Fluor Elevator

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Un livre ? Nadja, André Breton. Un texte ? Première soirée, Arthur Rimbaud. Un film ? Trainspotting, Danny Boyle. Une chanson ? I am the walrus, The Beatles.

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Les yeux collés, l'esprit embué. Comme tous les matins, j'entre machinalement et la tête basse dans l'ascenseur. Mais, à la différence des autres jours, son parfum est là. Et elle aussi. Dans un bref instant de panique, je me retourne discrètement pour vérifier mon haleine. Cinq fruits et légumes par mois, mon hygiène alimentaire est à surveiller. J'appuie maladroitement sur le bouton du rez-de-chaussée, comme si de rien n'était.

Un tête-à-tête imprévu dans l'ascenseur est l'occasion rêvée de faire plus ample connaissance. Lucy est ma voisine du dernier étage. Un charme solaire, totalement aérien. Je dois me concentrer et trouver au plus vite un sujet de discussion.

Je pourrais lui avouer qu'elle me fait vibrer comme un portable, lui expliquer que je la trouve magnétique, que je voudrais la plaquer contre un frigo, que j'adorerais partager un bon verre de vin avec elle en écoutant la chanson « Young and Beautiful ».

En réalité, je n'ai pas le cran de dire ou faire quoi que ce soit. Juste un sourire crispé sur un visage de myope sans lunettes, lui donnant probablement l'impression d'être enfermée dans une cage avec Hannibal Lecter.

J'aimerais vraiment appuyer sur le bouton d'appel d'urgence, lui jeter une poignée de fleurs imaginaires, déclarer que la vie à ses côtés doit être un bouquet d'intenses sensations, sans avoir à lui préciser que je n'ai pas relu Baudelaire ou Verlaine depuis le bac de français. Je voudrais stopper le temps, arrêter les images et les sons, m'enfuir avec elle dans un endroit loin d'ici où tout ne serait que luxure et insouciance.

Les portes de la cabine s'ouvrent et font apparaître le tapis rouge et poussiéreux. Mon cerveau s'est enrayé. Bienvenue au festival de panne. En plus, j'ai l'impression qu'elle me questionne du regard, du genre : « Bah alors tu te décides à me parler Bernardo ? » Devant mon incroyable lenteur, Lucy s'éloigne et disparaît derrière la lourde porte donnant sur le monde extérieur.

« Toujours remettre au lendemain ce qu'on peut faire le jour même », ferait remarquer ironiquement un de mes potes au meilleur de sa forme. Et si j'arrêtais de ne rien faire ? Et si je la rattrapais pour lui dire ce que je pense ? Tout s'accélère enfin. Je me surprends à courir comme un malade dans les escaliers, avalant les marches deux à deux. Je remonte vite fait chez moi, j'attrape un chewing-gum, je prends au passage mon courage à deux mains et je fonce la retrouver.

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