Et quand j'ai bu à grandes goulées
Tout l'or de la journée,
Revient la nuit
Opalescente,
Toute griffée du rouge
De
... [+]
Le jeu de paires
il y a
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Lauréat
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Tu tournes dans l'appartement. Tu t'affaires à tout couper : le gaz, l'électricité, l'eau, et mon cœur en deux, pour en emporter le beau morceau, le bien saignant. Je finis de scotcher tes cartons et les tire le long du mur, contre les miens. Deux contre treize... Bon départ pour commencer une étude comparative de nos caractères ! D'autant que ni l'un ni l'autre de tes cartons ne doit te suivre : c'est moi qui en ai la garde. Toi, tu pars avec un sac de voyage, un seul, le sac noir à roulettes. Et je sais déjà que ces roulettes ne résisteront pas longtemps à essayer de t'accompagner... Elles lâcheront quelque part, dans un virage, comme je viens de le faire. Que peuvent des roulettes contre une paire d'ailes ? Brusquement, avec un sourire qui me déchire, tu sors de ta poche le jeu de paires dont j'ai
curieusement oublié de me soucier et tu interroges :
« On le partage ? ».
Je fais non de la tête, plus c'est trop pour moi, et tu me le tends avec un sourire : « Allez, c'est pas la fin du monde quand même ! »
Si. C'est exactement ça. Sauf qu'il y a plusieurs mondes et que le tien ne s'est jamais porté aussi bien.
« Alors, tiens, garde-le... »
Mais, oui, bien sûr : à toi les ailes, à moi de veiller sur le feu...
À Roissy, tu me serres une dernière fois contre toi et tu files sans te retourner. Je reviens sur nos pas, une main traînant sur les rampes, l'autre dans la poche, enserrant le jeu de paires, pour qu'à lui, au moins, il ne pousse pas d'ailes. Aucun projet pour moi si ce n'est de photographier les yeux des murs désertés de cet appartement, comme pour pouvoir me souvenir, plus tard, que c'est sous ces regards-là que j'ai commencé à vivre sans toi.
Et, oui, je commence. Parce que, finalement, ça n'est pas impossible. C'est même dans l'ordre des choses. D'abord, je m'éloigne vers le calme : sans toi, Paris ne sert à rien. Je cherche et trouve un lieu dont je deviens le centre. J'y fais pousser des arbres, des plantes étranges et des chats de gouttière. Je décide de nommer « Chat » celui que je préfère et qui m'attend devant la porte quand je rentre tard. De temps en temps, tu m'appelles. La communication est presque toujours mauvaise et il m'arrive de ne même pas comprendre le nom du pays dans lequel tu te trouves. Tu n'écris pas. Moi non plus : tu n'as pas d'adresse.
Je me suis mise à photographier les arbres, les vieux surtout, les centenaires, les magnifiques, mais aussi les demi-morts, les accablés de gui. Je peux rester des heures au pied d'un chêne, à suivre de la main les muscles durs, les plis de vie, sous l'écorce fissurée. Quand l'arbre commence à me répondre, je sors mon appareil et le photographie, d'abord en pied, sous tous ses angles, puis dans ses recoins les plus intimes. Il m'arrive, parfois, de vendre une ou deux de ces photos, mais ce n'est pas ce qui me fait vivre. J'ai un autre métier, bien sûr, un métier que je peux exercer chez moi et que j'ai choisi parce qu'il me permet de vivre à distance des gens.
Les gens... C'est ce qui fait ta vie à toi. Quand tu poses ton sac – le dernier noir à roulettes – chez moi pour quelques jours, tu tentes de me convaincre que je perds mon temps avec les arbres, que la richesse est ailleurs. Et tu racontes les gens : les trop petits, les trop vieux, les trop faibles, démolis par la faim, la guerre, le monde qui débloque, et superbes de rires malgré tout. Tu essaies de me convaincre d'au moins faire des portraits et je te réponds que j'en ai déjà fait, que tu le sais bien et ça te fait rire. Quand tu repars, il me faut des jours pour retrouver mon calme et retourner aux arbres.
Je commence à voir ton nom dans les journaux, au bas des articles, et même, une fois, tu es toi-même le sujet d'un article. On te raconte et je ne te reconnais qu'à moitié. Ce jour-là, je me sens très seule malgré le chat nommé Chat et les arbres et, pour la première fois depuis le jour de ton départ, je sors le jeu de paires. Les dessins au dos des cartes sont un peu effacés, mais je les reconstitue sans mal tellement je les connais bien : deux petits lézards stylisés, en miroir, queue contre queue, l'un rouge et l'autre noir. Des heures de travail pour nos vingt-quatre cartes. Des heures d'application, de discussion et de fous rires. Je tire six cartes et je les retourne : pas une paire. Je range le jeu.
Et puis, un soir, un éditeur téléphone pour dire qu'il accepte mon livre sur les arbres. Je suis folle de joie. Je t'envoie une épreuve poste restante à Téhéran pour que tu m'en écrives la préface. Le livre sort juste avant Noël et pour l'occasion tu décides de rentrer. Je signe mes exemplaires chez Gibert à Paris, mais c'est à toi qu'on s'intéresse, bien sûr. Ton nom est connu maintenant. Je ne suis pas jalouse, juste à ma joie que tu sois là. Nous passons Noël en tête à tête chez moi. Huîtres, champagne et jeu de paires... Tu remarques un peu tristement que la couleur des photos a viré, je te réponds que c'est inévitable, mais que je vais quand même essayer de faire quelque chose pour les sauver. Après, je ne sais pas pourquoi, je choisis d'oublier cette promesse.
Au mois de mai de l'année suivante, c'est toi qui m'appelles pour me dire que ton photographe vient de te lâcher et que tu as une place pour moi si je veux, au moins pour quelque temps. Je te demande deux jours pour réfléchir et je patauge deux jours entre l'exaltation et le désespoir. Au soir du deuxième jour, le chat nommé Chat me dit en soupirant :
« Cesse donc de te torturer puisque tu ne peux pas partir ».
Je lui réponds que, quand même, je ne vais pas m'empêcher de vivre à cause de lui. Il a un drôle de sourire pour ajouter que je n'ai rien compris, que c'est moi qui ai besoin de lui et pas le contraire, et il m'explique qu'il n'est qu'un symptôme d'autre chose, de plus vaste, qui m'habite depuis toujours. Que je suis faite pour les maisons, les cheminées à foyer ouvert, les vieux arbres et les chats, qu'ils se nomment Chat ou pas. Que ce n'est pas anodin de pouvoir passer des heures à écouter la pluie faire ses plocs dans le bassin, d'aimer ramasser les feuilles mortes et le reste. Que je suis une sédentaire, une arrimée, les pieds dans la glaise. Que ce n'est pas glorieux, mais pas non plus ma faute. Il y a des gens comme ça...
Un peu de temps passe. Je me suis mise à photographier les chenilles processionnaires. D'abord avec dégoût – ce sont des tueuses d'arbres – ensuite avec fascination. Il faut de la patience, mais j'en ai à revendre, pour surprendre la désagrégation d'un nid et le départ des cohortes poilues, chaque bestiole étant rivée à la précédente par un invisible fil de soie. Toi, tu éclates de rire quand je te raconte ça et tu finis dans un hoquet en me disant que, finalement, les chenilles c'est un progrès, car elles bougent un peu plus que les arbres. Je te laisse dire : tu ne connais rien aux arbres... ni aux chenilles, d'ailleurs.
Et c'est aujourd'hui. Je cours depuis mes plates-bandes vers le téléphone qui sonne du bout du monde, j'en suis sûre, la sonnerie est plus aigrelette, ce doit être toi. Mais ce n'est pas toi, même si c'est bien de toi qu'il s'agit. Une heure après, déjà une heure, la nuit est tombée et mes doigts crispés enserrent toujours le combiné. Je le repose avec précaution comme si c'était un objet dangereux. Ma main gauche caresse sans y croire le poil, devenu rêche avec l'âge, du chat nommé Chat qui ronronne sur mes genoux. Depuis quand est-il là ? Je me secoue, allume la lampe qui enveloppe aussitôt le secrétaire d'une lumière dorée. J'ouvre le premier tiroir. Pas besoin de chercher longtemps : le jeu de paires est juste là, à portée de mes doigts. Je lisse la surface blonde de l'abattant du secrétaire pour en écarter d'invisibles poussières et tire six cartes du jeu que je pose devant moi, faces contre le bois. Je retourne la première : c'est toi qui ris aux éclats, la deuxième : c'est encore toi qui fais le salut militaire, la troisième : c'est moi qui fais la grimace, la quatrième : c'est toi qui fais la grimace – une paire – la cinquième : c'est moi qui danse, la sixième : c'est moi qui fais le salut militaire – deux paires. Je souris en remarquant, comme à chaque fois, que les photos que tu as prises sont un peu floues, un peu moins bien cadrées que les miennes. Normal : c'était mon appareil, celui qu'on m'avait offert pour mes 12 ans et j'étais plus expérimentée, je l'avais déjà pas mal utilisé quand cette idée nous est venue. Un polaroid... l'appareil magique qui a tout compris de l'impatience des petites filles. Nos deux têtes penchées sur le carton bègue qui en quelques minutes passe par des centaines de photos avant de trouver la bonne. « Voilà c'est, c'est, c'est celle-là ! » dit-il en s'arrêtant, et nous explosons de rire. De rire...
Mes deux paires à la main, je vais me poster devant la télévision. Je suis certaine qu'on va parler de toi. Et oui, à 20 h 15, je vois notre visage sur l'écran. Je dis « notre » parce que c'est ce que j'ai toujours dit, mais il y a longtemps qu'on ne nous confond plus l'une avec l'autre. La vie s'est chargée de faire des jumelles que nous sommes des êtres dissemblables. Pas comme autrefois, quand notre mère s'ingéniait à nous coiffer et à nous habiller différemment. Pas comme dans le jeu de paires : si on ne te retrouve pas, il ne restera plus que moi pour pouvoir dire qui est qui dans chacune de ces paires, du moins tant que les photos auront encore un peu de netteté. Ce constat ouvre un précipice entre le fauteuil et la télévision. Je suis en train de réaliser que, si je bouge, je vais y tomber tête la première quand le chat nommé « Chat » fait friser sa queue sous mon nez et dit, en étirant avec volupté chacune de ses pattes arrière : « Mais cesse donc de t'inquiéter, on va la retrouver » et, parce qu'il n'y a rien d'autre à faire, je l'enveloppe de mes bras et choisis de le croire.
curieusement oublié de me soucier et tu interroges :
« On le partage ? ».
Je fais non de la tête, plus c'est trop pour moi, et tu me le tends avec un sourire : « Allez, c'est pas la fin du monde quand même ! »
Si. C'est exactement ça. Sauf qu'il y a plusieurs mondes et que le tien ne s'est jamais porté aussi bien.
« Alors, tiens, garde-le... »
Mais, oui, bien sûr : à toi les ailes, à moi de veiller sur le feu...
À Roissy, tu me serres une dernière fois contre toi et tu files sans te retourner. Je reviens sur nos pas, une main traînant sur les rampes, l'autre dans la poche, enserrant le jeu de paires, pour qu'à lui, au moins, il ne pousse pas d'ailes. Aucun projet pour moi si ce n'est de photographier les yeux des murs désertés de cet appartement, comme pour pouvoir me souvenir, plus tard, que c'est sous ces regards-là que j'ai commencé à vivre sans toi.
Et, oui, je commence. Parce que, finalement, ça n'est pas impossible. C'est même dans l'ordre des choses. D'abord, je m'éloigne vers le calme : sans toi, Paris ne sert à rien. Je cherche et trouve un lieu dont je deviens le centre. J'y fais pousser des arbres, des plantes étranges et des chats de gouttière. Je décide de nommer « Chat » celui que je préfère et qui m'attend devant la porte quand je rentre tard. De temps en temps, tu m'appelles. La communication est presque toujours mauvaise et il m'arrive de ne même pas comprendre le nom du pays dans lequel tu te trouves. Tu n'écris pas. Moi non plus : tu n'as pas d'adresse.
Je me suis mise à photographier les arbres, les vieux surtout, les centenaires, les magnifiques, mais aussi les demi-morts, les accablés de gui. Je peux rester des heures au pied d'un chêne, à suivre de la main les muscles durs, les plis de vie, sous l'écorce fissurée. Quand l'arbre commence à me répondre, je sors mon appareil et le photographie, d'abord en pied, sous tous ses angles, puis dans ses recoins les plus intimes. Il m'arrive, parfois, de vendre une ou deux de ces photos, mais ce n'est pas ce qui me fait vivre. J'ai un autre métier, bien sûr, un métier que je peux exercer chez moi et que j'ai choisi parce qu'il me permet de vivre à distance des gens.
Les gens... C'est ce qui fait ta vie à toi. Quand tu poses ton sac – le dernier noir à roulettes – chez moi pour quelques jours, tu tentes de me convaincre que je perds mon temps avec les arbres, que la richesse est ailleurs. Et tu racontes les gens : les trop petits, les trop vieux, les trop faibles, démolis par la faim, la guerre, le monde qui débloque, et superbes de rires malgré tout. Tu essaies de me convaincre d'au moins faire des portraits et je te réponds que j'en ai déjà fait, que tu le sais bien et ça te fait rire. Quand tu repars, il me faut des jours pour retrouver mon calme et retourner aux arbres.
Je commence à voir ton nom dans les journaux, au bas des articles, et même, une fois, tu es toi-même le sujet d'un article. On te raconte et je ne te reconnais qu'à moitié. Ce jour-là, je me sens très seule malgré le chat nommé Chat et les arbres et, pour la première fois depuis le jour de ton départ, je sors le jeu de paires. Les dessins au dos des cartes sont un peu effacés, mais je les reconstitue sans mal tellement je les connais bien : deux petits lézards stylisés, en miroir, queue contre queue, l'un rouge et l'autre noir. Des heures de travail pour nos vingt-quatre cartes. Des heures d'application, de discussion et de fous rires. Je tire six cartes et je les retourne : pas une paire. Je range le jeu.
Et puis, un soir, un éditeur téléphone pour dire qu'il accepte mon livre sur les arbres. Je suis folle de joie. Je t'envoie une épreuve poste restante à Téhéran pour que tu m'en écrives la préface. Le livre sort juste avant Noël et pour l'occasion tu décides de rentrer. Je signe mes exemplaires chez Gibert à Paris, mais c'est à toi qu'on s'intéresse, bien sûr. Ton nom est connu maintenant. Je ne suis pas jalouse, juste à ma joie que tu sois là. Nous passons Noël en tête à tête chez moi. Huîtres, champagne et jeu de paires... Tu remarques un peu tristement que la couleur des photos a viré, je te réponds que c'est inévitable, mais que je vais quand même essayer de faire quelque chose pour les sauver. Après, je ne sais pas pourquoi, je choisis d'oublier cette promesse.
Au mois de mai de l'année suivante, c'est toi qui m'appelles pour me dire que ton photographe vient de te lâcher et que tu as une place pour moi si je veux, au moins pour quelque temps. Je te demande deux jours pour réfléchir et je patauge deux jours entre l'exaltation et le désespoir. Au soir du deuxième jour, le chat nommé Chat me dit en soupirant :
« Cesse donc de te torturer puisque tu ne peux pas partir ».
Je lui réponds que, quand même, je ne vais pas m'empêcher de vivre à cause de lui. Il a un drôle de sourire pour ajouter que je n'ai rien compris, que c'est moi qui ai besoin de lui et pas le contraire, et il m'explique qu'il n'est qu'un symptôme d'autre chose, de plus vaste, qui m'habite depuis toujours. Que je suis faite pour les maisons, les cheminées à foyer ouvert, les vieux arbres et les chats, qu'ils se nomment Chat ou pas. Que ce n'est pas anodin de pouvoir passer des heures à écouter la pluie faire ses plocs dans le bassin, d'aimer ramasser les feuilles mortes et le reste. Que je suis une sédentaire, une arrimée, les pieds dans la glaise. Que ce n'est pas glorieux, mais pas non plus ma faute. Il y a des gens comme ça...
Un peu de temps passe. Je me suis mise à photographier les chenilles processionnaires. D'abord avec dégoût – ce sont des tueuses d'arbres – ensuite avec fascination. Il faut de la patience, mais j'en ai à revendre, pour surprendre la désagrégation d'un nid et le départ des cohortes poilues, chaque bestiole étant rivée à la précédente par un invisible fil de soie. Toi, tu éclates de rire quand je te raconte ça et tu finis dans un hoquet en me disant que, finalement, les chenilles c'est un progrès, car elles bougent un peu plus que les arbres. Je te laisse dire : tu ne connais rien aux arbres... ni aux chenilles, d'ailleurs.
Et c'est aujourd'hui. Je cours depuis mes plates-bandes vers le téléphone qui sonne du bout du monde, j'en suis sûre, la sonnerie est plus aigrelette, ce doit être toi. Mais ce n'est pas toi, même si c'est bien de toi qu'il s'agit. Une heure après, déjà une heure, la nuit est tombée et mes doigts crispés enserrent toujours le combiné. Je le repose avec précaution comme si c'était un objet dangereux. Ma main gauche caresse sans y croire le poil, devenu rêche avec l'âge, du chat nommé Chat qui ronronne sur mes genoux. Depuis quand est-il là ? Je me secoue, allume la lampe qui enveloppe aussitôt le secrétaire d'une lumière dorée. J'ouvre le premier tiroir. Pas besoin de chercher longtemps : le jeu de paires est juste là, à portée de mes doigts. Je lisse la surface blonde de l'abattant du secrétaire pour en écarter d'invisibles poussières et tire six cartes du jeu que je pose devant moi, faces contre le bois. Je retourne la première : c'est toi qui ris aux éclats, la deuxième : c'est encore toi qui fais le salut militaire, la troisième : c'est moi qui fais la grimace, la quatrième : c'est toi qui fais la grimace – une paire – la cinquième : c'est moi qui danse, la sixième : c'est moi qui fais le salut militaire – deux paires. Je souris en remarquant, comme à chaque fois, que les photos que tu as prises sont un peu floues, un peu moins bien cadrées que les miennes. Normal : c'était mon appareil, celui qu'on m'avait offert pour mes 12 ans et j'étais plus expérimentée, je l'avais déjà pas mal utilisé quand cette idée nous est venue. Un polaroid... l'appareil magique qui a tout compris de l'impatience des petites filles. Nos deux têtes penchées sur le carton bègue qui en quelques minutes passe par des centaines de photos avant de trouver la bonne. « Voilà c'est, c'est, c'est celle-là ! » dit-il en s'arrêtant, et nous explosons de rire. De rire...
Mes deux paires à la main, je vais me poster devant la télévision. Je suis certaine qu'on va parler de toi. Et oui, à 20 h 15, je vois notre visage sur l'écran. Je dis « notre » parce que c'est ce que j'ai toujours dit, mais il y a longtemps qu'on ne nous confond plus l'une avec l'autre. La vie s'est chargée de faire des jumelles que nous sommes des êtres dissemblables. Pas comme autrefois, quand notre mère s'ingéniait à nous coiffer et à nous habiller différemment. Pas comme dans le jeu de paires : si on ne te retrouve pas, il ne restera plus que moi pour pouvoir dire qui est qui dans chacune de ces paires, du moins tant que les photos auront encore un peu de netteté. Ce constat ouvre un précipice entre le fauteuil et la télévision. Je suis en train de réaliser que, si je bouge, je vais y tomber tête la première quand le chat nommé « Chat » fait friser sa queue sous mon nez et dit, en étirant avec volupté chacune de ses pattes arrière : « Mais cesse donc de t'inquiéter, on va la retrouver » et, parce qu'il n'y a rien d'autre à faire, je l'enveloppe de mes bras et choisis de le croire.

Pourquoi on a aimé ?
Grâce à un style riche et une approche originale, ce récit raconte une relation de gémellité très belle et touchante, tout en opposition et en
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Pourquoi on a aimé ?
Grâce à un style riche et une approche originale, ce récit raconte une relation de gémellité très belle et touchante, tout en opposition et en