La mouche était morte sur le dos. C'était une affirmation irréfutable. Asma en était maintenant certaine. Cela faisait quand même quinze minutes qu'elle l'observait et elle en avait tiré deux ... [+]
On ne peut pas penser à tout
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Le problème de base des crimes prémédités, c'est qu'à tout vouloir maîtriser, on complique les choses. Et du coup, cela multiplie les risques de se faire prendre.
Le crime, c'est comme le mensonge, c'est un mensonge, en fait. Pour qu'il soit efficace et ne risque pas de se retourner contre soi, il faut qu'il soit ancré dans la vérité.
Pas besoin de mémoriser quoi que ce soit, pas besoin de répéter ce qu'on doit dire, ce qui serait trop dangereux, au contraire : il faut dire la vérité, rien que la vérité. Quoique, il faut peut-être mentir un peu, comme tout le monde, sur des détails gênants. Mais ce qui importe, c'est de ne pas dire toute la vérité.
Tout changement préalable a un crime est suspect. Par exemple, moi, il est de notoriété publique que je n'apprécie pas du tout Thomas. Ça fait des années qu'il veut m'obliger à vendre ma maison pour agrandir sa propriété et pour lui, tous les moyens sont bons. Tout le monde le sait. Et les vieux se souviennent du reste.
Je ne vais donc pas chercher à faire semblant de me rapprocher de lui ou de m'adoucir, voire de faire comme si j'étais prête à lui vendre ! Non, mon attitude envers lui ne doit surtout pas changer. Nos altercations ont le plus souvent été publiques, elles doivent le rester. Comme ça, je n'attirerai pas l'attention. Je resterai dans les relations de haine ordinaire, mais pas plus agressives que d'habitude.
Je dois juste me remémorer nos diverses altercations, voir comment elles se passent et voir dans quelles conditions et à quels moments ; je dois aussi surveiller ses autres ennemis pour choisir quand je peux intégrer son meurtre à la vie du village pour qu'il y ait plusieurs suspects. Il faut que ce soit fluide, naturel et sans complications inutiles. Et sans traces, ni marques ou autres indices sur moi. Ou sur lui.
Il me faut bien choisir le lieu ; de préférence un lieu où il y a plein d'empreintes et d'indices qui feront tourner la police en bourrique. Il faut aussi qu'il y ait mes empreintes, sinon, ce sera louche. Je vais choisir un lieu public. Et ce sera un soir, car le soir, il y a moins de gens qui risquent de me voir et de m'identifier. En plus, c'est moins risqué, car, de jour, un déguisement se repère plus vite.
Le14 juillet, c'est pas bon, les gens traînent tard dans les rues et la nuit tombe tard ; pareil pour la fête du village. Le pot de fin d'année non plus, il peut y avoir de la neige, donc des traces trop évidentes, même sur le macadam. Peut-être après un loto de fin d'après-midi, à l'automne, quand la nuit tombe plus tôt. Il ne neige jamais à cette époque et il pleut souvent, ça efface les traces et les gens se dépêchent de rentrer chez eux. En plus, on voit moins bien avec la pluie et à la tombée de la nuit, entre chat et chien.
Ce n'est pas grave si je suis seule le soir du crime, au contraire même. Je ne serai pas la seule sans alibi, de toute façon ! Ne surtout pas attirer l'attention.
Je serai habillée de façon à ce que ma silhouette paraisse plus petite et massive, avec des chaussures trop petites, ce qui donnera des empreintes plus petites que les miennes, mais surtout changera totalement ma démarche. J'avais pensé à mettre un caillou dans une chaussure, mais un assassin qui boite, c'est pas crédible. Et puis, si je suis obligée de m'enfuir, bonjour le calvaire ! C'est lui qui doit souffrir, pas moi !
Après, il faut que je choisisse comment je vais le tuer. Je veux qu'il ait le temps d'avoir peur. C'est vrai quoi, il m'a si longtemps pourri la vie, ce salaud, ça m'embêterait qu'il meure sans même le savoir.
Il a toujours eu la vie facile, ce con ! Déjà, c'est un homme, ce qui rend tout plus facile ; en plus, il est né dans une famille aisée. Et a une bonne situation. Plus une femme et des enfants !
Il a tout, tout, et moi, moi, je n'ai plus que ma maison et il veut me la prendre ! Non, mais, il se prend pour qui, ce salaud ? Quand je pense que j'étais amoureuse de lui, j'en tremble de rage. Je l'ai tellement aimé, et il m'a tout volé, ma jeunesse, mes illusions, mon espoir d'être mère, ma vie quoi. Et maintenant, c'est ma maison qu'il veut ?
J'aimerais bien utiliser un poison, c'est pratique : je rêve d'une piqûre à l'improviste, pour l'immobiliser, bien lui expliquer ce qui se passe et hop !, je l'exécute. Mais ça fait penser à un meurtre de femme. Ceci dit, comme c'est un type très grand, et que l'assassin sera imaginé comme petit, ça vaut quand même le coup de retenir cette option. Parce que l'étrangler, je n'aurai pas la force ; il faut tenir au moins trois minutes, et sans qu'il puisse reprendre son souffle encore, sinon, faut repartir de zéro ! C'est trop risqué, hélas. C'est bien dommage, car avec de la chance, sans le tuer complètement, j'aurais pu le transformer en légume... et au pire, il se serait senti mourir.
Je ne peux pas acheter de poison, les flics retrouvent tout. Ni me documenter sur mon ordi, ça laisse des traces. Le faire à la bibliothèque ? Trop dangereux aussi. J'avais pensé au laurier rose, mais j'en ai chez moi. La belladone, c'est pas mal non plus, pareil pour l'aconit, qui ne fait pas effet de suite. Mais avec le poison, non seulement il faut l'extraire, mais en plus avoir une seringue puis s'en débarrasser et ça, c'est dangereux. Au pire, il y a la bulle d'air, mais il faut quand même une seringue. Et c'est trop rapide.
Finalement, je l'ai jouée plus finement, sur une inspiration subite : j'ai eu une opportunité, je l'ai saisie et ni vu ni connu, exit le Thomas.
Mon seul regret, c'est que ça a été trop rapide.
Mais bon, je suis débarrassée.
Un bête accident : il s'est pris les pieds dans une racine (tu parles !) et s'est fracassé le crâne sur un rocher. Et bonsoir Thomas !
La seule chose, c'est que, maintenant, je me sens vide, comme morte de l'intérieur. Sans ma haine de lui, je n'ai plus rien dans ma vie. Et, avec la culpabilité qui m'envahit davantage de jour en jour, je pense de plus en plus à l'œil de Caïn...
Le crime, c'est comme le mensonge, c'est un mensonge, en fait. Pour qu'il soit efficace et ne risque pas de se retourner contre soi, il faut qu'il soit ancré dans la vérité.
Pas besoin de mémoriser quoi que ce soit, pas besoin de répéter ce qu'on doit dire, ce qui serait trop dangereux, au contraire : il faut dire la vérité, rien que la vérité. Quoique, il faut peut-être mentir un peu, comme tout le monde, sur des détails gênants. Mais ce qui importe, c'est de ne pas dire toute la vérité.
Tout changement préalable a un crime est suspect. Par exemple, moi, il est de notoriété publique que je n'apprécie pas du tout Thomas. Ça fait des années qu'il veut m'obliger à vendre ma maison pour agrandir sa propriété et pour lui, tous les moyens sont bons. Tout le monde le sait. Et les vieux se souviennent du reste.
Je ne vais donc pas chercher à faire semblant de me rapprocher de lui ou de m'adoucir, voire de faire comme si j'étais prête à lui vendre ! Non, mon attitude envers lui ne doit surtout pas changer. Nos altercations ont le plus souvent été publiques, elles doivent le rester. Comme ça, je n'attirerai pas l'attention. Je resterai dans les relations de haine ordinaire, mais pas plus agressives que d'habitude.
Je dois juste me remémorer nos diverses altercations, voir comment elles se passent et voir dans quelles conditions et à quels moments ; je dois aussi surveiller ses autres ennemis pour choisir quand je peux intégrer son meurtre à la vie du village pour qu'il y ait plusieurs suspects. Il faut que ce soit fluide, naturel et sans complications inutiles. Et sans traces, ni marques ou autres indices sur moi. Ou sur lui.
Il me faut bien choisir le lieu ; de préférence un lieu où il y a plein d'empreintes et d'indices qui feront tourner la police en bourrique. Il faut aussi qu'il y ait mes empreintes, sinon, ce sera louche. Je vais choisir un lieu public. Et ce sera un soir, car le soir, il y a moins de gens qui risquent de me voir et de m'identifier. En plus, c'est moins risqué, car, de jour, un déguisement se repère plus vite.
Le14 juillet, c'est pas bon, les gens traînent tard dans les rues et la nuit tombe tard ; pareil pour la fête du village. Le pot de fin d'année non plus, il peut y avoir de la neige, donc des traces trop évidentes, même sur le macadam. Peut-être après un loto de fin d'après-midi, à l'automne, quand la nuit tombe plus tôt. Il ne neige jamais à cette époque et il pleut souvent, ça efface les traces et les gens se dépêchent de rentrer chez eux. En plus, on voit moins bien avec la pluie et à la tombée de la nuit, entre chat et chien.
Ce n'est pas grave si je suis seule le soir du crime, au contraire même. Je ne serai pas la seule sans alibi, de toute façon ! Ne surtout pas attirer l'attention.
Je serai habillée de façon à ce que ma silhouette paraisse plus petite et massive, avec des chaussures trop petites, ce qui donnera des empreintes plus petites que les miennes, mais surtout changera totalement ma démarche. J'avais pensé à mettre un caillou dans une chaussure, mais un assassin qui boite, c'est pas crédible. Et puis, si je suis obligée de m'enfuir, bonjour le calvaire ! C'est lui qui doit souffrir, pas moi !
Après, il faut que je choisisse comment je vais le tuer. Je veux qu'il ait le temps d'avoir peur. C'est vrai quoi, il m'a si longtemps pourri la vie, ce salaud, ça m'embêterait qu'il meure sans même le savoir.
Il a toujours eu la vie facile, ce con ! Déjà, c'est un homme, ce qui rend tout plus facile ; en plus, il est né dans une famille aisée. Et a une bonne situation. Plus une femme et des enfants !
Il a tout, tout, et moi, moi, je n'ai plus que ma maison et il veut me la prendre ! Non, mais, il se prend pour qui, ce salaud ? Quand je pense que j'étais amoureuse de lui, j'en tremble de rage. Je l'ai tellement aimé, et il m'a tout volé, ma jeunesse, mes illusions, mon espoir d'être mère, ma vie quoi. Et maintenant, c'est ma maison qu'il veut ?
J'aimerais bien utiliser un poison, c'est pratique : je rêve d'une piqûre à l'improviste, pour l'immobiliser, bien lui expliquer ce qui se passe et hop !, je l'exécute. Mais ça fait penser à un meurtre de femme. Ceci dit, comme c'est un type très grand, et que l'assassin sera imaginé comme petit, ça vaut quand même le coup de retenir cette option. Parce que l'étrangler, je n'aurai pas la force ; il faut tenir au moins trois minutes, et sans qu'il puisse reprendre son souffle encore, sinon, faut repartir de zéro ! C'est trop risqué, hélas. C'est bien dommage, car avec de la chance, sans le tuer complètement, j'aurais pu le transformer en légume... et au pire, il se serait senti mourir.
Je ne peux pas acheter de poison, les flics retrouvent tout. Ni me documenter sur mon ordi, ça laisse des traces. Le faire à la bibliothèque ? Trop dangereux aussi. J'avais pensé au laurier rose, mais j'en ai chez moi. La belladone, c'est pas mal non plus, pareil pour l'aconit, qui ne fait pas effet de suite. Mais avec le poison, non seulement il faut l'extraire, mais en plus avoir une seringue puis s'en débarrasser et ça, c'est dangereux. Au pire, il y a la bulle d'air, mais il faut quand même une seringue. Et c'est trop rapide.
Finalement, je l'ai jouée plus finement, sur une inspiration subite : j'ai eu une opportunité, je l'ai saisie et ni vu ni connu, exit le Thomas.
Mon seul regret, c'est que ça a été trop rapide.
Mais bon, je suis débarrassée.
Un bête accident : il s'est pris les pieds dans une racine (tu parles !) et s'est fracassé le crâne sur un rocher. Et bonsoir Thomas !
La seule chose, c'est que, maintenant, je me sens vide, comme morte de l'intérieur. Sans ma haine de lui, je n'ai plus rien dans ma vie. Et, avec la culpabilité qui m'envahit davantage de jour en jour, je pense de plus en plus à l'œil de Caïn...
C'était vraiment une racine ?