- Excusez moi, c'est bien ici pour les retours-arrières ?
- Oui, Madame. Voici le formulaire. Merci d'indiquer la date-cible de retour-arrière. N'oubliez pas de cocher les cases en bas de
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Le soleil tapait fort sur Crazy Horse City.
— Pied-tendre, ne prends pas la peine de descendre de ta selle. Ceux qui restent ici, y restent les quatre fers en l'air.
La chaleur floutait l'horizon du désert, où une silhouette apparaissait peu à peu à contre-jour. Le cowboy qui dégainait plus vite que son ombre : Lucky Luke, sur son fidèle destrier Jolly Jumper, les flancs chargés de sacs du Poney Express. Assoiffés, épuisés, ils approchaient :
— Mon bon Jolly, si ce n'est un mirage, je crois que nous voici arrivés là où nous pourrons livrer nos lettres. Mais avant cela, une bière bien fraîche et un abreuvoir bien rempli nous feront le plus grand bien.
S'arrêtant devant le saloon, Lucky descendit de cheval et plongea la tête dans l'abreuvoir tandis que Jolly, d'un air hautain, entra dans le saloon.
— Eh bien, mon cowboy se prend pour un cheval maintenant...
Quelques minutes plus tard, Lucky sortit la tête de l'eau, remarqua l'absence de Jolly, les portes encore battantes du saloon, et quatre autres cowboys la tête plongée dans l'eau, habillés de rayures jaunes et noires, un boulet à la main.
Lucky entra dans le saloon et se figea, stupéfait ! Le saloon n'était rempli que de chevaux. Assis à une table sur laquelle étaient posées des piles de jetons, trois d'entre eux fumaient des cigares avec quatre cartes dans le sabot, et un petit haut-de forme sur la crinière. Au comptoir, debout sur les sabots arrières, un ceinturon muni d'un colt sur le flanc droit, un chapeau de cowboy entre les deux oreilles, se tenait un cheval brun. Face à lui, un autre cheval nettoyait des verres à bière à grand coup de langue, tandis que Jolly Jumper riait à mâchoire déployée.
Lucky s'approcha, et du geste universellement connu qu'est le double coup sur le comptoir, commanda une bière. A peine fut-elle servie qu'il vit apparaître via le miroir les quatre cowboys de l'abreuvoir qui venaient d'entrer à leur tour : les Frères Dalton. Joe dégaina, devenant rouge de folie :
— Lucky Luke ! C'est Lucky Luke !
Lucky se retourna plus vite que son ombre, tira quatre coups, désarmant instantanément les quatre frères. Une balle atteint soudain le colt de Lucky et le désarma. Le cheval brun au comptoir se tenait toujours tranquillement face au miroir, à déguster sa bière à grandes léchées. Un nuage de fumée sortait du colt à son ceinturon. Du bout de son sabot, celui-ci se mit à tracer sur la poussière du comptoir « Armes non autorisées dans les lieux publics ». Lucky vit alors briller au flanc du cheval brun une étoile de shérif.
— Eh Joe, cela fait plusieurs jours que l'on ne peut boire que l'eau de l'abreuvoir et maintenant voilà qu'un cheval fait sa loi. Ce n'est pas normal, s'interroge Jack.
Averell réagit :
— Ah, c'était donc de l'eau. Barhorse, j'en prendrai un pinte !
Le cheval de l'autre côté du bar laissa glisser le long du comptoir une pinte transparente. Averell l'attrapa d'un geste, en but plusieurs gorgées, s'essuya la bouche du revers de la manche :
— Peut-être une pointe de savon serait la bienvenue pour relever le goût.
Joe Dalton, toujours rouge de folie, mangeait un morceau de poteau. William osa une idée :
— Eh Joe, peut-être Luke pourrait nous aider, nous sommes coincés là, nos chevaux nous ont lâchés pour vivre libres et heureux, et impossible d'en acheter de nouveau. Ici, ce sont eux qui font la loi...
Joe était trop occupé à ronger un pied de table pour l'entendre. William se tourna vers Jack puis Averell, puis s'approcha de Lucky Luke, le chapeau entre les mains.
Celui-ci, obnubilé par l'étoile de shérif de son voisin équidé, lui tournait le dos. William du bout de l'index lui tapota le dos :
— Cher Lucky Luke. Nous avons vécu bien des déboires dans nos aventures, même si nous avons déjà tenté de nous racheter, voire de nous faire psychanalyser. Nous voici de nouveau en fuite. Cependant, il semble que cette ville soit une prison d'où l'évasion n'est pas possible. Aucune ville n'est accessible à pieds et nous ne trouvons ni cheval ni diligence. Je me permets donc de te proposer de nous raccompagner jusqu'au pénitencier le plus proche où nos probabilités de fuite seront plus grandes que dans ce trou perdu. Cordialement.
Lucky Luke se gratta la tête d'un air gêné :
— J'imagine que cela peut se faire... Qu'en penses-tu, Jolly ?
Jolly souffla en signe de dénégation.
— Cowboy, je ne suis plus ta propriété, ici je peux être un poor lonesome horse sans cowboy sur le dos, pensa-t-il.
Lucky enchaîna :
— Allez, Jolly, ne fais pas la tête, crois-tu vraiment pouvoir avoir une vie trépidante sans moi ?
Jolly souffla de nouveau, releva la tête, et tourna des sabots vers la sortie du saloon.
Lucky Luke s'effondra à la vue de son cheval s'en allant. Il revit défiler toutes leurs aventures. Soudain, Lucky se releva, se précipita auprès de Jolly, et s'interrogea à haute voix :
— Je me demande quand même à qui était destinées ces lettres du Poney Express...
Jolly se figea, tourna la tête, tenta d'ouvrir le sac de sa mâchoire et se mit à tourner sur lui-même à toute vitesse, renversant du même coup la table de poker... Les trois chevaux assis, se mirent à hennir bruyamment, et se jetèrent les uns sur les autres. Lucky Luke escalada un poteau et sauta sur le dos de Jolly. Après un peu de rodéo, il parvint à ouvrir la sacoche, en sortit une lettre et éclata de rire.
— Jolly, je crois qu'il va nous falloir continuer un peu ensemble. Cette lettre est à destination de Moulin-Rouge City. Vous venez les Dalton ?
Ceux-ci, cachés sous une table pour éviter de prendre un coup de sabot, le rejoignirent ventre à terre, et tous sortirent du saloon.
Hors de la ville
— Tu reviendras ici un jour, Jolly, je te promets ! Mais avant cela, reste avec moi. Que serait le poor lonesome cowboy sans son poor lonesome horse ? Ligotés, les quatre Frères Dalton marchaient à son côté. Joe était rouge de rage :
— William, je crois que tu t'es fait avoir.
Et le soleil se couchant à l'horizon, Averell chanta « We are poor lonesome cowboys... ».
— Pied-tendre, ne prends pas la peine de descendre de ta selle. Ceux qui restent ici, y restent les quatre fers en l'air.
La chaleur floutait l'horizon du désert, où une silhouette apparaissait peu à peu à contre-jour. Le cowboy qui dégainait plus vite que son ombre : Lucky Luke, sur son fidèle destrier Jolly Jumper, les flancs chargés de sacs du Poney Express. Assoiffés, épuisés, ils approchaient :
— Mon bon Jolly, si ce n'est un mirage, je crois que nous voici arrivés là où nous pourrons livrer nos lettres. Mais avant cela, une bière bien fraîche et un abreuvoir bien rempli nous feront le plus grand bien.
S'arrêtant devant le saloon, Lucky descendit de cheval et plongea la tête dans l'abreuvoir tandis que Jolly, d'un air hautain, entra dans le saloon.
— Eh bien, mon cowboy se prend pour un cheval maintenant...
Quelques minutes plus tard, Lucky sortit la tête de l'eau, remarqua l'absence de Jolly, les portes encore battantes du saloon, et quatre autres cowboys la tête plongée dans l'eau, habillés de rayures jaunes et noires, un boulet à la main.
Lucky entra dans le saloon et se figea, stupéfait ! Le saloon n'était rempli que de chevaux. Assis à une table sur laquelle étaient posées des piles de jetons, trois d'entre eux fumaient des cigares avec quatre cartes dans le sabot, et un petit haut-de forme sur la crinière. Au comptoir, debout sur les sabots arrières, un ceinturon muni d'un colt sur le flanc droit, un chapeau de cowboy entre les deux oreilles, se tenait un cheval brun. Face à lui, un autre cheval nettoyait des verres à bière à grand coup de langue, tandis que Jolly Jumper riait à mâchoire déployée.
Lucky s'approcha, et du geste universellement connu qu'est le double coup sur le comptoir, commanda une bière. A peine fut-elle servie qu'il vit apparaître via le miroir les quatre cowboys de l'abreuvoir qui venaient d'entrer à leur tour : les Frères Dalton. Joe dégaina, devenant rouge de folie :
— Lucky Luke ! C'est Lucky Luke !
Lucky se retourna plus vite que son ombre, tira quatre coups, désarmant instantanément les quatre frères. Une balle atteint soudain le colt de Lucky et le désarma. Le cheval brun au comptoir se tenait toujours tranquillement face au miroir, à déguster sa bière à grandes léchées. Un nuage de fumée sortait du colt à son ceinturon. Du bout de son sabot, celui-ci se mit à tracer sur la poussière du comptoir « Armes non autorisées dans les lieux publics ». Lucky vit alors briller au flanc du cheval brun une étoile de shérif.
— Eh Joe, cela fait plusieurs jours que l'on ne peut boire que l'eau de l'abreuvoir et maintenant voilà qu'un cheval fait sa loi. Ce n'est pas normal, s'interroge Jack.
Averell réagit :
— Ah, c'était donc de l'eau. Barhorse, j'en prendrai un pinte !
Le cheval de l'autre côté du bar laissa glisser le long du comptoir une pinte transparente. Averell l'attrapa d'un geste, en but plusieurs gorgées, s'essuya la bouche du revers de la manche :
— Peut-être une pointe de savon serait la bienvenue pour relever le goût.
Joe Dalton, toujours rouge de folie, mangeait un morceau de poteau. William osa une idée :
— Eh Joe, peut-être Luke pourrait nous aider, nous sommes coincés là, nos chevaux nous ont lâchés pour vivre libres et heureux, et impossible d'en acheter de nouveau. Ici, ce sont eux qui font la loi...
Joe était trop occupé à ronger un pied de table pour l'entendre. William se tourna vers Jack puis Averell, puis s'approcha de Lucky Luke, le chapeau entre les mains.
Celui-ci, obnubilé par l'étoile de shérif de son voisin équidé, lui tournait le dos. William du bout de l'index lui tapota le dos :
— Cher Lucky Luke. Nous avons vécu bien des déboires dans nos aventures, même si nous avons déjà tenté de nous racheter, voire de nous faire psychanalyser. Nous voici de nouveau en fuite. Cependant, il semble que cette ville soit une prison d'où l'évasion n'est pas possible. Aucune ville n'est accessible à pieds et nous ne trouvons ni cheval ni diligence. Je me permets donc de te proposer de nous raccompagner jusqu'au pénitencier le plus proche où nos probabilités de fuite seront plus grandes que dans ce trou perdu. Cordialement.
Lucky Luke se gratta la tête d'un air gêné :
— J'imagine que cela peut se faire... Qu'en penses-tu, Jolly ?
Jolly souffla en signe de dénégation.
— Cowboy, je ne suis plus ta propriété, ici je peux être un poor lonesome horse sans cowboy sur le dos, pensa-t-il.
Lucky enchaîna :
— Allez, Jolly, ne fais pas la tête, crois-tu vraiment pouvoir avoir une vie trépidante sans moi ?
Jolly souffla de nouveau, releva la tête, et tourna des sabots vers la sortie du saloon.
Lucky Luke s'effondra à la vue de son cheval s'en allant. Il revit défiler toutes leurs aventures. Soudain, Lucky se releva, se précipita auprès de Jolly, et s'interrogea à haute voix :
— Je me demande quand même à qui était destinées ces lettres du Poney Express...
Jolly se figea, tourna la tête, tenta d'ouvrir le sac de sa mâchoire et se mit à tourner sur lui-même à toute vitesse, renversant du même coup la table de poker... Les trois chevaux assis, se mirent à hennir bruyamment, et se jetèrent les uns sur les autres. Lucky Luke escalada un poteau et sauta sur le dos de Jolly. Après un peu de rodéo, il parvint à ouvrir la sacoche, en sortit une lettre et éclata de rire.
— Jolly, je crois qu'il va nous falloir continuer un peu ensemble. Cette lettre est à destination de Moulin-Rouge City. Vous venez les Dalton ?
Ceux-ci, cachés sous une table pour éviter de prendre un coup de sabot, le rejoignirent ventre à terre, et tous sortirent du saloon.
Hors de la ville
— Tu reviendras ici un jour, Jolly, je te promets ! Mais avant cela, reste avec moi. Que serait le poor lonesome cowboy sans son poor lonesome horse ? Ligotés, les quatre Frères Dalton marchaient à son côté. Joe était rouge de rage :
— William, je crois que tu t'es fait avoir.
Et le soleil se couchant à l'horizon, Averell chanta « We are poor lonesome cowboys... ».