« Ce qui m'intéresse, ce n'est pas le bonheur de tous les hommes, c'est celui de chacun. » Boris Vian
La semaine dernière, en me promenant dans le quartier Raspail à Paris, j'ai fait la
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Il y avait un pommier dans le jardin et un bœuf dans l'étable. Tenez-le-vous pour dit, ce sont des faits irréfutables. Le pommier se nommait Hervé. Et le bœuf s'appelait Louijeau, et pour tout vous dire, il n'était pas très beau. Les moutons le traitaient de « con » et les canards de « connard ». A la ferme des animaux, il n'y avait que des méchants qui aimaient les rimes et les cancans.
Quant à la fermière Maggie May, elle avait décidé que cette semaine, elle ferait tuer ce bœuf écervelé. C'était pourtant lui qui l'avait dépucelée... mais bon, que voulez-vous ? Le fermier était jaloux. Louijeau s'était fait une raison, il savait qu'il finirait en Bourguignon, pour le bien de la nation. Dimanche prochain, les cousins du fermier viendront pour déjeuner. Louijeau s'imaginait déjà entrain de mijoter avec les carottes du potager.
Le jour de sa mort, le pasteur raton laveur, vint lui rendre visite de bonne heure. Il conduisait, je crois, un gros Hummer. Quand il vit le bœuf, le pasteur ne put cacher sa stupeur :
- C'bin vrai, c'que disent les otr'zanimaux, z'êtes pas bien beau msieur Louijeau.
- Je suis né comme ça, ça vient pas de moi, faut dire que ma mère avait couché avec un koala.
Perturbé par la réponse du bœuf, le pasteur raton laveur mit un terme à la discussion. En trois minutes, il remplit toutes ses fonctions : une confession, une bénédiction, un grand pardon et zouuu, le saint homme repartit dans son camion.
Le boucher, un gaillard nommé Gros-René, arriva en début d'après-midi. Quand il aperçut Louijeau, il se mit à pleurer comme un bébé, on aurait dit une cascade de larmes salées. Il faut dire que Gros-René aimait les animaux. Chaque jour, il devait tuer ces créatures du bon dieu. Lui qui était végétarien, jamais, il ne put comprendre pourquoi les hommes étaient aussi vilains. Mais bon, il était boucher, c'était son destin. D'une main, il prit Louijeau par le cou et puis lui fit un gros bisou, avant de l'assassiner gentiment à l'aide de 126 coups de couteau.
A sa grande surprise, quand il se réveilla, Louijeau n'était ni dans la marmite en airain ni à l'hôpital bovin. Il était couché dans un champ de blé et il se sentait léger comme un bœuf de Kobe. Il décida de courir un petit peu, cela faisait longtemps qu'il n'avait pas été aussi heureux. Après avoir bien gambadé, il se coucha à l'ombre d'un cerisier. C'est là qu'un beau cochon de lait, vint à sa rencontre, l'air gai :
- Bonjour Louijeau, je m'appelle Angelo, je suis un ange et toi mon gros, tu es au paradis des animaux ! Quant à ton enveloppe terrestre, on la cuisine depuis midi avec du vin acheté au Monoprix.
- Ah ! Se contenta de répondre Louijeau.
La discussion aurait pu s'arrêter là mais le pauvre bœuf rajouta :
- Je vais devoir rester dans ce champ de blé pour toute l'éternité ? Avec toi, mon ami, le cochon de lait ?
- Appelle moi Angelo ! Car je suis un ange, mon salaud ! Rester l'éternité avec toi ? Le prends pas mal, mais je ne crois pas ! Je suis un ange, certes, mais je ne suis pas un saint. Et toi tu es laid comme un poulet et tu as la conversation d'un buffle bourré... Non... L'éternité, mon petit pépé, faut pas trop y compter. Ecoute plutôt ton ami le cochon de lait. Je te donne deux possibilités : sois tu revis ta vie depuis le berceau, pour faire simple, tu recommences à zéro ! Sois, tu disparais en fumée, dans le cosmos, dans le néant, bref, tu n'emmerdes plus les gens.
En entendant parler son ange, Louijeau pleurait d'une joie étrange. Ô dieu, belle espérance ! On lui offrait une deuxième chance ! Ah, cette fois-ci, il allait tout changer. Il irait à l'université, il deviendrait pompier, ou peut-être même député. Il dirait à la chèvre Aglaé ce qu'il ressentait, oui ! Il lui dirait qu'il l'aimait. Cette fois-ci, il ne coucherait pas avec Maggie May. Il jouerait aux cartes avec le fermier. Il apprendrait à parler anglais.
Puis tout à coup, tout s'arrêta et le rêve se brisa. Au fond de lui, le bœuf savait : Tout pouvait changer mais lui, il resterait ce qu'il avait toujours été : un marginal, un oppressé. Il demeurerait Louijeau, le bœuf que tout le monde détestait. Contrairement à sa réputation, notre héros n'était pas con ! Il savait que ce n'est pas à grands coups de résurrections qu'on devient beau comme un paon. Alors il sécha ses larmes dignement et répondit fièrement :
- La vie est vache pour nous les bœufs ! J'aurais pu être un taureau, j'aurais pu être beau. Mais je suis castré et je suis laid. Et je n'ai pas envie de recommencer. S'il te plaît, cochon de lait, fais-moi disparaitre en fumée. Je choisis le silence face à cette existence de damné.
Le cochon de lait ne se fit pas prier. Il tapa trois fois des pieds et voila que l'âme de Louijeau s'évaporait. Il faut dire que l'ange était pressé, on venait de l'inviter à un repas chez des fermiers.
Redescendons sur terre si vous le permettez car j'entends crier cette diablesse de Maggie May : « A table, c'est l'heure de manger ! » Les invités vont se régaler mais malheureusement, pas de bourguignon car la bonne a raté la cuisson. Le ragout de bœuf étant cramé, on a dû le remplacer par un délicieux cochon de lait.
Quant à la fermière Maggie May, elle avait décidé que cette semaine, elle ferait tuer ce bœuf écervelé. C'était pourtant lui qui l'avait dépucelée... mais bon, que voulez-vous ? Le fermier était jaloux. Louijeau s'était fait une raison, il savait qu'il finirait en Bourguignon, pour le bien de la nation. Dimanche prochain, les cousins du fermier viendront pour déjeuner. Louijeau s'imaginait déjà entrain de mijoter avec les carottes du potager.
Le jour de sa mort, le pasteur raton laveur, vint lui rendre visite de bonne heure. Il conduisait, je crois, un gros Hummer. Quand il vit le bœuf, le pasteur ne put cacher sa stupeur :
- C'bin vrai, c'que disent les otr'zanimaux, z'êtes pas bien beau msieur Louijeau.
- Je suis né comme ça, ça vient pas de moi, faut dire que ma mère avait couché avec un koala.
Perturbé par la réponse du bœuf, le pasteur raton laveur mit un terme à la discussion. En trois minutes, il remplit toutes ses fonctions : une confession, une bénédiction, un grand pardon et zouuu, le saint homme repartit dans son camion.
Le boucher, un gaillard nommé Gros-René, arriva en début d'après-midi. Quand il aperçut Louijeau, il se mit à pleurer comme un bébé, on aurait dit une cascade de larmes salées. Il faut dire que Gros-René aimait les animaux. Chaque jour, il devait tuer ces créatures du bon dieu. Lui qui était végétarien, jamais, il ne put comprendre pourquoi les hommes étaient aussi vilains. Mais bon, il était boucher, c'était son destin. D'une main, il prit Louijeau par le cou et puis lui fit un gros bisou, avant de l'assassiner gentiment à l'aide de 126 coups de couteau.
A sa grande surprise, quand il se réveilla, Louijeau n'était ni dans la marmite en airain ni à l'hôpital bovin. Il était couché dans un champ de blé et il se sentait léger comme un bœuf de Kobe. Il décida de courir un petit peu, cela faisait longtemps qu'il n'avait pas été aussi heureux. Après avoir bien gambadé, il se coucha à l'ombre d'un cerisier. C'est là qu'un beau cochon de lait, vint à sa rencontre, l'air gai :
- Bonjour Louijeau, je m'appelle Angelo, je suis un ange et toi mon gros, tu es au paradis des animaux ! Quant à ton enveloppe terrestre, on la cuisine depuis midi avec du vin acheté au Monoprix.
- Ah ! Se contenta de répondre Louijeau.
La discussion aurait pu s'arrêter là mais le pauvre bœuf rajouta :
- Je vais devoir rester dans ce champ de blé pour toute l'éternité ? Avec toi, mon ami, le cochon de lait ?
- Appelle moi Angelo ! Car je suis un ange, mon salaud ! Rester l'éternité avec toi ? Le prends pas mal, mais je ne crois pas ! Je suis un ange, certes, mais je ne suis pas un saint. Et toi tu es laid comme un poulet et tu as la conversation d'un buffle bourré... Non... L'éternité, mon petit pépé, faut pas trop y compter. Ecoute plutôt ton ami le cochon de lait. Je te donne deux possibilités : sois tu revis ta vie depuis le berceau, pour faire simple, tu recommences à zéro ! Sois, tu disparais en fumée, dans le cosmos, dans le néant, bref, tu n'emmerdes plus les gens.
En entendant parler son ange, Louijeau pleurait d'une joie étrange. Ô dieu, belle espérance ! On lui offrait une deuxième chance ! Ah, cette fois-ci, il allait tout changer. Il irait à l'université, il deviendrait pompier, ou peut-être même député. Il dirait à la chèvre Aglaé ce qu'il ressentait, oui ! Il lui dirait qu'il l'aimait. Cette fois-ci, il ne coucherait pas avec Maggie May. Il jouerait aux cartes avec le fermier. Il apprendrait à parler anglais.
Puis tout à coup, tout s'arrêta et le rêve se brisa. Au fond de lui, le bœuf savait : Tout pouvait changer mais lui, il resterait ce qu'il avait toujours été : un marginal, un oppressé. Il demeurerait Louijeau, le bœuf que tout le monde détestait. Contrairement à sa réputation, notre héros n'était pas con ! Il savait que ce n'est pas à grands coups de résurrections qu'on devient beau comme un paon. Alors il sécha ses larmes dignement et répondit fièrement :
- La vie est vache pour nous les bœufs ! J'aurais pu être un taureau, j'aurais pu être beau. Mais je suis castré et je suis laid. Et je n'ai pas envie de recommencer. S'il te plaît, cochon de lait, fais-moi disparaitre en fumée. Je choisis le silence face à cette existence de damné.
Le cochon de lait ne se fit pas prier. Il tapa trois fois des pieds et voila que l'âme de Louijeau s'évaporait. Il faut dire que l'ange était pressé, on venait de l'inviter à un repas chez des fermiers.
Redescendons sur terre si vous le permettez car j'entends crier cette diablesse de Maggie May : « A table, c'est l'heure de manger ! » Les invités vont se régaler mais malheureusement, pas de bourguignon car la bonne a raté la cuisson. Le ragout de bœuf étant cramé, on a dû le remplacer par un délicieux cochon de lait.