Ils étaient quatre. Quatre frères, de la même mère, et l'Éternel – loué soit son Nom – se moque bien qu'ils n'aient pas été du même père. La mère donne la vie, et les pères ne sont ... [+]
— Toi qui noues de tes doigts décharnés les fils du hasard, dénoue cette pelote.
— Oh oui, dénoue-la.
— Oh oui, dénoue-la.
La plus grosse des poupées gigognes fut ôtée.
— Toi qui transperces de ton aveugle regard le mur opaque du Destin, appelle l'obscurité.
— Oh oui appelle-la.
— Oh oui appelle-la.
Une deuxième poupée de bois suivit le chemin de la première.
— Toi qui connais les monstres qui hantent l'homme mauvais, retourne-les contre lui.
— Oh oui, retourne-les.
— Oh oui, retourne-les.
La Sorcière ôta le couvercle de la troisième poupée, dégageant la quatrième.
— Toi qui de tes yeux peints a vu, efface cette vision.
— Oh oui, efface-la.
— Oh oui, efface-la.
Les mains crochues dégagèrent enfin la cinquième poupée. Mais si les quatre précédentes étaient rouge vif, bleu roi, vert lumineux, couleurs naïves et brutales à la fois, la dernière était d'un noir mat, définitif, et alors que sur les précédentes, l'artiste avait minutieusement figuré pupille, prunelle, iris et même les cils, ses yeux étaient recouverts de peinture blanche, trouées jumelles s'ouvrant sur une clarté plus ténébreuse que le noir.
— Maintenant, ma petite chérie, pense très fort à ces hommes qui t'ont fait du mal. Dirige tes pensées vers la dernière poupée, celle qu'ils trouveront une fois qu'ils auront ôté toutes les autres, charge-la de toutes tes forces.
— Je n'en ai plus. Ces chiens me les ont volées. Comme ils ont volé la vie de ma mère.
— Tu en as. Tu ne sais même pas quelle puissance gronde en toi.
— Et s'ils ne viennent pas ici ? S'ils ne démontent pas la poupée ?
— Je n'en ai plus. Ces chiens me les ont volées. Comme ils ont volé la vie de ma mère.
— Tu en as. Tu ne sais même pas quelle puissance gronde en toi.
— Et s'ils ne viennent pas ici ? S'ils ne démontent pas la poupée ?
La vieille passa doucement la main dans les longs cheveux blonds défaits de la petite.
— Ne te fais pas de souci, ma colombe, ils viendront, ils ouvriront les poupées jusqu'à la dernière, et arrivera ce qui doit arriver. J'y veillerai.
Le lendemain, les soldats sortirent du bois à l'abri duquel ils avaient passé la nuit. Prudemment. Les minces troupes qui leur faisaient face avaient été exterminées ou mises en déroute, mais ils se méfiaient de ces maudits francs-tireurs. Ils pouvaient encore se dissimuler dans les ruines laissées par les trois salves de roquettes qui s'étaient abattues sur le village. Un village qu'ils avaient libéré de l'oppression. En tuant ou en faisant fuir tous ses habitants, mais on ne fait pas d'omelette aux œufs sans casser des œufs, n'est-ce pas.
Le soldat tourna vers son camarade son visage noirci de poudre. Leurs bottes étaient caparaçonnées de boue, et leurs vestes de combat de cuir, symbole des mercenaires de choc, étaient souillées de taches sombres. Ils s'étaient lavé les mains à la rivière, mais le souvenir du sang sur les mains ne s'efface pas si aisément.
— Y a plus rien debout dans ce village.
— Heureusement. Dans celui d'hier, on a perdu sept hommes.
— On leur a bien fait payer, non ?
— Heureusement. Dans celui d'hier, on a perdu sept hommes.
— On leur a bien fait payer, non ?
Les yeux bleus du premier soldat s'étrécirent et ses lèvres minces esquissèrent un sourire.
— Ça tu peux le dire !
Le capitaine les avait envoyés en avant-garde. Des poules apeurées se cachaient dans les ruines, mais il restait une maison intacte.
— On va voir s'il reste quelque chose à boire ?
— Un peu qu'on va voir.
— Un peu qu'on va voir.
Le fusil d'assaut prêt à cracher la mort, ils entrèrent dans la chaumière. Une vieille emmaillotée de noir, au nez crochu, les attendait dans une chaise à bascule.
— Eh bien, grand-mère, Tu ne t'es pas enfuie ?
— Pourquoi je me serais enfuie ?
— Tout le monde s'enfuit devant nous.
— Bah. J'en ai vu d'autres. Soyez les bienvenus.
— Pourquoi je me serais enfuie ?
— Tout le monde s'enfuit devant nous.
— Bah. J'en ai vu d'autres. Soyez les bienvenus.
Les deux soldats en restèrent stupéfaits.
— Tu n'es pas côté de ces bandits ?
— Je suis de mon côté. C'est le seul meilleur moyen de rester en vie.
— Je suis de mon côté. C'est le seul meilleur moyen de rester en vie.
Des guerriers aussi aguerris qu'eux ne pouvaient qu'en convenir. La demeure de la vieille était misérable, mais propre. Sur le fourneau à bois fumait une marmite dont s'échappait un fumet inhabituel.
— Quelle mixture du Diable mijotes-tu là-dedans ?
— Un ragoût de vipère. Je vous en offre ?
— Un ragoût de vipère. Je vous en offre ?
Les deux soldats grimacèrent de concert. La gamelle des mercenaires n'était pas fameuse non plus mais il y a des limites. On a sa dignité.
— Sans façons, la vieille. Y a à boire là-dedans ?
— Tu parles ! Vos camarades de jeu d'en face ont tout bu avant de filer. Même l'eau de Cologne.
— Tu parles ! Vos camarades de jeu d'en face ont tout bu avant de filer. Même l'eau de Cologne.
Les deux soldats arborèrent un air désappointé.
— Bon. La sorcière est trop moche pour qu'on la viole, et trop vieille pour être dangereuse. On s'en va.
La maison ne contenait que du rebut rafistolé. Rien qui vaille la peine d'être volé. Le premier soldat avisa pourtant une matriochka qui paraissait de belle facture. C'est dans la nature son peuple : dès qu'il voit une matriochka, il ne peut refréner son désir de la démonter. Il ôta le premier couvercle. Son ami s'inquiéta.
— Qu'est-ce que tu fabriques ?
Tout à son affaire, il ne l'écoutait pas. Il ôtait fébrilement tous les couvercles, faisant enfin apparaître la dernière poupée, la noire. Ce fut leur dernière vision.
Lorsque le gros de la compagnie arriva sur les lieux, on ne trouva sur les lieux que deux corps affreusement mutilés, le visage figé dans une expression de terreur indicible. Quant à la propriétaire des lieux, elle s'était évanouie dans les bois.
🎶 Poupée de cire, poupée de son 🎶 dit la chanson ; poupées de bois peint, décorées avec soin, qui portent en elles tout le charme de l’âme slave, ces jolies poupées russes mine de rien cachent bien leur jeu, ont le sens de l’accueil, de l’hospitalité, offrent aux intrus, aux soudards, brutes indésirables un cocktail Molotov de bienvenue. Petites causes, noble cause, grands effets. Une idée de cadeau pour Noël, un présent précieux à offrir au Monarque en place, Place rouge. 😇 Un cœur pour Matriochka - objet traditionnel culte, symbole de maternité et de fertilité - bien que muette n’a pas dit son dernier mot... et tous mes vœux pour la suite des événements.