Charme d'une mouche
aguichante friandise
sur ta peau nacrée
- Tu vas voir ! c'est un petit coin tranquille, rien que pour nous deux.
Devant eux s‘étendait un tapis de verdure, une herbe si tendre qu'elle semblait exister uniquement pour les inviter à y faire la sieste ou d'autres méditations champêtres. Les fleurs multicolores s'y épanouissaient par milliers, étirant leurs pétales encore fripés du sommeil de l'hiver. Une douce brise effleurait la cime des arbres, faisant frissonner le duvet des feuillages fraîchement apparus. En contre-bas, éblouissant sous le soleil, le méandre d'un ruisseau souriait au couple d'adolescents, ravi d'entendre l'eau chanter d'une voix cristalline ces premiers jours de printemps.
C'était un endroit romantique à souhait comme seuls les jeunes amoureux savent en dénicher un afin de partager leur émoi en toute intimité.
Séduite par la quiétude naturelle du lieu, la jeune fille sourit au garçon, puis embrassa du regard ce paysage bucolique, d'une beauté si paisible. Lui, la dévorait des yeux et rêvait plutôt de l'embrasser, elle. Mais l'audace des premiers amours est ainsi faite qu'ils s'assirent simplement côte à côte. Main dans la main, ils se firent les yeux doux, échangèrent des mots bêtes, et en rirent tout autant. Timide et maladroit, il était en train de lui conter fleurette lorsque soudain inquiète, elle se dressa, regardant de toute part, l'air effrayé, proche de la panique.
- J'ai entendu du bruit... quelqu'un nous observe, j'en suis sûre !
Le garçon, prenant alors son courage à deux mains, cacha sa propre anxiété derrière la fierté à devoir jouer les preux chevaliers devant sa dulcinée. Il se redressa à son tour et observa les environs. D'un œil inquisiteur, il examina les rives du cours d'eau, inspecta l'orée du bois et scruta jusqu'au moindre buisson...sans rien trouver de suspect. Aucun intrus en vue.
Pourtant, juste derrière eux, un couple de sauterelles que tout ce remue-ménage ne perturbe aucunement, a bien l'intention de mener à terme un acte de reproduction des plus torrides. Cela ne dérange pas davantage un criquet croquignolet d'espionner leurs ébats et, devant une si chaude partie de pattes en l'air, se mettre à rougir comme un grillon.
Plus à droite dans le fourré, enhardi par cette chevauchée sauvage et sans doute trop pressé d'établir sa propre renommée de bâton du diable, un phasme, encore vert, fantasme sur une aguichante brindille et cherche par une oscillante cour à lui prouver qu'il n'est pas fait de bois.
En revanche sur sa gauche, un autre Casanova sait par expérience la patience inhérente à son espèce, car, pour un doryphore, vouloir prendre maîtresse signifie monter à l'assaut d'une forteresse. De tous leurs atours blindés ne pouvant se déloquer, pour ne pas faire ceinture, batifoler en armure requiert un outillage autrement viril que la naturelle chignole dont le mâle est pourvu. Pesant de tout son attirail, il livre l'érotique bataille, palpe, tâtonne, cherche la faille de ce chitineux corsage qui emprisonne la belle. Dans un ultime effort, n'ayant ni la clef ni son trousseau, comme la chatte se dévergonde derrière la grille demeurée close, sa charnière, le sire dégonde, accédant enfin au jardin secret de la dame.
Dominant ce petit monde, une araignée s'exhibe et guette un prochain mari. Sur la toile, vantant qui en a trop fait ou inventant qui en a trophée, elle attise le mal jusqu'à ce que s'enflamment les passions. La promesse d'une extase entre huit pattes de velours émoustille le prétendant sans tête qui ne peut renoncer à ce paradis pourtant infernal, car s'il s'entête à flirter c'est au risque de la perdre définitivement dans un coït fatal avec sa future veuve.
A deux pas de là, une fête galante se déroule dans la touffeur d'un buisson nullement capillaire. Tandis que le morpion tente de coloniser la mante qui s'est laissée trousser de façon peu catholique et alors qu'un poil plus loin, les poux saillent tout ce qui peut être sauté, la puce, elle, se livre à qui voudrait gentiment la déflorer.
De nature plus terre à terre, l'audacieux lombric convie sa jeune demoiselle, en vers des plus lubriques, à lui péter sa rondelle, alors que l'insatiable ver solitaire, contre toute attente, un de ses anneaux préfère offrir à son amante. Quant au ver luisant, asticoté par tant de prouesses, il rêve d'une bacchanale tout en astiquant son fanal et allume ses congénères pour attirer le ver à soie.
Pendant ce temps, en fine fleur de la nymphomanie, les abeilles lutinent au gré des corolles printanières, passant d'ovule mielleux en clitoris pastoral. Plus folles que la guêpe mais moins frivoles que le frelon, elles rejettent le bourdon, ne lui laissant d'autre choix que de promener à grand bruit son moral de célibataire désabusé.
Imperturbable à tout ce charivari, on échange au fil des rencontres le long du chemin menant à la fourmilière, de mandibule à antenne, gaudrioles et histoires salaces : des bruits courent au palais. D'après une ouvrière qui aurait couché avec un soldat lui-même intime d'une servante particulièrement appréciée d'une princesse qui fait parfois des gâteries à un des amants proche du nid royal, des bruits d'alcôve sous-entendraient que la reine, devenue accro à l'acide, fornique à tout-va.
C'est alors qu'interrompant ces potins de première bourre, la ligne de communication fut coupée par une bête à deux dos de couleur rouge à pois noirs, déboulant des herbes folles en d'audacieux roulés-boulés. De telles galipettes n'empêchent pourtant pas les coccinelles de prendre leurs tâches au sérieux. Ces demoiselles mettent en effet un point d'honneur à unir leurs taches en points de suspension, assurant ainsi toutes leurs chances, en tant que bêtes à bon dieu, d'élever au septième ciel leur éphémère relation.
Encore plus haut dans les airs, un groupe de lépidoptères batifole. Des apollons s'affolent, frissonnent et s'effarouchent dès qu'un baiser prend son envol et papillonne entre leur bouche. Exténués par tant de voltiges amoureuses, ils viennent se reposer au bord de la rivière où deux libellules s'apprêtent à vivre leur histoire d'eau. Menottes aux collets, elles s'obligent à former un cœur de leur corps, s'attachant à libérer leur libido dans une délicate posture érotique dont le romantisme dépasse habilement son apparente nature sadique.
Mais plus que quiconque en ce bas monde, de toutes parts et par tous les temps, les mouches font l'amour. Certaines partouzent aux cabèches et s'entichent sans attache. D'autres se paluchent sous la douche en se roulant des galoches. Mais toutes s'amourachent sans pétoche. A la moindre greluche, se remontant les balloches, la mouche déballe son cinoche en guise de mise en bouche. Cependant, en fine mouche, pour un amour sans faille, chacune se soucie du plus intime détail, prenant bien soin de protéger ses arrières.
Quelles que soient les manières spécifiques à chacun de ces insectes qui grouillent à nos côtés, assurément tous les goûts sont dans la nature. Et peu importe le sens par lequel on en prend le bout puisqu'à la fin de l'histoire, immanquablement, le grand amour fait mouche.
Enfin rassurée par la certitude d'être bien entourée, la jeune fille se détendit et revint s'étendre dans l'herbe, se calant tendrement dans les bras protecteurs de son amoureux qui lui murmura dans le cou :
- Je te l'avais dit... il n'y a pas de coin plus tranquille... rien que toi et moi.
Devant eux s‘étendait un tapis de verdure, une herbe si tendre qu'elle semblait exister uniquement pour les inviter à y faire la sieste ou d'autres méditations champêtres. Les fleurs multicolores s'y épanouissaient par milliers, étirant leurs pétales encore fripés du sommeil de l'hiver. Une douce brise effleurait la cime des arbres, faisant frissonner le duvet des feuillages fraîchement apparus. En contre-bas, éblouissant sous le soleil, le méandre d'un ruisseau souriait au couple d'adolescents, ravi d'entendre l'eau chanter d'une voix cristalline ces premiers jours de printemps.
C'était un endroit romantique à souhait comme seuls les jeunes amoureux savent en dénicher un afin de partager leur émoi en toute intimité.
Séduite par la quiétude naturelle du lieu, la jeune fille sourit au garçon, puis embrassa du regard ce paysage bucolique, d'une beauté si paisible. Lui, la dévorait des yeux et rêvait plutôt de l'embrasser, elle. Mais l'audace des premiers amours est ainsi faite qu'ils s'assirent simplement côte à côte. Main dans la main, ils se firent les yeux doux, échangèrent des mots bêtes, et en rirent tout autant. Timide et maladroit, il était en train de lui conter fleurette lorsque soudain inquiète, elle se dressa, regardant de toute part, l'air effrayé, proche de la panique.
- J'ai entendu du bruit... quelqu'un nous observe, j'en suis sûre !
Le garçon, prenant alors son courage à deux mains, cacha sa propre anxiété derrière la fierté à devoir jouer les preux chevaliers devant sa dulcinée. Il se redressa à son tour et observa les environs. D'un œil inquisiteur, il examina les rives du cours d'eau, inspecta l'orée du bois et scruta jusqu'au moindre buisson...sans rien trouver de suspect. Aucun intrus en vue.
Pourtant, juste derrière eux, un couple de sauterelles que tout ce remue-ménage ne perturbe aucunement, a bien l'intention de mener à terme un acte de reproduction des plus torrides. Cela ne dérange pas davantage un criquet croquignolet d'espionner leurs ébats et, devant une si chaude partie de pattes en l'air, se mettre à rougir comme un grillon.
Plus à droite dans le fourré, enhardi par cette chevauchée sauvage et sans doute trop pressé d'établir sa propre renommée de bâton du diable, un phasme, encore vert, fantasme sur une aguichante brindille et cherche par une oscillante cour à lui prouver qu'il n'est pas fait de bois.
En revanche sur sa gauche, un autre Casanova sait par expérience la patience inhérente à son espèce, car, pour un doryphore, vouloir prendre maîtresse signifie monter à l'assaut d'une forteresse. De tous leurs atours blindés ne pouvant se déloquer, pour ne pas faire ceinture, batifoler en armure requiert un outillage autrement viril que la naturelle chignole dont le mâle est pourvu. Pesant de tout son attirail, il livre l'érotique bataille, palpe, tâtonne, cherche la faille de ce chitineux corsage qui emprisonne la belle. Dans un ultime effort, n'ayant ni la clef ni son trousseau, comme la chatte se dévergonde derrière la grille demeurée close, sa charnière, le sire dégonde, accédant enfin au jardin secret de la dame.
Dominant ce petit monde, une araignée s'exhibe et guette un prochain mari. Sur la toile, vantant qui en a trop fait ou inventant qui en a trophée, elle attise le mal jusqu'à ce que s'enflamment les passions. La promesse d'une extase entre huit pattes de velours émoustille le prétendant sans tête qui ne peut renoncer à ce paradis pourtant infernal, car s'il s'entête à flirter c'est au risque de la perdre définitivement dans un coït fatal avec sa future veuve.
A deux pas de là, une fête galante se déroule dans la touffeur d'un buisson nullement capillaire. Tandis que le morpion tente de coloniser la mante qui s'est laissée trousser de façon peu catholique et alors qu'un poil plus loin, les poux saillent tout ce qui peut être sauté, la puce, elle, se livre à qui voudrait gentiment la déflorer.
De nature plus terre à terre, l'audacieux lombric convie sa jeune demoiselle, en vers des plus lubriques, à lui péter sa rondelle, alors que l'insatiable ver solitaire, contre toute attente, un de ses anneaux préfère offrir à son amante. Quant au ver luisant, asticoté par tant de prouesses, il rêve d'une bacchanale tout en astiquant son fanal et allume ses congénères pour attirer le ver à soie.
Pendant ce temps, en fine fleur de la nymphomanie, les abeilles lutinent au gré des corolles printanières, passant d'ovule mielleux en clitoris pastoral. Plus folles que la guêpe mais moins frivoles que le frelon, elles rejettent le bourdon, ne lui laissant d'autre choix que de promener à grand bruit son moral de célibataire désabusé.
Imperturbable à tout ce charivari, on échange au fil des rencontres le long du chemin menant à la fourmilière, de mandibule à antenne, gaudrioles et histoires salaces : des bruits courent au palais. D'après une ouvrière qui aurait couché avec un soldat lui-même intime d'une servante particulièrement appréciée d'une princesse qui fait parfois des gâteries à un des amants proche du nid royal, des bruits d'alcôve sous-entendraient que la reine, devenue accro à l'acide, fornique à tout-va.
C'est alors qu'interrompant ces potins de première bourre, la ligne de communication fut coupée par une bête à deux dos de couleur rouge à pois noirs, déboulant des herbes folles en d'audacieux roulés-boulés. De telles galipettes n'empêchent pourtant pas les coccinelles de prendre leurs tâches au sérieux. Ces demoiselles mettent en effet un point d'honneur à unir leurs taches en points de suspension, assurant ainsi toutes leurs chances, en tant que bêtes à bon dieu, d'élever au septième ciel leur éphémère relation.
Encore plus haut dans les airs, un groupe de lépidoptères batifole. Des apollons s'affolent, frissonnent et s'effarouchent dès qu'un baiser prend son envol et papillonne entre leur bouche. Exténués par tant de voltiges amoureuses, ils viennent se reposer au bord de la rivière où deux libellules s'apprêtent à vivre leur histoire d'eau. Menottes aux collets, elles s'obligent à former un cœur de leur corps, s'attachant à libérer leur libido dans une délicate posture érotique dont le romantisme dépasse habilement son apparente nature sadique.
Mais plus que quiconque en ce bas monde, de toutes parts et par tous les temps, les mouches font l'amour. Certaines partouzent aux cabèches et s'entichent sans attache. D'autres se paluchent sous la douche en se roulant des galoches. Mais toutes s'amourachent sans pétoche. A la moindre greluche, se remontant les balloches, la mouche déballe son cinoche en guise de mise en bouche. Cependant, en fine mouche, pour un amour sans faille, chacune se soucie du plus intime détail, prenant bien soin de protéger ses arrières.
Quelles que soient les manières spécifiques à chacun de ces insectes qui grouillent à nos côtés, assurément tous les goûts sont dans la nature. Et peu importe le sens par lequel on en prend le bout puisqu'à la fin de l'histoire, immanquablement, le grand amour fait mouche.
Enfin rassurée par la certitude d'être bien entourée, la jeune fille se détendit et revint s'étendre dans l'herbe, se calant tendrement dans les bras protecteurs de son amoureux qui lui murmura dans le cou :
- Je te l'avais dit... il n'y a pas de coin plus tranquille... rien que toi et moi.
Entre autres jeux innocents, légers, aériens, en apesanteur j’ai particulièrement apprécié le passage où les coccinelles jouent à la marelle, lancent le palet jusqu’au ciel : « Ces demoiselles mettent en effet un point d'honneur à unir leurs taches en points de suspension, assurant ainsi toutes leurs chances, en tant que bêtes à bon dieu, d'élever au septième ciel leur éphémère relation. » Tout un bestiaire parade, défile comme au 14 juillet, toute une troupe armée jusqu’aux dents se meut, s’anime : des rampants, des volants, libellules et papillons, des funambules pourvus d’antennes, de mandibules déambulent, les saltimbanques se bousculent à l’entrée des artistes, entrent sur la piste, font leur show, donnent leur première représentation à ciel ouvert, à guichets fermés.
Grillons et sauterelles jouent au cricket, poux et puces font des sauts périlleux, le phasme se pâme secoué de spasmes, le ver luit de tout son éclat, son amie la luciole bioluminescente lui éclaire le chemin, la mouche botte en touche, mouche en beauté, dame le pion aux novices, dame fourmi charitable œuvre inlassablement, toujours en mouvement… dans l’agitation, le feu de l'action on n’aperçoit pas dame cigale s’éventer, il est vrai qu’il est difficile de la voir tant elle se fond dans le paysage, se confond avec l’écorce du pin parasol qui lui fait ombrage. Mutins, mutines les lutins lutinent, les abeilles butinent, dans les couloirs, les royales galeries fourmillantes, la rumeur court, enfle, les potins, les cancans vont bon train. Tout va bien dans le meilleur des mondes, des jardins idéals.
Un jardin sensuel où l’herbe frissonne, le vent murmure aux arbres des secrets d’alcôve, où la vie foisonne, la Nature résonne de mille bruits, mille et un échos, où explose une orgie de mots, d’images ; un pré vert vertueux, un tapis douillet, moelleux où histoire d’eau et fête galante fort élégante déroulent leur fil conducteur… un tableau champêtre, un buffet campagnard savoureux où vol-au-vent croustillants, bouchées à la reine et autres délices gourmands dilatent nos pupilles, émoustillent nos papilles, régalent notre palais, où les jeunes aimants fleur bleue, timides et maladroits éprouvent leurs premiers émois. À l’évidence pour ce duo balbutiant, le bonheur est dans le pré.
Un petit coin tranquille en apparence seulement, ne pas se fier aux apparences qui sont souvent trompeuses. L’habit ne fait pas le moine dit-on ni la religieuse d’ailleurs ; un petit coin de paradis débordant de vie, d’énergie, où l’on assiste aux ébats amoureux de la gente animale aux mœurs libertines, qui s’étreint en figures libres ou imposées, seule la gente humaine - hormis les bonobos et certains cétacés - s’unit face à face, yeux dans les yeux. Qu’importe la façon, l’art et la manière ! L’important est de prendre du bon temps, d’allier l’utile à l’agréable, au final la faune animale de perpétuer l’espèce. C’est le printemps, le temps de la Renaissance, au jardin c’est l’effervescence des sens. Un bouquet de cœurs et tous mes vœux Serge pour la suite des événements.