Je regardais le bout de mes doigts avec admiration et me sentis plus adulte. Parce que seules les femmes mariées avaient le droit de se teinter les dix doigts des mains et les dix orteils. Ma mère ... [+]
Connaissez-vous le Duduk ?
D'aucuns pourraient penser qu'il s'agit d'un oiseau exotique ou même d'un étrange animal préhistorique.
Il n'en est rien.
L'essence du Duduk n'est pas animale, mais végétale. Il fut façonné dans le bois tendre de l'abricotier d'Arménie, il y a déjà plusieurs siècles, sous le règne de Tigrane Le Grand*. Sûrement par un petit pâtre qui s'ennuyait au milieu de ses brebis indolentes...
Rêvant au corps gracile de sa bien-aimée qui l'attendait loin des pâturages verdoyants, il sculpta distraitement cet étrange instrument, y porta les lèvres, gonfla ses joues et en fit jaillir une plainte chaude et douce que l'écho reprit en nostalgie et emporta vers la fiancée...
Le Duduk était né et bien que d'essence végétale, il se nourrissait au souffle des Hommes et pouvait enfin parler à travers eux... Ou plutôt chanter !
Une mélodie qui racontait les vies, s'immisçant dans les cœurs en accents graves et nasillards.
Une mélodie aussi profonde, ténue, fragile et oscillante que l'était le souffle de la Vie. Parfois gaie, souvent triste, elle avait ce pouvoir de toucher les tréfonds de l'âme, caresser les émotions d'une aile voluptueuse et mélancolique.
Le Duduk célébrait les naissances, conduisait les mariages, s'endeuillait pour les morts...
Dans les villages, les paysages volcaniques roussis, les forêts verdoyantes, les antiques monastères perchés, taillés dans le rocher des montagnes, ou dans les riches plaines de l'Ararat, on entendait soudain ses accents joyeux ou sa longue plainte vibrante selon les circonstances.
Les Arméniens l'avaient adopté, amélioré... Et quand ce peuple fut dispersé, laissant derrière lui des maisons de cendre et des éclats de sang, quand aux heures sombres de l'exil, il erra sur les routes, le Duduk accompagnait les hommes, les femmes et les enfants, tantôt sanglotant avec eux, tantôt les consolant, les exhortant au courage, leur insufflant un peu de détermination, un brin de résilience au sein des lourds brouillards du désespoir.
Dans ses notes vibraient désormais les racines profondément ancrées d'un peuple déraciné. Autour de sa musique, ils s'enracinèrent, ici et là, encore et encore, reprirent souffle et vie. Le Duduk les sauva...
Car il flotterait toujours dans sa mélodie ondoyante et tenace, le souvenir lointain de la branche mère et celui des fruits, aux couleurs de soleil, au goût tendre et sucré, de l'abricotier.
* Tigrane II dit Le Grand : roi d'Arménie ayant régné de 95 à 55 av. J.-C. Sous son règne, l'Arménie connaît son expansion maximale et devient pendant quelques années l'État le plus puissant de l'Orient romain
D'aucuns pourraient penser qu'il s'agit d'un oiseau exotique ou même d'un étrange animal préhistorique.
Il n'en est rien.
L'essence du Duduk n'est pas animale, mais végétale. Il fut façonné dans le bois tendre de l'abricotier d'Arménie, il y a déjà plusieurs siècles, sous le règne de Tigrane Le Grand*. Sûrement par un petit pâtre qui s'ennuyait au milieu de ses brebis indolentes...
Rêvant au corps gracile de sa bien-aimée qui l'attendait loin des pâturages verdoyants, il sculpta distraitement cet étrange instrument, y porta les lèvres, gonfla ses joues et en fit jaillir une plainte chaude et douce que l'écho reprit en nostalgie et emporta vers la fiancée...
Le Duduk était né et bien que d'essence végétale, il se nourrissait au souffle des Hommes et pouvait enfin parler à travers eux... Ou plutôt chanter !
Une mélodie qui racontait les vies, s'immisçant dans les cœurs en accents graves et nasillards.
Une mélodie aussi profonde, ténue, fragile et oscillante que l'était le souffle de la Vie. Parfois gaie, souvent triste, elle avait ce pouvoir de toucher les tréfonds de l'âme, caresser les émotions d'une aile voluptueuse et mélancolique.
Le Duduk célébrait les naissances, conduisait les mariages, s'endeuillait pour les morts...
Dans les villages, les paysages volcaniques roussis, les forêts verdoyantes, les antiques monastères perchés, taillés dans le rocher des montagnes, ou dans les riches plaines de l'Ararat, on entendait soudain ses accents joyeux ou sa longue plainte vibrante selon les circonstances.
Les Arméniens l'avaient adopté, amélioré... Et quand ce peuple fut dispersé, laissant derrière lui des maisons de cendre et des éclats de sang, quand aux heures sombres de l'exil, il erra sur les routes, le Duduk accompagnait les hommes, les femmes et les enfants, tantôt sanglotant avec eux, tantôt les consolant, les exhortant au courage, leur insufflant un peu de détermination, un brin de résilience au sein des lourds brouillards du désespoir.
Dans ses notes vibraient désormais les racines profondément ancrées d'un peuple déraciné. Autour de sa musique, ils s'enracinèrent, ici et là, encore et encore, reprirent souffle et vie. Le Duduk les sauva...
Car il flotterait toujours dans sa mélodie ondoyante et tenace, le souvenir lointain de la branche mère et celui des fruits, aux couleurs de soleil, au goût tendre et sucré, de l'abricotier.
* Tigrane II dit Le Grand : roi d'Arménie ayant régné de 95 à 55 av. J.-C. Sous son règne, l'Arménie connaît son expansion maximale et devient pendant quelques années l'État le plus puissant de l'Orient romain
Quelques liens pour découvrir cet instrument qui me touche particulièrement : https://youtu.be/DTeYrVg_ScU ,
https://youtu.be/HSdcuNiGCWs , https://youtu.be/RQ0q8NVUfeQ