc, le cœur plein de furie !
L'Histoire retiendra d'Eylau « La Boucherie » :
Vision de l'horreur, dégoût des combattants
Face au sol prussien jonché de corps sanglants.
J'étais là, parmi eux, du fait de la blessure
Très profonde à ma tête, horrible signature
D'un sabre ou d'un boulet semblable à celui qui
Faucha mon cheval bai, au dévouement acquis.
Le mal dont je fus pris fut la catalepsie.
Un brancardier conclut, sans dire d'ineptie,
Que je serais jeté dans la fosse aux soldats
Sans aucun vêtement, sans la pudeur d'un drap.
Quand je revins à moi, sous un tas de cadavres,
Je n'avais qu'une idée, accéder à mon havre,
Mon fier régiment, ce cocon paternel,
Étreindre ses battants d'un élan fraternel.
Je voulus me mouvoir, ne trouvai point d'espace,
La rareté de l'air m'explosait à la face :
J'allais mourir ici, au creux de ce tombeau
Au silence aveuglant, sous le poids des chevaux !
Levant les mains, tâtant les morts, je « vis » le vide
Entre ma tête et le fumier humain. Je pus
Donc jauger l'espace, dans la fosse putride,
Laissé par un hasard aux motifs inconnus.
Je rencontrai un os grâce auquel, avec rage
J'espérais mon salut. Je reprenais courage,
Travaillais le cadavre avec habileté,
Qui me cachait la terre et les cailloux jetés
Sur nous, rugueuse et si pudique couverture.
Enfin je vis le jour à travers l'ouverture
Offerte par la neige acceptant le soleil !
J'espérais sortir dans le plus simple appareil.
Mon appui, c'étaient les défunts aux reins solides ;
Quelquefois je glissais, mes pieds trouvaient le vide,
Et je criai aussi longtemps que je le pus,
J'avais bien peu de chance alors d'être entendu.
Pourtant je fus sauvé par une femme hardie
Sensible à ma tête, qui tel un champignon,
Semblait avoir poussé, bien qu'encore engourdie,
Hors de terre. La femme héla son compagnon,
Ils me transportèrent dans leur pauvre baraque.
J'y demeurais six mois, moribond puis patraque,
Quand, par un beau matin, bien loin de cet hiver
Je me souvins, j'étais le colonel Chabert !
Entre Hugo et Balzac... un siècle de légende... Entre chez toi, Joël...!
Sinon l'écriture est belle et les images saisissantes !
Le jury a raté du bien.
Julien.