« Là, maintenant, ça va. Mais qu'est-ce que je vais devenir avec un ami renard, une rose et des boîtes à moutons, pour toujours, pour l'éternité ? Mon aviateur, je lui raconte mes histoires ... [+]
Obsession
il y a
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Finaliste
Jury
Jury
Cher Vous,
Je ne sais quels mots parviendront à traduire ce qui me consume depuis des mois et qui m'est si difficile d'exprimer. Les mots se font récalcitrants insaisissables, comme des pierres brûlantes échappées d'un volcan, ou se transforment en papillons de nuit affolés par la flamme, prenant n'importe quelle apparence pour échapper à la peur de dire.
Vous m'avez connu il y a cinq ans un soir d'automne. Dans la salle d'attente de votre cabinet, je cherchais n'importe quel signe pour m'enfuir. Une tache sur le tapis, un tableau un peu penché, mais très vite votre porte s'est ouverte et vous êtes apparu, solaire, la main tendue. Malgré la pluie battante et le ciel noir, votre bureau était baigné de lumière. Vous m'avez fait asseoir dans un fauteuil face au vôtre comme si vous me connaissiez de longue date et vous m'avez écoutée, serein et concentré. Vous ne preniez aucune note, vous vous pénétriez de chacun de mes mots comme aucun de ces tartuffes à blouse blanche qui n'avaient jusque-là rien pu pour moi.
Et semaine après semaine, je vous ai confié, tremblante, les bourrasques d'obsessions enfantines qui m'empêchaient de prendre ma place dans ce monde. Elles tétanisaient mes élans, m'éloignaient chaque jour un peu plus de la lumière des autres. J'étais aspirée dans un puits noir et sans fond, à une vitesse vertigineuse, je me cognais à toutes les parois, sans savoir si ma chute allait s'arrêter, en sortirais-je meurtrie ? Déchirée, seule dans le noir, ou morte ?
Ma chute, vous en avez fait un exercice de haut niveau, vous m'avez enseigné la maîtrise de mon désespoir, vous m'avez fait apprivoiser mes frayeurs et je suis, peu à peu remontée vers la lumière.
De cela, je vous ai béni.
En réhabitant la terre ferme, en pouvant parler, communiquer avec ceux de mon espèce, ces êtres humains qui me terrorisaient tant auparavant, je me suis crue sauvée, je me sentais avec les autres, comme jadis les peuples des cavernes se retrouvaient assis ensemble autour d'un feu. Vous m'aviez rendu la vie, mais je n'en avais pas les codes. Les terreurs de mon enfance que vous aviez apaisées m'avaient laissée sans discernement ni défense.
Tout me semblait possible, la confiance, le don de soi, l'ivresse de l'autre, l'insouciance, et je me suis heurtée à la violence des intrigues de la comédie humaine. Après les feux d'artifice de la rencontre, le mensonge, la trahison, l'indifférence, l'abandon me laissèrent inanimée. Et j'ai sombré à nouveau.
Mais votre acharnement à décrypter les fondements de mes faiblesses à vivre, votre infinie patience, vous ont permis jour après jour, de déterrer comme des pierres précieuses enfouies dans le désert, ma force, ma volonté, ma capacité à être par moi-même, digne, combative, unique. Vous étiez un sculpteur qui me dégageait de mon bloc de pierre laissant la matière dicter ses formes à vos doigts. Et au bout d'un long chemin ardu, je suis apparue grande, belle, dense, animée d'un feu intérieur qui me permettait désormais d'exister par moi-même. De cela, je vous ai aimé.
De cela, je vous aime.
J'aime pour la première fois, dans l'impatience, dans le désir inextinguible, dans la foi absolue en l'autre. Vous, comment pourriez – vous ne pas m'aimer ? Vous qui m'avez donné la vie, vous qui connaissez les arcanes de mes terreurs, les méandres de toutes mes pensées, mes fantasmes, mes nécessités. Comment ne pas m'aimer ? Moi qui ai parcouru tant de déserts, sombré dans les gouffres les plus profonds, atteint de tels sommets de conscience.
Malgré la violence de mes sentiments, je peux réfléchir, vous me l'avez enseigné, et je sais que votre métier, votre famille, votre éthique, tout vous interdit de vivre notre histoire. Assis dans votre fauteuil, votre silence, comme un rempart de cité fortifiée, vous protège de notre passion. Il est normal que vous ayez peur. Mais je sens, je sais de tout mon corps et mon esprit que ces centaines d'heures passées ensemble à chercher, fouiller comme des archéologues les clefs de mon salut, ont conçu notre union profonde. Ce qui vous semble impossible à transgresser, les fondements mêmes de votre existence ne seront bientôt plus un obstacle, car vous ne saurez échapper à la puissance de notre amour. Vous m'avez sauvée de l'obscurité, je vous sauverai de vos ténèbres et vous serez enfin, tout comme moi aujourd'hui, dans la lumière.
Voilà, les mots m'ont finalement obéi, j'ai réussi à tout vous avouer, mais vous devez déjà connaître mon secret puisqu'il est le vôtre. Votre réserve n'est que pudeur, je le sais.
Venez à moi comme je suis venue à vous. Ne cherchez pas à lutter, ce serait inutile, et sachez que je serai toujours là pour vous, avec vous, malgré vous, jusqu'au bout du chemin.
— Lettre retrouvée chez Melle Laure Vandervil, lors d'une perquisition effectuée à son domicile, dans le cadre de l'enquête menée suite à l'assassinat du Docteur Kern.
Je ne sais quels mots parviendront à traduire ce qui me consume depuis des mois et qui m'est si difficile d'exprimer. Les mots se font récalcitrants insaisissables, comme des pierres brûlantes échappées d'un volcan, ou se transforment en papillons de nuit affolés par la flamme, prenant n'importe quelle apparence pour échapper à la peur de dire.
Vous m'avez connu il y a cinq ans un soir d'automne. Dans la salle d'attente de votre cabinet, je cherchais n'importe quel signe pour m'enfuir. Une tache sur le tapis, un tableau un peu penché, mais très vite votre porte s'est ouverte et vous êtes apparu, solaire, la main tendue. Malgré la pluie battante et le ciel noir, votre bureau était baigné de lumière. Vous m'avez fait asseoir dans un fauteuil face au vôtre comme si vous me connaissiez de longue date et vous m'avez écoutée, serein et concentré. Vous ne preniez aucune note, vous vous pénétriez de chacun de mes mots comme aucun de ces tartuffes à blouse blanche qui n'avaient jusque-là rien pu pour moi.
Et semaine après semaine, je vous ai confié, tremblante, les bourrasques d'obsessions enfantines qui m'empêchaient de prendre ma place dans ce monde. Elles tétanisaient mes élans, m'éloignaient chaque jour un peu plus de la lumière des autres. J'étais aspirée dans un puits noir et sans fond, à une vitesse vertigineuse, je me cognais à toutes les parois, sans savoir si ma chute allait s'arrêter, en sortirais-je meurtrie ? Déchirée, seule dans le noir, ou morte ?
Ma chute, vous en avez fait un exercice de haut niveau, vous m'avez enseigné la maîtrise de mon désespoir, vous m'avez fait apprivoiser mes frayeurs et je suis, peu à peu remontée vers la lumière.
De cela, je vous ai béni.
En réhabitant la terre ferme, en pouvant parler, communiquer avec ceux de mon espèce, ces êtres humains qui me terrorisaient tant auparavant, je me suis crue sauvée, je me sentais avec les autres, comme jadis les peuples des cavernes se retrouvaient assis ensemble autour d'un feu. Vous m'aviez rendu la vie, mais je n'en avais pas les codes. Les terreurs de mon enfance que vous aviez apaisées m'avaient laissée sans discernement ni défense.
Tout me semblait possible, la confiance, le don de soi, l'ivresse de l'autre, l'insouciance, et je me suis heurtée à la violence des intrigues de la comédie humaine. Après les feux d'artifice de la rencontre, le mensonge, la trahison, l'indifférence, l'abandon me laissèrent inanimée. Et j'ai sombré à nouveau.
Mais votre acharnement à décrypter les fondements de mes faiblesses à vivre, votre infinie patience, vous ont permis jour après jour, de déterrer comme des pierres précieuses enfouies dans le désert, ma force, ma volonté, ma capacité à être par moi-même, digne, combative, unique. Vous étiez un sculpteur qui me dégageait de mon bloc de pierre laissant la matière dicter ses formes à vos doigts. Et au bout d'un long chemin ardu, je suis apparue grande, belle, dense, animée d'un feu intérieur qui me permettait désormais d'exister par moi-même. De cela, je vous ai aimé.
De cela, je vous aime.
J'aime pour la première fois, dans l'impatience, dans le désir inextinguible, dans la foi absolue en l'autre. Vous, comment pourriez – vous ne pas m'aimer ? Vous qui m'avez donné la vie, vous qui connaissez les arcanes de mes terreurs, les méandres de toutes mes pensées, mes fantasmes, mes nécessités. Comment ne pas m'aimer ? Moi qui ai parcouru tant de déserts, sombré dans les gouffres les plus profonds, atteint de tels sommets de conscience.
Malgré la violence de mes sentiments, je peux réfléchir, vous me l'avez enseigné, et je sais que votre métier, votre famille, votre éthique, tout vous interdit de vivre notre histoire. Assis dans votre fauteuil, votre silence, comme un rempart de cité fortifiée, vous protège de notre passion. Il est normal que vous ayez peur. Mais je sens, je sais de tout mon corps et mon esprit que ces centaines d'heures passées ensemble à chercher, fouiller comme des archéologues les clefs de mon salut, ont conçu notre union profonde. Ce qui vous semble impossible à transgresser, les fondements mêmes de votre existence ne seront bientôt plus un obstacle, car vous ne saurez échapper à la puissance de notre amour. Vous m'avez sauvée de l'obscurité, je vous sauverai de vos ténèbres et vous serez enfin, tout comme moi aujourd'hui, dans la lumière.
Voilà, les mots m'ont finalement obéi, j'ai réussi à tout vous avouer, mais vous devez déjà connaître mon secret puisqu'il est le vôtre. Votre réserve n'est que pudeur, je le sais.
Venez à moi comme je suis venue à vous. Ne cherchez pas à lutter, ce serait inutile, et sachez que je serai toujours là pour vous, avec vous, malgré vous, jusqu'au bout du chemin.
— Lettre retrouvée chez Melle Laure Vandervil, lors d'une perquisition effectuée à son domicile, dans le cadre de l'enquête menée suite à l'assassinat du Docteur Kern.
Belle passion transférentielle !
pourquoi avoir faut dipsraiitre cet toubib , 'un psy du dimanche "
voutre héro¨ne ne doit pas avoir d regrets !!
in bon" msy" est un psy " mort !! çà compte bcvp dans les enquêtes un témoignage écrit ou oral !!
c'est un "pro" de la profession qui vous écrit !!
depuis 5 ans en retraite !!
ilfaut savoir prendre sa retraite à temps !!!!!!!!!!!!!!!
pas de regrets à avoir !!
qiel courage a eu votre hérôine !!!
oui, un crime passionnel est tout à fait probable dans ce contexte!
j'aime beaucoup cette lettre "fil du rasoir", je vous donne mes cinq voix!
J'ai fini le travail avec le psychiatre au bout d'un an, il m'a déclaré guéri et a repris ses pilules avec lui. Ma psychologue, elle, je la vois toujours et je n'ai encore aucune envie de la tuer, je pense que cela signifie que la thérapie va dans le bon sens.
Bravo pour ce texte à la fois précis, emprunt d'émotion et cruel.
Bonne finale !