Valentine entre discrètement dans la cuisine. Sa maman prépare un gâteau. Du haut de ses six ans, elle sait pourquoi elle aime cette ambiance. Il y a l’odeur du beurre et du bon chocolat, le ... [+]
23 mai.
Dans son bureau le commissaire examine la lettre. Accroupi près du cadavre il l’a trouvée coincée entre deux pierres. L’homme a été torturé dans une ferme abandonnée. Quelques jours auparavant des randonneurs ont prévenu la gendarmerie. Il y a comme une odeur de sang et même de cochon grillé ont-ils indiqué. Dans la main de la victime, un fin morceau de bois trempé dans le sang interroge encore. Attentivement il relit la lettre.
« J’ai accumulé assez de preuves pour les faire tomber. J’ai vu les enfants enfermés dans les cages. Attachés. La première fois j’ai avalé mon vomi. Des petits. Des gosses innocents. Il ne s’agit pas de pervers isolé. C’est une organisation. Les méthodes d’enlèvements sont éprouvées. Le transport est rapide. Aucune preuve. Je me suis infiltré parmi ces gens. J’ai gravi les échelons. J’ai été chargé de repérer. Puis j’ai enlevé des enfants. Pour aller au bout pour mon enquête j’ai fait des livraisons. Je me suis dégoûté. J’ai refusé de participer aux orgies. Ce soir ils m’ont invité dans cette ferme. Du champagne dans les glacières. Nappes sur le sol. »
Le téléphone surprend le commissaire.
- Allo ? interroge-t-il.
- Vous avancez dans votre enquête ?
- Oui. Les choses se mettent en place. J’aurai bientôt fini.
- Je compte sur vous. C’est vraiment inquiétant cette histoire.
- Je vous rappelle dans quelques heures répond le commissaire visiblement excédé.
- A tout à l’heure.
La communication s’interrompt. Pas de formule de politesse. Le commissaire bute sur les mots. Le stylo semble avoir manqué d’encre.
« Promesse d’une soirée un peu dépravée. Ils ont allumé un barbecue. Nous avons bu. Les filles étaient excitées. ». La suite est illisible. On frappe à la porte du bureau.
- Entrez.
Un gendarme ouvre et entre dans la pièce un ordinateur portable sous le bras.
- Bonjour commissaire. Je vous amène l’ordinateur de la victime. C’est un journaliste.
- Merci.
L’Aspirant sort sans un mot. Il aurait pu aider mais son service a été dessaisi de l’enquête. Le commissaire rejoint un véhicule garé dans la cour de la caserne. Une heure plus tard il entre dans la ferme. Il inspecte chaque anfractuosité et bouge chaque pierre. Sa patience paye. Roulée comme une cigarette, il trouve une autre lettre. Il va s’asseoir à l’extérieur. L’odeur du sang reste tenace. Le fumet de travers de porc également.
« La viande sortie. Posée sur la grille. Il y a. »
De toute évidence le journaliste a écrit avec son sang. Les phrases sont courtes, presque illisibles.
« Des morceaux. Ils savent qui je suis ».
Son téléphone portable vibre sur sa poitrine. Il écoute.
- Vous en êtes où ?
- Bonjour maître répond-il calmement.
- Arrêtez. N’évoquez rien de moi.
- J’avance.
Ils raccrochent en même temps. Il continue sa lecture.
« Je dois manger. Ils rient. Les organes sont au laboratoire. Couteau dans mon ventre. Le sang. Je n’ai pas parlé. Les preuves sont partout. Les organes. Les viols. L’esclavage. Internet. Les enfants ».
Le commissaire ranisge la lettre dans un sac plastique et repart pour la gendarmerie.
- Putain. Les preuves sont partout, hurle-t-il dans le véhicule. Il l’a écrit avec son sang.
Il accélère. Tout ça doit être réglé rapidement. Il a des ordres. Arrivé à la gendarmerie il croise de nouveau le jeune Aspirant qui le dévisage avec insistance. Enfermé dans le bureau il active l’ordinateur du journaliste.
Le journaliste a copié tous les articles concernant les disparitions d’enfants. Un article parle du Darknet et des réseaux de pédophilies démantelés en Europe. Il y a des détails sur l’opération Darkroom et sur l’opération Pacifier d’Europol et du FBI. Pour la France il n’apprend rien de nouveau. Quatre cents disparitions inquiétantes par an. Pas de nom de sites internet ou de coupable. Aucun nom de politicien ou d’avocat comme en Norvège. Le journaliste a parlé de preuves. Où sont-elles ? Il a la nuit pour réfléchir.
Ce matin il repart avec les gendarmes qui sont chargés d’expertiser à l’extérieur de la ferme.
- Les preuves sont là-bas chuchote-t-il.
- Vous dites ? interroge l’Aspirant qui l’accompagne.
- Rien. Allons-y.
Arrivés sur les lieux les gendarmes ratissent les alentours des bâtiments. L’arme du crime a peut-être été jetée. Aucun résultat.
- Nous avons reçu les résultats de l’autopsie, signale le gendarme.
- Et ?
- Son estomac était rempli de viande et de morceaux d’ongles.
- Il est comme moi. Je me ronge les ongles.
Tout en marchant le gendarme examine le sol de la cour de la ferme.
- Plusieurs véhicules sont venus. Il n’y a pas longtemps.
- Vous en êtes sûr ?
- Oui. Je prendrai des photos.
- C’est une ferme répond laconiquement le commissaire.
- Abandonnée commissaire, abandonnée.
Ils s’arrêtent devant l’entrée de l’étable.
- Regardez commissaire. Il y a beaucoup de mégots de cigarette écrasés sur le sol et dans les murs.
- N’y touchez pas s’il vous plaît. Ces éléments seront relevés par mes services.
L’aspirant soupire.
- Si nous ne pouvons rien faire de plus nous allons rentrer. Dommage nous aurions pu vous aider.
- Je sais. Mais je ne veux pas de problème avec la hiérarchie.
De retour à son bureau le commissaire ferme à clé et prend son ordinateur portable.
- Ils n’ont quand même pas fait ça, marmonne-t-il.
Il accède rapidement sur le Darknet et trouve ce qu’il craignait de voir. La vidéo du meurtre. Les poignets attachés aux barreaux de la mangeoire à bestiaux, le journaliste est lacéré doucement avec un couteau. Un masque sur les yeux une femme l’oblige à manger. Le zoom confirme ce que l’on devine. C’est une main d’enfant. La caméra fait un lent travelling sur les spectateurs qui assistent à la scène. Un homme fait griller des morceaux de viande sur un barbecue électrique. Une femme fait la distribution. Un homme habillé en valet verse du vin dans des verres en cristal. Le vin est épais. Les hurlements du journaliste étouffés par les morceaux de chair dans sa gorge attirent de nouveau la caméra pour un plan plus large. Il y a un craquement d’os dans sa bouche.
- Maître, maître scande doucement l’assistance.
Un homme se lève un verre à la main. S’avançant doucement vers le journaliste il récite une prière dans une langue inconnue. Il appuie son verre sur une plaie. Le sang coule. Les spectateurs reprennent l’incantation du maître. La vidéo s’arrête là.
- C’est ça l’odeur de porc, chuchote le commissaire.
Il décroche le téléphone placé sur le bureau et compose un numéro interne. Il prévient l’Aspirant.
- Je pars demain soir. Je vous tiens informé de cette enquête.
- Merci répond le gendarme.
- Ne vous inquiétez pas. Je vois que ça vous tient à cœur.
- Oui, c’est vrai. Merci.
Le lendemain matin le commissaire fouille dans l’ordinateur du journaliste. Il ne trouve rien. Dans l’après-midi il retourne à la ferme. Des preuves doivent y être encore cachées. Après trois heures de fouille sans succès il décide d’arrêter. Le téléphone vibre dans sa poche.
- Comment allez-vous ? lui demande la voix.
- Bien. L’affaire sera close ce soir.
- J’en suis ravie.
- Il faudra quand même s’occuper d’un gendarme.
- Vous proposez quelle solution ?
- Une mutation au Mali et un accident mortel.
- Pas de souci. On s’en occupe. Donnez-moi son matricule.
- Je rentre ce soir.
- A bientôt répond l’interlocuteur avant de raccrocher.
Le commissaire ouvre le coffre arrière de sa voiture et sort un bidon de 20 litres d’essence. Une fois dans l’étable il asperge les murs, le sol et un tas de bois juste à côté de l’entrée. Il gratte une allumette et la jette sur l’essence mélangée à la paille. L’embrasement est immédiat. Sa voiture s’éloigne rapidement de l’incendie. Dans l’autoradio une journaliste insiste sur cette journée du 25 mai classée ‘’Journée Internationale des Enfants Disparus’’.
- Si elle savait chuchote-t-il.
Il change de station. La musique classique l’accompagnera tout le voyage. Il sourit en pensant à sa femme et à ses enfants qu’il n’a pas vus depuis plusieurs jours. Ils lui manquent.
Dans son bureau le commissaire examine la lettre. Accroupi près du cadavre il l’a trouvée coincée entre deux pierres. L’homme a été torturé dans une ferme abandonnée. Quelques jours auparavant des randonneurs ont prévenu la gendarmerie. Il y a comme une odeur de sang et même de cochon grillé ont-ils indiqué. Dans la main de la victime, un fin morceau de bois trempé dans le sang interroge encore. Attentivement il relit la lettre.
« J’ai accumulé assez de preuves pour les faire tomber. J’ai vu les enfants enfermés dans les cages. Attachés. La première fois j’ai avalé mon vomi. Des petits. Des gosses innocents. Il ne s’agit pas de pervers isolé. C’est une organisation. Les méthodes d’enlèvements sont éprouvées. Le transport est rapide. Aucune preuve. Je me suis infiltré parmi ces gens. J’ai gravi les échelons. J’ai été chargé de repérer. Puis j’ai enlevé des enfants. Pour aller au bout pour mon enquête j’ai fait des livraisons. Je me suis dégoûté. J’ai refusé de participer aux orgies. Ce soir ils m’ont invité dans cette ferme. Du champagne dans les glacières. Nappes sur le sol. »
Le téléphone surprend le commissaire.
- Allo ? interroge-t-il.
- Vous avancez dans votre enquête ?
- Oui. Les choses se mettent en place. J’aurai bientôt fini.
- Je compte sur vous. C’est vraiment inquiétant cette histoire.
- Je vous rappelle dans quelques heures répond le commissaire visiblement excédé.
- A tout à l’heure.
La communication s’interrompt. Pas de formule de politesse. Le commissaire bute sur les mots. Le stylo semble avoir manqué d’encre.
« Promesse d’une soirée un peu dépravée. Ils ont allumé un barbecue. Nous avons bu. Les filles étaient excitées. ». La suite est illisible. On frappe à la porte du bureau.
- Entrez.
Un gendarme ouvre et entre dans la pièce un ordinateur portable sous le bras.
- Bonjour commissaire. Je vous amène l’ordinateur de la victime. C’est un journaliste.
- Merci.
L’Aspirant sort sans un mot. Il aurait pu aider mais son service a été dessaisi de l’enquête. Le commissaire rejoint un véhicule garé dans la cour de la caserne. Une heure plus tard il entre dans la ferme. Il inspecte chaque anfractuosité et bouge chaque pierre. Sa patience paye. Roulée comme une cigarette, il trouve une autre lettre. Il va s’asseoir à l’extérieur. L’odeur du sang reste tenace. Le fumet de travers de porc également.
« La viande sortie. Posée sur la grille. Il y a. »
De toute évidence le journaliste a écrit avec son sang. Les phrases sont courtes, presque illisibles.
« Des morceaux. Ils savent qui je suis ».
Son téléphone portable vibre sur sa poitrine. Il écoute.
- Vous en êtes où ?
- Bonjour maître répond-il calmement.
- Arrêtez. N’évoquez rien de moi.
- J’avance.
Ils raccrochent en même temps. Il continue sa lecture.
« Je dois manger. Ils rient. Les organes sont au laboratoire. Couteau dans mon ventre. Le sang. Je n’ai pas parlé. Les preuves sont partout. Les organes. Les viols. L’esclavage. Internet. Les enfants ».
Le commissaire ranisge la lettre dans un sac plastique et repart pour la gendarmerie.
- Putain. Les preuves sont partout, hurle-t-il dans le véhicule. Il l’a écrit avec son sang.
Il accélère. Tout ça doit être réglé rapidement. Il a des ordres. Arrivé à la gendarmerie il croise de nouveau le jeune Aspirant qui le dévisage avec insistance. Enfermé dans le bureau il active l’ordinateur du journaliste.
Le journaliste a copié tous les articles concernant les disparitions d’enfants. Un article parle du Darknet et des réseaux de pédophilies démantelés en Europe. Il y a des détails sur l’opération Darkroom et sur l’opération Pacifier d’Europol et du FBI. Pour la France il n’apprend rien de nouveau. Quatre cents disparitions inquiétantes par an. Pas de nom de sites internet ou de coupable. Aucun nom de politicien ou d’avocat comme en Norvège. Le journaliste a parlé de preuves. Où sont-elles ? Il a la nuit pour réfléchir.
Ce matin il repart avec les gendarmes qui sont chargés d’expertiser à l’extérieur de la ferme.
- Les preuves sont là-bas chuchote-t-il.
- Vous dites ? interroge l’Aspirant qui l’accompagne.
- Rien. Allons-y.
Arrivés sur les lieux les gendarmes ratissent les alentours des bâtiments. L’arme du crime a peut-être été jetée. Aucun résultat.
- Nous avons reçu les résultats de l’autopsie, signale le gendarme.
- Et ?
- Son estomac était rempli de viande et de morceaux d’ongles.
- Il est comme moi. Je me ronge les ongles.
Tout en marchant le gendarme examine le sol de la cour de la ferme.
- Plusieurs véhicules sont venus. Il n’y a pas longtemps.
- Vous en êtes sûr ?
- Oui. Je prendrai des photos.
- C’est une ferme répond laconiquement le commissaire.
- Abandonnée commissaire, abandonnée.
Ils s’arrêtent devant l’entrée de l’étable.
- Regardez commissaire. Il y a beaucoup de mégots de cigarette écrasés sur le sol et dans les murs.
- N’y touchez pas s’il vous plaît. Ces éléments seront relevés par mes services.
L’aspirant soupire.
- Si nous ne pouvons rien faire de plus nous allons rentrer. Dommage nous aurions pu vous aider.
- Je sais. Mais je ne veux pas de problème avec la hiérarchie.
De retour à son bureau le commissaire ferme à clé et prend son ordinateur portable.
- Ils n’ont quand même pas fait ça, marmonne-t-il.
Il accède rapidement sur le Darknet et trouve ce qu’il craignait de voir. La vidéo du meurtre. Les poignets attachés aux barreaux de la mangeoire à bestiaux, le journaliste est lacéré doucement avec un couteau. Un masque sur les yeux une femme l’oblige à manger. Le zoom confirme ce que l’on devine. C’est une main d’enfant. La caméra fait un lent travelling sur les spectateurs qui assistent à la scène. Un homme fait griller des morceaux de viande sur un barbecue électrique. Une femme fait la distribution. Un homme habillé en valet verse du vin dans des verres en cristal. Le vin est épais. Les hurlements du journaliste étouffés par les morceaux de chair dans sa gorge attirent de nouveau la caméra pour un plan plus large. Il y a un craquement d’os dans sa bouche.
- Maître, maître scande doucement l’assistance.
Un homme se lève un verre à la main. S’avançant doucement vers le journaliste il récite une prière dans une langue inconnue. Il appuie son verre sur une plaie. Le sang coule. Les spectateurs reprennent l’incantation du maître. La vidéo s’arrête là.
- C’est ça l’odeur de porc, chuchote le commissaire.
Il décroche le téléphone placé sur le bureau et compose un numéro interne. Il prévient l’Aspirant.
- Je pars demain soir. Je vous tiens informé de cette enquête.
- Merci répond le gendarme.
- Ne vous inquiétez pas. Je vois que ça vous tient à cœur.
- Oui, c’est vrai. Merci.
Le lendemain matin le commissaire fouille dans l’ordinateur du journaliste. Il ne trouve rien. Dans l’après-midi il retourne à la ferme. Des preuves doivent y être encore cachées. Après trois heures de fouille sans succès il décide d’arrêter. Le téléphone vibre dans sa poche.
- Comment allez-vous ? lui demande la voix.
- Bien. L’affaire sera close ce soir.
- J’en suis ravie.
- Il faudra quand même s’occuper d’un gendarme.
- Vous proposez quelle solution ?
- Une mutation au Mali et un accident mortel.
- Pas de souci. On s’en occupe. Donnez-moi son matricule.
- Je rentre ce soir.
- A bientôt répond l’interlocuteur avant de raccrocher.
Le commissaire ouvre le coffre arrière de sa voiture et sort un bidon de 20 litres d’essence. Une fois dans l’étable il asperge les murs, le sol et un tas de bois juste à côté de l’entrée. Il gratte une allumette et la jette sur l’essence mélangée à la paille. L’embrasement est immédiat. Sa voiture s’éloigne rapidement de l’incendie. Dans l’autoradio une journaliste insiste sur cette journée du 25 mai classée ‘’Journée Internationale des Enfants Disparus’’.
- Si elle savait chuchote-t-il.
Il change de station. La musique classique l’accompagnera tout le voyage. Il sourit en pensant à sa femme et à ses enfants qu’il n’a pas vus depuis plusieurs jours. Ils lui manquent.